L'édito de Philippe Bailly

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FIPA 2015 : la puissance de la création documentaire

La 28ème édition du Festival International des Programmes Audiovisuels s’est tenue à Biarritz du 20 au 25 janvier 2015. Le Festival, marqué par les récents attentats en France, s’est constitué cette année comme un lieu privilégié pour rappeler l’importance de la liberté de création et de la diffusion d’une information sans frontière. Si la fiction demeure un pilier fort de ce carrefour d’échange sur l’audiovisuel, la sélection et le palmarès du genre documentaire résonnent spécialement dans ce contexte et se font l’écho d’un monde qui revient, avec recul, sur les crises et les maux dont il a fait l’objet. NPA Conseil fait le point sur la place, les problématiques et les projets en matière de documentaire évoqués lors de cette édition du FIPA.
Le documentaire, un genre à l’honneur au FIPA 2015

Si la fiction apparaît traditionnellement comme emblème de la création TV, la 28ème édition du FIPA s’est ouverte sur l’intérêt et les qualités du genre documentaire, nécessaire à la connaissance du monde. Après un hommage à Charlie Hebdo, le président du FIPA Didier Decoin a ainsi souligné le potentiel salutaire du documentaire, capable de « poser un diagnostic sur le monde » et d’y apporter une forme de réponse ou de soin par la création et la vision d’auteur.
Cette mise à l’honneur du genre documentaire s’est étendue à d’autres moments forts du Festival, notamment lors du débat organisé comme chaque année par les sociétés d’auteurs (SACD et la SCAM), ayant ici pour thème la création à la télévision pour 2015. A l’occasion de la signature de la Charte entre auteurs et producteurs de documentaires, plusieurs acteurs se sont ainsi exprimés pour soutenir – au regard des récents événements et de leur traitement médiatique – la liberté de création audiovisuelle et notamment dans le documentaire. Le sénateur David Assouline a alors affiché son souhait de la création d’une « chaîne publique d’information continue et de documentaires » et Julie Bertucelli, présidente de la SCAM, celui de voir les documentaires valorisés à la télévision, avec une diffusion moins tardive et suivie de débats : « Après Charlie, il y a besoin de se remettre en question » dit-elle à ce propos.
Enfin, pour mettre en avant une fois de plus ce genre TV qui conserve l’affection des professionnels du secteur et du public, le FIPA a souhaité créer cette année un « Prix du public du documentaire francophone », parrainé par TV5 Monde et doté à hauteur de 2 500€.

Force du témoignage et douloureuse beauté

Les documentaires sélectionnés, et primés pour certains, au FIPA 2015 sont globalement marqués par une dimension de violence. Ainsi, bon nombre de créations originales présentées lors du Festival reviennent sur de sombres événements contemporains, entre conflits armés (Indochine, Irak, Rwanda…) et sociétaux (question Rom, fusillades, banlieues, mondialisation…).
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Plusieurs conflits armés sont ainsi traités. Ceux-ci ne le sont pas par la violence d’images brutes, mais davantage par une violence invisible, via le regard de témoins. On notera tout d’abord la double récompense accordée au documentaire belge Rwanda, la vie après – parole de mères qui reçut le premier « Prix du public » du FIPA et le « Prix Télérama ». Ce dernier – qui sera diffusé en France sur Arte – revient sur le sort de femmes tutsies violées pendant le génocide rwandais et des enfants nés de ces viols, via les témoignages face caméra de six victimes. Dans la même veine, le film documentaire du journaliste japonais Watai Takeharu, Peace on the Tigris, récompensé par le « Prix des jeunes européens », retrace la dure réalité de la guerre d’Irak à travers le quotidien de familles irakiennes. La France n’est pas en reste dans cette thématique et ce traitement particulier : Tchétchénie, une guerre sans traces de Manon Loizeau, témoigne par exemple de la violence quotidienne liée à l’effacement de l’identité tchétchène par la dictature « propre » et invisible du président Kadyrov.
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A ces documentaires de guerre « silencieux », s’ajoutent cette fois les films de conflits sociétaux. Le FIPA d’or du documentaire retentit particulièrement dans le contexte actuel et relate un épisode dramatique, à nouveau par le biais de témoignages : le film néerlandais Pekka, inside the mind of a school shooter (par Alexander Oey), dresse le portrait et tente de comprendre les motivations du lycéen finlandais qui a abattu, en 2007, huit camarades de classe avant de se suicider. Dans la catégorie Grands reportages et investigations, c’est Taïga d’Hamid Sardar – à découvrir prochainement sur France 5 – qui se voit récompensé du trophée d’or : ce film se penche sur les difficultés des derniers éleveurs nomades mongols, poussés à trahir leurs valeurs ancestrales afin de survivre dans une nouvelle économie. Enfin, pour la France il faut retenir la présentation du documentaire de Julien Dubois Bondy Blog, portrait de famille. Celui-ci revient sur la création de ce média en ligne – porté, dès 2005, par des jeunes de banlieues – et par extension sur les richesses et les talents de la jeunesse en cité.

Ces différents documentaires présentés au Festival sont tous caractérisés par une puissance assourdissante mais à la fois silencieuse. Celle-ci prend place, non pas dans le choc des images, mais dans un recul assumé, une forme de maïeutique qui accompagne une tentative de compréhension du monde. Si les thèmes abordés sont tous associés à une forme de violence (intérieure, événements), le dénominateur commun de ces créations réside dans une dimension quasi d’espérance, dans ces interrogations et ces prises de recul salvatrices qui interviennent même quand la réponse à ces questionnements n’est pas véritablement donnée.

Le Festival de Luchon s’ouvre aux documentaires

L’attractivité et la puissance incarnée par le genre documentaire cette année font des émules. L’édition 2015 du Festival des créations audiovisuelles de Luchon, traditionnellement dévolue à la fiction, marque ainsi l’arrivée inédite du format documentaire. A l’initiative du président du festival Serge Moati, parmi les 10 films et séries en compétition ce sont aussi sept documentaires qui seront présentés en février prochain : « un genre créatif, vif, où notre pays et ses créateurs brillent au zénith ». Ces derniers concourront pour ce nouveau Prix Documentaire attribué par la réalisatrice franco-américaine Tonie Marshall, entourée de la comédienne Marie  Kremer, du réalisateur Gilles de Maistre, du journaliste Paul Nahon et de la scénariste Ruth Zylberman. La compétition officielle documentaire du Festival de Luchon accueillera une programmation éclectique, marquée comme le FIPA par des thématiques sociétales (Dépression, une épidémie mondiale ? ; Mais que fait la police ? ; Un baptême du feu), mais aussi plus légères (Le papa des poissons, Toute ma vie j’ai rêvé).

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