L'édito de Philippe Bailly

Vous souhaitez recevoir l’Insight NPA ?

Les américains Rovi et Gracenote concentrent l’innovation autour des métadonnées

Une étude[1] publiée par Rovi à l’occasion de l’IBC 2015 montre que 67% des abonnés à une plate-forme de télévision payante ou à un service OTT se disent prêts à payer plus cher ou à changer de fournisseur d’accès pour bénéficier de services de découverte et de recommandation plus efficaces. L’amélioration de l’expérience utilisateur représente donc un des principaux enjeux de la distribution des contenus numériques aujourd’hui. Mais le développement de nouveaux services et de fonctionnalités avancées passe nécessairement par l’harmonisation et l’enrichissement des métadonnées. Les prestataires spécialisés, à l’instar des deux leaders Rovi et Gracenote ne cessent d’améliorer leurs solutions. Leurs dernières annonces apportent un éclairage intéressant sur les prochaines évolutions des interfaces numériques tout en laissant craindre que l’innovation ne soit préemptée par des services américains.

Gracenote[2] travaille aujourd’hui dans deux directions principales : l’enrichissement des données autour des contenus sportifs et l’élargissement de sa base de données aux nouveaux contenus vidéo du web. Concernant le sport, Gracenote a créé ex nihilo au mois de mai dernier une nouvelle entité Gracenote Sports grâce à l’acquisition de deux sociétés spécialisées, Infostrada Sports en Europe (Pays-Bas) et SportsDirects Inc au Canada. Cette croissance externe lui permet d’enrichir sa plate-forme au-delà des contenus audiovisuels et de la musique, son cœur de métier initial, avec des données sportives d’une richesse incomparable[3]. Gracenote possède désormais des informations, des statistiques et une banque d’images pour toutes les grandes compétitions internationales, les équipes et les joueurs. Alors que les groupes médias (BBC, Eurosport, RMC Sport…) et les institutions sportives représentent aujourd’hui les principaux clients des deux sociétés rachetées, les plates-formes de distribution numériques (TiVo, Roku) qui travaillent avec Gracenote vont pouvoir également bénéficier de ces nouvelles données. Les guides de programmes électroniques vont s’enrichir d’une information plus complète ; et de nouveaux services sont envisagés comme des notifications d’alertes en fonction des préférences sportives des utilisateurs. De la même manière les opérateurs vont pouvoir développer plus simplement des applications interactives pour enrichir la diffusion des différentes compétitions sur l’écran principal ou sur le second écran.

Après la musique, l’audiovisuel et le sport, Gracenote s’ouvre également aux vidéos du web. Là encore il s’agit d’un enjeu majeur pour les distributeurs à commencer par les diffuseurs de télévision payante engagés dans une ouverture plus ou moins rapide de leurs plates-formes pour passer du statut d’agrégateurs de chaînes TV à celui d’agrégateurs de contenus. Gracenote annonce donc l’intégration dès 2016 des métadonnées des « Digital first Content » en commençant par les vidéos des grands MCN de la galaxie YouTube, comme Maker Studios (Disney) ou Aweseomeness TV (Dreamworks). Les métadonnées porteront sur la description et le résumé des vidéos ainsi que sur les personnages principaux. Afin de ne pas dépendre de YouTube, par ailleurs très réticent à partager des données avec des acteurs entrant en concurrence directe avec ses propres interfaces (Google Search, Google Now), des accords ont été passés directement avec les éditeurs. Les plates-formes clientes de Gracenote vont donc pouvoir développer des outils de découverte et de recommandation plus horizontaux, intégrant des vidéos en plus des contenus audiovisuels traditionnels.

Le principal concurrent de Gracenote, le leader Rovi travaille sur des pistes similaires puisqu’il dispose de sa propre base de données sur le sport et ouvre également ses solutions aux services OTT – de manière plus modeste néanmoins – en référençant la disponibilité des contenus audiovisuels dans différents catalogues en ligne (iTunes, Amazon Instant Video, Hulu…). Pour autant, eu égard aux dernières annonces les efforts portent essentiellement sur les nouvelles interfaces de découverte avec le développement d’une suite d’outils utilisant la recherche vocale et la reconnaissance du langage naturel. La suite « Conversation Services » de Rovi repose sur son graphe de connaissance sémantique qui, à l’instar de ceux développés par les géants du web permet de contextualiser les requêtes. Le salon IBC a été l’occasion d’annoncer que l’espagnol, la deuxième langue la plus parlée dans le monde allait être intégrée au même titre que l’anglais dans la suite logicielle. De plus, un nouveau partenariat avec le spécialiste Nuance Communications (et son produit Dragon TV) va permettre d’améliorer la reconnaissance vocale. Cette approche intégrée de Rovi est une bonne nouvelle pour ses clients opérateurs ou équipementiers qui peuvent déployer rapidement des services vocaux dans leurs interface et ainsi ne pas laisser place libre aux fonctions de recherche vocale déjà intégrées dans les terminaux des géants du web (Siri pour la nouvelle Apple TV, Alexa dans la Fire TV d’Amazon ou OK Google pour le prochain Chromecast).

Jamais les métadonnées n’ont représenté un enjeu aussi important pour la distribution des contenus numériques. Alors que les prestataires spécialisés nord-américains adoptent de nouvelles approches innovantes, notamment en utilisant les technologies du web sémantique, les évolutions semblent plus lentes en France. Alors que la Mission Lescure pointait dès 2012 que les métadonnées représentaient un enjeu crucial pour le développement de l’offre légal et l’avenir des industries culturelles, le chantier de la coordination, de la standardisation puis de la création de registres ouverts de métadonnées n’a toujours pas abouti.

______________________________________________________________________

[1] Etude en ligne réalisée auprès de 4000 abonnés à la TV payante et à un service OTT dans 7 pays différents (Etats-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Japon et Inde).

[2] Voir Flash 730 du 16 oct. 2014 « L’américain Gracenote confirme ses ambitions internationales sur le marché des métadonnées »

[3] 50 ligues nord-américaines, 2000 équipes et 15 000 joueurs suivis par SportsDirect Inc. contre 15 000 compétitions européennes et internationales avec un historique de plus de 100 ans pour certaines du côté d’Infostrada.

Vous êtes abonnés à l’Insight NPA ? Merci de renseigner vos identifiants pour accéder à l’ensemble de cet article.

Pas encore inscrit à l'Insight NPA ?