L'édito de Philippe Bailly

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La presse entre en concurrence avec les géants du Web

Les géants du Web proposent nouvelles fonctionnalités pour héberger le contenu des éditeurs de presse en ligne, moyennant une meilleure visibilité et un partage des revenus[1]. Ces initiatives peuvent représenter une opportunité, mais également fragiliser les éditeurs. Ceux-ci décident depuis d’ouvrir un nouveau champ de bataille par un positionnement marketing plus « tech-oriented », via la qualification des audiences, le développement de plateformes programmatiques et l’édition d’outils technologiques.

Mieux qualifier les audiences et définir des segments premium

De grands groupes d’édition s’inspirent des techniques initiées ou mises ou point par les géants du Web, sur le travail de la qualification des audiences au service des marques, grâce à la capacité à proposer des cibles pointues, « premiumisées ». Pour Edward Menicheschi, Directeur marketing de Condé Nast, il est vital pour les entreprises de média traditionnelles de profiter de leur avantage en termes de data, de valoriser leurs données 1st party issues des abonnements et développer une expertise marketing fondée sur l’individu afin d’offrir à leurs clients des audiences personnalisées.

Ainsi, Condé Nast a fait l’acquisition (pour 500M$) en août 2015 de 1010data, spécialiste de la data en charge de cette qualification afin de créer des segments, tels les « Forever 21 » (« Femmes partageant la même fougue juvénile que leur fille », d’après E. Menicheschi), ou les « Streamers » (les jeunes hommes qui ne regardent jamais la TV). Dans cette même optique, sur le marché français, Webedia vient d’entrer au capital de la plateforme de marketing programmatique Tradelab, pour un montant non dévoilé. L’objectif de cette opération est de permettre l’exploitation des data collectées par Webedia via ses sites sur les thématiques Cinéma, Jeux vidéo, « Lifestyle » (people, cuisine, Tourisme) et leur enrichissement par des data tierces agrégées par Tradelab, hors de l’univers de Webedia. Tradelab agira tel un « publisher trading desk » qui aidera les marques du groupe à définir des segments de profils très qualifiés monétisables auprès des annonceurs. Pour Cédric Siré, fondateur et PDG de Webedia, cet investissement représente l’opportunité d’accroître le chiffre d’affaires publicitaires du groupe en commercialisant ses data, tout en la protégeant et en en gardant le contrôle par rapport aux géants du Web.

Contrôler l’achat programmatique, gagner en puissance et en flexibilité

Les éditeurs de presse s’organisent pour permettre l’achat programmatique de leurs inventaires qualifiés grâce à des places de marché programmatiques. Nombre d’entre eux développent leur propre plateforme, qui leur permet de mieux maîtriser le yield et les tarifs, mais également de nouer des deals en direct avec les agences qui ne reposent pas sur des enchères en temps réel. L’union faisant la force, certains grands éditeurs ont pris l’initiative de se regrouper au sein d’AdEx privés pour gagner en puissance et mieux valoriser leurs audiences.

En mars 2015, 4 des principaux acteurs mondiaux de la presse ont dévoilé l’Alliance Pangaea : The Guardian, CNN International, The Financial Times et Reuters. The Economist ouvrira également un accès à ses inventaires publicitaires. Au sein de ce projet, en test depuis avril, les marques ont accès à des audiences larges et très influentes via des technologies de pointe (la plateforme est opérée par Rubicon). En effet, l’audience globale de l’Alliance est 110 millions d’abonnés et utilisateurs mensuels hautement influents et aisés (hauts niveaux de revenus et échelon managérial / cadre supérieur), sur des marchés puissants – Amérique du nord, Europe, Moyen-Orient et Asie-Pacifique – permettant des campagnes globalisées. De plus, les participants à cette initiative garantissent non seulement une grande flexibilité dans les achats, mais également un environnement qualitatif et protecteur (brand safety). Sur le marché français, un projet similaire a été inauguré fin septembre 2015 avec la plateforme Mediasbook qui regroupe les régies Amaury Médias, Les Echos Medias, Groupe Altice Média, Lagardère Publicité, M Publicité – Régie Obs, Groupe Marie Claire Media et Mondadori Publicité. L’audience commercialisée par cette plateforme atteint 45 millions d’individus par mois et de 28 millions d’internautes d’après les Etudes One et Médiamétrie, selon le communiqué. Ce projet, ouvert à d’autres groupes de presse, sera opérationnel dans le courant du 1er semestre 2016.

Devenir éditeurs de solutions technologiques

L’édition d’outils technologiques représente un potentiel de diversification des ressources. A cet égard, The Washington Post fait figure de pionnier. L’éditeur a développé ARC, suite d’outils d’interconnexion de l’ensemble des tâches de publication (tous formats, tous supports) et de gestion de commentaires et médias sociaux. Il s’agit de l’une des conséquences du rachat du Washington Post par Jeff Bezos, PDG d’Amazon en 2014. Ce dernier a décidé de mettre l’accent sur le développement d’outils en interne permettant d’optimiser l’activité et de générer des gains de productivité dans l’édition des contenus. Il est désormais commercialisé auprès d’éditeurs tiers. L’hebdomadaire Williamette Week situé à Portland sera le 1er client.

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[1] Cf. Flash n°768 du 30/09/2015 : « Tax on audience : Facebook, Google & Apple mènent l’offensive sur les éditeurs de presse ».

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