L'édito de Philippe Bailly

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Interstellar, en exclusivité en EST, deux semaines avant sa sortie VOD, DVD et Blu-ray

Interstellar figure parmi les sorties vidéo les plus attendues de ce début d’année 2015. Succès au box-office avec plus de 2,6 millions d’entrées salles, la dernière réalisation de Christopher Nolan entend confirmer ces bons résultats en vidéo. A l’occasion de son lancement international, la Warner, propriétaire des droits d’exploitation de l’œuvre, a opté pour un schéma de distribution atypique en France avec une commercialisation exclusive en téléchargement définitif dès le 17 mars avant une sortie généralisée à la VOD locative et aux supports DVD et Blu-ray à partir du 31 mars. Une pratique rarement observée en France pour un blockbuster, qui renvoie fatalement au modèle américain et qui pourrait présager d’un mouvement de fond chez les éditeurs.  

interstellar_twitterEn accordant une primeur de deux semaines au téléchargement définitif pour l’un de ses lancements phares de l’année, le studio américain renforce le statut d’exception de l’EST, mode de commercialisation à même de donner un nouvel essor à un marché vidéo morose. Davantage rémunérateur que les autres modes d’exploitation, avec des revenus 3 à 4 fois supérieurs à ceux de la VOD locative et une absence de coûts inhérents aux supports physiques (pressage, packaging, logistique…), l’EST constitue un relais de croissance indispensable pour l’ensemble de l’industrie vidéo.

En décalant la sortie d’Interstellar en VOD locative et sur supports physiques, la Warner garantit une meilleure visibilité à la copie numérique et renforce son attractivité auprès du grand public en associant aux bénéfices du modèle pour les consommateurs (pérennité des droits, multi-écrans, partage du film) une notion d’exclusivité. Une initiative qui fait écho au marché américain où ayants-droit et distributeurs ont su favoriser les conditions nécessaires à l’émergence du modèle de la vente définitive à prix fort. Face à l’érosion continue des ventes de supports physiques, les studios ont mis en place une nouvelle fenêtre spécifique à l’EST, intercalée entre la fin de l’exploitation salles et l’ouverture de la vidéo traditionnelle (jusqu’à 4 semaines avant).

chronologie_des_medias_usaUn modèle difficilement transposable en France puisqu’il se heurte à la chronologie des médias en vigueur. Le téléchargement définitif reste tributaire de la fenêtre de la VOD locative et des supports DVD et Blu-ray à 4 mois après la sortie en salles de l’œuvre. Ainsi, l’octroi d’une période d’exclusivité pour l’EST ne peut se faire en anticipation de la fenêtre de la vidéo traditionnelle. Il implique de retarder de plusieurs jours voire plusieurs semaines l’exploitation de l’œuvre sur les autres formats vidéo, ce qui constitue un retour en arrière pour les consommateurs en termes d’usages (après l’avancée en 2009 de la fenêtre vidéo de 6 à 4 mois).

Bien qu’elle soit un sujet de débats constants, la réforme de la chronologie des médias semble toujours au point mort : en décembre 2014, certains acteurs, dont Nonce Paolini, président de TF1, se sont opposés à la proposition de réforme établie par le CNC. Malgré cet échec, Frédérique Bredin, présidente du CNC a réaffirmé début janvier sa volonté de développer l’achat définitif de films en vidéo à la demande : « On va prendre des mesures très fortes de façon à ce que l’achat soit vraiment possible dès 3 mois-4 mois pour tous les films ».chronologie_des_medias_france_usa

Enfin, il convient de rappeler qu’outre-Atlantique, l’aménagement d’une fenêtre spécifique à la vente définitive a été initié fin 2012 pour soutenir l’essor du standard UltraViolet qui y compte aujourd’hui plus de 19 millions d’utilisateurs. UltraViolet étant encore embryonnaire sur le marché français, une avant-première en EST revenait jusqu’ici à faire le seul jeu d’iTunes, en situation quasi monopolistique depuis mai 2010. L’élargissement de l’offre survenu ces derniers mois en France, avec l’arrivée de nouveaux acteurs (Wuaki.tv, Carrefour) et la montée en puissance d’acteurs historiques (Orange, Numericable, Google Play) proposant désormais leurs catalogues en vente définitive sur téléviseur via les boxes ou les nouveaux appareils connectés, change la donne et confère un tout autre intérêt à ce type d’initiative.

Le studio américain a ainsi profité de la multiplication des opportunités de distribution en téléchargement définitif pour maximiser la présence de son film sur les plates-formes de vidéo en ligne. Une stratégie d’hyper distribution qui ne se limite pas aux acteurs extracontinentaux. Si CanalPlay VOD et le Video Store de Numericable manquent à l’appel, FilmoTV, La VàD d’Orange, NoLim Films, Pluzz VàD et VideoFutur disposent chacun d’un accord d’exploitation pour le film. Une distribution très large qui par voie de conséquence laisse peu de place à la promotion d’UltraViolet, qui ne bénéficie d’aucune exclusivité malgré la compatibilité du film Interstellar avec le standard et le soutien annoncé de l’industrie pour son développement.

A noter que seul Carrefour avec son service NoLim Films propose une version haute définition de l’œuvre parmi les plates-formes locales. Côté prix, les acteurs extracontinentaux profitent à plein de leur situation fiscale avantageuse pour proposer une version standard 1 à 3 euros moins élevée que leurs homologues français.interstellar_vod

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