L'édito de Philippe Bailly

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Focus : Les applications s’imposent comme vecteur majeur du streaming vidéo

Le déploiement des réseaux de quatrième génération (4G), a logiquement conduit à une explosion de la vidéo dans le trafic de données consommées sur les appareils mobiles. Le phénomène est bien documenté à la fois grâce aux études des spécialistes de l’audience et grâce aux données des gestionnaires d’infrastructure ou équipementiers réseaux, comme Cisco et Ericsson[1]. Néanmoins, le poids écrasant des plates-formes gratuites de partage de vidéos fausse l’image du marché et ne permet pas d’évaluer à sa juste valeur le succès des applications de streaming centrées sur les contenus professionnels. Les analyses du cabinet américain App Annie apportent un éclairage complémentaire en mettant en regard les applications les plus téléchargées avec celles qui génèrent les revenus les plus importants.

Enseignements généraux

La plateforme App Annie Analytics permet de suivre les téléchargements, les recettes et les classements de plus de 600 000 applications sur les différents magasins applicatifs. Pour sa dernière étude « Mobile Video Streaming Takes off Globally[2] », App Annie a choisi de se concentrer sur trois marchés, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Chine. Pour chaque marché, les applications de contenu vidéo ont été identifiées au sein des différentes catégories[3] des versions locales de l’App Store iOS et de Google Play. App Annie a choisi de retenir dans son périmètre les applications distribuant sous forme de vidéos de longue durée des séries TV, des films et des rencontres sportives intégrales. Sont donc écartés de cet échantillon, les applications qui à l’instar de Facebook ou Vevo distribuent des contenus vidéo de très courte durée, des clips musicaux, des montages et autres extraits vidéo. YouTube en revanche fait bien partie du périmètre de l’étude. Les analyses portent sur une période de 12 mois d’août 2014 à juillet 2015. Elles permettent de comparer les trois marchés à partir des classements des applications les plus téléchargées et des applications les plus rentables[4]. L’étude n’apporte en revanche aucune données chiffrées précises ce qui rend impossible toute évaluation sur les parts de marché ou les revenus réels des différentes applications qui apparaissent dans les classements.

Le principal enseignement est celui du dynamisme global du marché des applications de streaming vidéo. Les revenus générés ont été multipliés par 3,2 aux Etats-Unis en douze mois et par 9,6 en Chine. La croissance est beaucoup plus limitée au Royaume-Uni (X1). Ces chiffres sont à mettre en perspective avec ceux des téléchargements, en croissance certes mais de manière beaucoup plus modeste : augmentation de 1,6 en Chine, de 1,1 au Royaume-Uni et stabilité aux Etats-Unis. Il existe donc un vrai modèle économique pour les contenus longs en mobilité, supporté par des taux d’équipement croissant en Smartphones et tablettes, des diagonales d’écrans de plus une plus importantes et des forfaits data de plus en plus généreux.

Le second enseignement essentiel est celui de l’importance des contenus locaux et de leur distribution au sein d’applications de qualité directement édités par les agrégateurs traditionnels, chaines de télévision et opérateurs de télévision payante. De fait, malgré le succès des super puissances applicatives, YouTube et Netflix, qui dominent les téléchargements, le streaming sur appareils mobiles reste une opportunité considérable pour les acteurs locaux.

Des structures de marché très différentes

fApp Annie « Mobile Video Streaming Takes off Globally », oct. 2015

La Chine fait figure d’exception puisque les applications les plus téléchargées sont également celles qui génèrent le plus de revenus. Neuf des 10 applications les plus téléchargées sont également les plus rentables. La situation est totalement différente aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, avec seulement deux applications communes, Hulu et NFL Mobil aux Etats-Unis, ITV Player et Sky Sports au Royaume-Uni.

Puisque les contenus locaux occupent une place importante l’espace est logiquement segmenté de façon très différente sur les trois marchés :

Aux Etats-Unis, la diversité est très importante avec une répartition homogène entre les applications de streaming vidéo éditées par des pure players internet, des radiodiffuseurs traditionnels, des networks et des ligues sportives. On note également le succès en termes de monétisation des services de niche qui placent deux applications dans le top 10 des revenus avec Crunchyroll, spécialiste de l’animation japonaise (modèle économique de l’abonnement) et DramaFever qui proposent des drama asiatiques et sud-américains (paiement à l’acte). Mais le fait marquant reste incontestablement la présence de HBO Now en tête des applications les plus rentables sur la période des douze mois étudiés alors qu’elle n’a été lancée qu’en avril 2015. Son succès valide la nouvelle stratégie OTT de la chaîne premium. Plus globalement, sa présence dans le Top 5 à côté de Hulu, Disney Junior et des grandes ligues sportives confirment la tendance à la sortie des contenus premiums des bouquets traditionnels de TV payante au profit de l’auto-distribution ciblant le consommateur en direct. En creux, la présence dans le Top 10 des téléchargements de deux applications seulement liés à un grand Network (ESPN) ou un opérateur (XFINITY de Comcast) marque les limites du modèle de la TV Everywhere.

A contrario, le marché britannique est beaucoup plus homogène, concentré sur les contenus TV traditionnels ainsi que les contenus sportifs. En termes de téléchargement, les applications de la BBC et des chaînes privées ainsi que celles du premier opérateur de télévision, Sky occupent 8 positions dans le Top 10, laissant très peu d’opportunités aux autres acteurs de la vidéo. Seuls les incontournables YouTube et Netflix réussissent à se positionner dans le Top 10. En termes de revenus, ce sont les applications sportives qui sont les plus performantes (75% des revenus selon App Annie) ce qui reste logique car les applications du service public ne sont pas monétisées et les dispositifs de télévision de rattrapage restent largement gratuits. On note néanmoins une exception importante puisque le ITV Player réussit à se classer 2ème application la plus rentable. Le modèle freemium qui permet de s’abonner à ITV Player Premium pour bénéficier de plus de contenus (dont le Live des chaînes ITV3 et ITV4) et sans publicité, est donc un succès et prouve que la monétisation de la télévision de rattrapage par les téléspectateurs reste possible, même au pays du BBC iPlayer.

Les dynamiques du marché français

Pour prolonger l’étude App Annie et avoir des éléments de comparaison avec le marché français, l’analyse des avis laissés par les mobinautes sur les magasins d’applications ainsi que celle de la part de search effectuée via les terminaux mobiles apportent une indication de la vitalité des applis proposées par les grandes marques de l’univers audiovisuel. NPA Conseil en a étudié 22, situées sur différents maillons de la chaîne :

  • Services proposés par des éditeurs : MyTF1, Pluzz, 6Play, MyCanal, Arte.TV, BFM TV, Gulli, iTele, D8, D17, NRJ12,
  • Applis dédiées des FAI : TV d’Orange, SFR TV et B.TV
  • Applis de magazines TV (pour leur partie consacrée aux programmes) : Télérama, Télé Loisirs, Télé 7 Jours et TV Magazine.
  • Services de SVoD : Netflix, CanalPlay
 Volume d’avis émis sur les Applis spécialisées : la SVoD en relai des guides de programmes

Si l’on considère le volume total d’avis exprimées par les différentes applis depuis leur lancement (et en le supposant représentatif des volumes de téléchargement effectués), Télé 7 Jours et Télé Loisirs – en représentent à eux seuls près du tiers, témoignant que les services mobiles ont eu pour première fonction de renseigner sur les programmes diffusés par les chaînes.

Les deux hebdomadaires sont suivis par les plateformes – associant live et replay – lancées plus récemment par les principaux groupes audiovisuels (MyCanal, MyTF1, 6Play) et par les services proposés par les FAI. Les bases installées des chaînes de la TNT et des services de SVoD semblent plus modestes.

Mais la hiérarchie apparaît sensiblement différente si l’on se concentre sur la période récente : le 1er semestre 2015.

C’est alors l’application MyCanal qui se détache (elle bénéficie par ailleurs de la meilleure note moyenne) tandis que Télé Loisirs et Télé 7 Jours rétrogradent respectivement aux 3es et 6es rangs. MyTF1 (malgré une note sensiblement inférieure à la moyenne générale de 3,2), 6Play mais également B.TV occupent les autres places du Top5.

Et le cumul CanalPlay / Netflix s’adjuge une virtuelle 6e place (la première ayant été apparemment boostée par la période d’accès gratuit au service offerte en début d’année par Canal+ à ses abonnés : plus d’un quart des avis a été recueilli sur le seul mois de janvier), confirmant la montée en puissance de la SVoD observée au cours de l’année écoulée.

fNPA Conseil

 Volume d’avis émis sur les Applis spécialisées dans le streaming de programmes et/ou l’information sur les programmations

Outre que l’affirmation de la SVoD se retrouve dans l’analyse du search mobile avec la 4e position de Netflix, l’observation de la part que celui-ci occupe par rapport à l’ensemble des recherches sur les différentes marques fait ressortir les fortes performances des médias les plus chauds (BFM tout particulièrement, après un pic spectaculaire en janvier, au moment de l’attentat à Charlie Hebdo), des chaînes ciblant les jeunes adultes (jusqu’à 26% du total pour NRJ12), et plus encore des magazines TV (Télérama est le seul à ne pas approcher la barre des 20%).

fNPA Conseil

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[1] Cisco estime que la vidéo représentera 69% du trafic mondial de données mobiles en 2018, contre 53% en 2014.

[2] http://blog.appannie.com/mobile-video-streaming-takes-off-globally/

[3] Dans les catégories Divertissement, Actualités, Photo et vidéo et Sports de l’App Store iOS, ainsi que dans les catégories Divertissement, Multimédia et vidéo, Actualités et magazines et Sports de Google Play.

[4] Les revenus sont des estimations qui ne prennent en compte que les téléchargements payants et les achats in-app. Les revenus de la publicité in-app ne sont pas concernés.

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