L'édito de Philippe Bailly

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En Chine, la vidéo en ligne change progressivement de modèle économique

La Chine est le premier marché du monde pour la vidéo en ligne. Longtemps cantonné à un modèle gratuit, financé par la publicité, l’essor de la vidéo à la demande payante est désormais une réalité structurante. Malgré les difficultés liées à l’encadrement très strict du marché, les opportunités sont considérables pour les industries de contenus étrangères.

• La Chine principal marché mondial pour la vidéo en ligne en nombre d’utilisateurs

Les derniers chiffres officiels montrent que les usages du streaming vidéo continuent de croître en Chine. Dans son dernier rapport statistique sur le développement de l’internet, le CNNIC (1) estime qu’il y a désormais 461 millions de chinois qui utilisent régulièrement la vidéo en ligne, soit 69,1% de la population internaute. Parmi eux, 354 millions consomment la vidéo depuis leur smartphone qui reste donc de très loin le terminal le plus utilisé. Surtout, si la vidéo en ligne ne représente que le sixième usage de l’Internet dans le pays, elle continue de progresser (+28,2M d’usagers par rapport à décembre 2014) alors qu’on observe un ralentissement d’autres pratiques concurrentes comme le streaming musical, le microblogging ou la lecture numérique. La Chine est donc aujourd’hui le premier marché mondial pour la vidéo en ligne.

• Mais un marché en retard en termes de chiffre d’affaires

Le marché est évalué pour l’année 2015 à 5,4 milliards d’euros. Il pourrait être multiplié par trois d’ici 2018 selon le cabinet spécialisé iResearch, basé à Shanghai. La vidéo représenterait alors près de 10% de l’ensemble du marché chinois du divertissement et des médias, chiffré par Pricewaterhouse Coopers à 214 milliards de dollars (188Mrd€), faisant de la Chine le troisième marché mondial en termes de revenus.

1NPA Conseil sur données iResearch China

En attendant, malgré une croissance significative, le marché chinois de la vidéo en ligne souffre d’un réel problème de monétisation. Premier marché en nombre d’utilisateurs, les revenus restent très loin de ceux du marché américain. Ils sont environ trois fois moins importants en 2015 puisque si l’on cumule les revenus de la vidéo payante (8,9 milliards de dollars en 2015 selon le DEG pour la TVOD, SVOD et EST) et ceux des revenus publicitaires de la vidéo en ligne (entre 4,5 et 6,5 milliards de dollars selon les sources (2)), on arrive à un marché global de la vidéo d’environ13 milliards d’euros (14Mrd$).

Cette différence s’explique par la structure très déséquilibrée du marché chinois de la vidéo, trop dépendant des seuls revenus publicitaires. Ceux-ci représentaient encore en 2013 plus de 70% des revenus globaux. Leur part aurait reculé à 61% en 2014 et à 58% en 2015 selon les prévisions iResearch.

2NPA Conseil sur données iResearch China

Malgré un rééquilibrage progressif, la publicité reste donc le principal moteur des revenus de la vidéo. De plus, le rééquilibrage profite principalement à la catégorie « Autres » qui regroupe nombre de spécificités du marché chinois avec une imbrication complexe des principales plates-formes dans un écosystème global permettant de monétiser des jeux vidéo et de vendre des produits annexes (y compris du matériel comme des streaming Box) autour des contenus vidéos. En revanche, les revenus de la vidéo payante, qu’il s’agisse d’abonnements ou de transactions à l’acte, restent faibles. Avec 13% seulement des revenus, ils atteignent en 2015 à peine 700M€ (5,1Mrd de Yuan contre 1,4Mrd en 2014 et 0,7Mrd en 2013). La diversification du modèle économique des grandes plates-formes vidéo est insuffisante et commence seulement aujourd’hui. Les relais de croissance se trouvent dans les revenus générés directement par les utilisateurs qui compenseront la décélération de la croissance des revenus publicitaires.

• Une diversification indispensable vers la vidéo payante

Le retard pris sur la monétisation directe des contenus touche l’ensemble des grands services vidéo. Si l’on s’en tient aux six plates-formes qui dominent le marché, on constate une proportion d’abonnés payants extrêmement faible. Les données ne sont pas publiées par les sociétés mais le CNNIC a obtenu les chiffres pour l’année 2014, publiés dans le 35ème rapport statistique sur le développement de l’Internet en Chine (janvier 2015 http://www1.cnnic.cn/IDR/ReportDownloads/201507/P020150720486421654597.pdf) . Youku (groupe Alibaba, désormais fusionné avec Tudou), principal service avec plus de 500M d’utilisateurs mensuel culmine à 10,7% d’utilisateurs payants. La proportion est beaucoup plus faible pour ses concurrents. D’après Yang Weidong, vice-président de Youku Tudou, invité au MIP 2015 ( https://youtu.be/bg3JxFnfly0 ) , le nombre d’abonnés payant a fortement progressé en 2014 pour atteindre un million de personnes (abonnement de 12 euros par an). Concernant son concurrent iQiYi (Baidu), un communiqué annonce 5 millions d’abonnés au 15 juin 2015 (+765% en un an !) puis 10 millions au 31 décembre. La transition est donc à la fois extrêmement rapide mais très récente et encore insuffisante à l’échelle du pays.

Proportion d’utilisateurs payants pour les 6 principaux sites de vidéo en Chine (au 1er janvier 2015)

3NPA Conseil sur données CNNIC

Le déséquilibre entre revenus publicitaires et monétisation directe des contenus a des conséquences sur l’équilibre économique des différents services. Là encore, les publications financières des conglomérats qui gèrent ces services ne permettent pas d’isoler le segment de la vidéo en ligne. Mais les commentaires officiels du CNNIC sur le marché de la vidéo en Chine sont tout à fait explicites sur ce point. Les grands services ne gagnent pas d’argent. Les déficits ont été constants et le point d’équilibre est tout juste atteint aujourd’hui. Janvier 2012 (29ème rapport): « L’industrie de la vidéo en ligne dans son ensemble est déficitaire, ce qui sera difficile à changer dans l’état actuel des choses » ; Juillet 2015 (36ème rapport): « Au cours de son développement, l’industrie de la vidéo en ligne a été handicapée par les coûts de bande passante et d’acquisition de droits mais également par son modèle économique unique, ce qui a conduit la majorité des sociétés à une situation déficitaire. (…). Compte tenu des tendances de développement actuelles de l’industrie de la vidéo dans son ensemble, les services de vidéo en ligne sont arrivés à un point d’équilibre et de plus en plus d’entre-elles sont susceptibles de dégager des bénéfices dans un futur proche ».

• Un modèle payant retardé par les particularités du marché chinois

Le retard du modèle payant est lié à l’histoire complexe du marché de la vidéo en Chine. Trois facteurs principaux qui correspondent à autant de périodes différentes peuvent être identifiés.

– D’abord, malgré des retards importants en termes d’équipement et d’infrastructures internet, la Chine est un marché précurseur dans le domaine de la vidéo en ligne. Les premiers services sont nés à peu près en même temps qu’aux Etats-Unis et en Europe avec un modèle similaire basé sur les contenus générés par les utilisateurs (UGC). En occident, Google vidéo a été lancé en janvier 2005, suivi par Dailymotion en février 2005 puis YouTube en décembre de la même année. En Chine, LeTV.com, service précurseur est apparu dès novembre 2004. Son succès immédiat a conduit à une prolifération de services concurrents dont la plupart existent toujours aujourd’hui (Sohu.com qui deviendra TV.Sohu, Tudou, Youku, Ku6 Media, PPTV, PPS Net TV…). Il y a donc un ADN gratuit des grands services, liés au modèle UGC.

– Ensuite le poids du piratage. Jusqu’en 2008, la mise en ligne illégale des contenus professionnels (films de cinéma, programmes TV) est un fait majeur et structurant. L’ampleur du phénomène a conduit les médias traditionnels (emmenés par la télévision centrale de Chine CCTV et l’éditeur privé Phoenix Satellite Television Holdings, basé à Hong Kong) à se rapprocher des services de vidéo en ligne pour leur fournir légalement leurs contenus à des coûts extrêmement compétitifs, et en échange d’une lutte commune contre les sites pirates. Le mouvement a été encouragé par les autorités (via le SARFT, L’Administration générale de la presse, de l’édition, de la radiodiffusion, du cinéma et de la télévision) accusées par la communauté internationale de ne pas défendre les droits d’auteur. Cette deuxième période a donc permis la généralisation des contenus professionnels sur les sites de vidéo en ligne, à côté ou en remplacement des contenus UGC. Les faibles coûts d’acquisition initiaux ont conduit les conglomérats propriétaires des sites à privilégier le modèle publicitaire ; mais également des formes singulières de monétisation basées sur des synergies avec une myriade de sites adjacents constituant les écosystèmes des géants du web chinois (Alibaba autour du e-commerce, Tencent autour du réseau social WeChat, Baidu autour de son moteur de recherche).

– Enfin, le caractère très concurrentiel du marché. Suite à la deuxième période, les contenus professionnels sont devenus abondants sur le marché de la vidéo en ligne. Les différents services ont du se différencier par l’acquisition de droits très premium et le développement de leurs propres productions originales. La monétisation par la publicité impliquait de démultiplier le trafic en massifiant les usages. La croissance reposait donc sur le volume. Avec des conséquences sur le modèle économique des sites qui ont dû supporter en même temps l’explosion des coûts de bande passante et des investissements dans les contenus.

• La mise en place de nouvelles stratégies pour la vidéo en ligne

Après une décennie d’histoire mouvementée, la vidéo en ligne doit donc réinventer son modèle. L’équation économique des premières années, très compliquée a débouché sur une restructuration profonde du marché avec la disparition des services les moins solides (Ku6 Media) et plusieurs opérations de concentration importantes à commencer par la fusion (mars 2012) des deux leaders Youku et Tudou, au sein d’une même plate-forme détenue en partie par Alibaba. Alors qu’il existait plus de 200 sites concurrents dans le passé, la consolidation a conduit à une domination écrasante des trois géants du web chinois, les BAT (Baidu, Alibaba, Tencent) auxquels il faut ajouter Sohu, autre acteur historique. Ces grands groupes se sont entendus pour mieux structurer le marché en mutualisant par exemple les achats de contenus auprès des chaînes et des producteurs. Tous partagent également la nécessité de développer la vidéo payante. Cet aspect est indissociable de l’initiative « China Internet Plus Alliance» présentée par les BAT en décembre 2015. Avec le support des autorités, Alibaba, Baidu et Tencent se sont associés pour mieux réguler l’internet chinois et accélérer son développement afin d’en faire un vecteur de transformation et d’innovation pour l’ensemble des industries chinoises. L’heure n’est donc plus au volume mais à la création de valeur. Et la vidéo payante trouve toute sa place dans cette stratégie.

En termes de contenus, la restructuration du marché vidéo s’est accompagnée d’une ouverture de plus en plus importante des sites vers les programmes étrangers, en particulier nord-américains. Deux explications principales. D’abord la nécessité d’une montée en gamme des services pour se différencier. Ensuite, une opportunité liée à une distorsion de concurrence entre une télévision extrêmement régulée avec des restrictions draconiennes sur la diffusion de programmes étrangers afin de protéger les industries de contenus chinoises, et un secteur de la vidéo en ligne longtemps épargné par la régulation. Les plates-formes vidéo ont donc pu se tourner précocement vers l’autre rive du pacifique pour nouer des accords avec Hollywood. Face à l’impossibilité de pénétrer le marché de la télévision chinoise, et face aux quotas imposés pour les sorties en salles, les studios ont vendu leurs contenus à des prix défiant toute concurrence pour trouver des débouchés alternatifs assurant leur présence dans le pays. TV.Sohu, Youku, Tudou ou iQiYi ont ainsi pu acheter massivement des contenus américains dès 2010.

• Une modification profonde du marché sous l’impulsion des BAT

Les principaux partenariats avec les studios anglo-saxons de même que les évolutions des plates-formes vidéo éditées par les BAT illustrent l’évolution du marché de la vidéo en Chine, de plus en plus tourné vers le modèle payant.

 Alibaba (3)

Le conglomérat a lancé en septembre 2015 un nouveau service de streaming vidéo, baptisé TBO (Tmall Box Office) en s’inspirant ouvertement du modèle de Netflix ou de HBO Now. TBO (site et applications mobiles et pour téléviseurs connectés) propose des films de cinéma et des séries TV en streaming moyennant un abonnement fixé à 39 yuan/mois (0,8€). 90% des contenus de TBO sont réservés aux abonnés alors que les 10% restants sont gratuits. TBO propose à la fois des contenus achetés à l’étranger (DHX Media pour les contenus jeunesse, le catalogue et les nouveautés de NBC Universal) et d’autres directement produits par les différentes divisions d’Alibaba à commencer par Alibaba Pictures Group. Cette entité qui vise à devenir le principal studio chinois (activités de distribution et de production) est issue des investissements dans la société de production audiovisuelle Beijing Enlight Media Co. à l’origine d’importants succès à la télévision comme l’émission de flux « Top Chinese Music » et du rachat de la société de production de cinéma ChinaVision Media pour plus de 800M$. L’objectif d’Alibaba est de finaliser rapidement l’acquisition complète de la plate-forme leader en Chine Youku Tudou dans laquelle il a déjà investi en 2014 (16,5% du capital). Un accord définitif vient d’être annoncé le 4 avril pour un montant de 4,2Mrd$. TBO devrait devenir un corner payant au sein de Youku Tudou qui propose déjà une « chaîne » premium payante grâce à des accords d’envergure avec Disney (259 épisodes de série TV) et surtout la filiale locale de Warner Bros Entertainment (accord de trois ans jusqu’en 2018 pour proposer en vidéo transactionnelle de 400 à 450 films Warner Bros).

Alibaba possède également deux accords d’envergure avec Lionsgate et The Walt Disney Company. Le premier, en vigueur depuis fin 2014, porte sur l’exploitation numérique des séries (« Mad Men ») et des principales franchises cinématographiques (« Twilight », « Hunger Games ») de Lionsgate via un service de vidéo à la demande par abonnement (Lionsgate Entertainment World – LGEW) exclusivement distribué sur les box d’Alibaba. Dans le cas de Disney, il s’agit d’un partenariat global pluriannuel avec le studio (annoncé en décembre 2015) portant sur la distribution d’un boitier baptisé DisneyLife, distribué en exclusivité par Alibaba et permettant d’accéder en streaming aux contenus du studio. En outre, Alibaba est partenaire pour proposer depuis son site de e-commerce l’achat de tous les objets physiques Disney, y compris les tickets pour les parcs d’attraction de Shanghaï et Hong Kong.

 Baidu

L’ensemble de la stratégie payante de Baidu dans la vidéo s’articule autour de son site phare iQiYi dont il est propriétaire à 80,5%. Le site est valorisé début 2016 à 2,8Mrd$. Il est vrai que iQiYi talonne le leader Youku Tudou et l’aurait même dépassé au second semestre 2015 sur les usages mobiles (les deux sites tournent autour de 500M de visiteurs uniques chaque mois). Il est également en tête en nombre d’abonnés payants (19,8 yuans/mois soit 2,7€) avec 10M de chinois fin 2015, soit environ 2% des utilisateurs (4). L’objectif affiché est d’arriver à 10% d’abonnés (50M de personnes) dans une dizaine d’année (5).
Ces bons résultats sont notamment liés à l’intégration de l’autre site vidéo de Baidu, PPS en 2013 ainsi qu’à une politique de production (58 séries originales pour un total de 500 épisodes en 2015) et d’acquisition de contenus offensive. En 2015, l’enveloppe de Baidu destinée aux contenus (quasi exclusivement absorbée par iQiYi) a progressé de 46%. 591M$ ont été dépensés soit plus de 6% du chiffre d’affaires.

Une nouvelle fois, Hollywood fait figure de partenaire majeur. Dès 2014 des accords ont été trouvés avec Paramount Pictures (800 films), Lionsgate et NBCUniversal pour enrichir le catalogue. Un deal pluriannuel a également été signé avec Sony Pictures Television pour les séries TV. Une nouvelle accélération s’est produite au début de l’année 2016. L’accord avec NBCUniversal a été étendu, il est désormais pluriannuel et porte non plus seulement sur le catalogue mais également sur les nouveautés du studio. Enfin, encore plus ambitieux, un output deal a été trouvé avec 20th Century Fox qui réserve une exclusivité à iQiYi pour tous ses films qui sortent en salles dont les dernières nouveautés (The Martian, The Revenant avec Léonardo Di Caprio véritable idole en Chine…). A noter également, au-delà d’Hollywood, un partenariat avec le BFI, British Film Institute, qui utilise en exclusivité la plate-forme pour distribuer une sélection de films retenus tous les ans pour le BFI London Film Festival.

Cette stratégie dans les contenus est couronnée de succès puisque iQiYi annonce 5M d’abonnés supplémentaires en 3 mois seulement depuis le début 2016 (+50% pour un total de 15M). Mais elle a un coût et conduit à un affaiblissement des marges opérationnelles de Baidu (-5,5% au Q4 2015). iQiYi est à la croisée des chemins,son avenir pourrait passer par une nouvelle indépendance et une introduction en bourse lui permettant de financer son expansion. De fait, Baidu a reçu au mois de mars une offre de rachat de la part d’un tandem composé de Robin Li, Chief Executive de Baidu et Yu Gong, CEO et fondateur de iQiYi. L’offre valorise le service à 2,8Mrd$. Un Comité ad-hoc étudie en ce moment la proposition qui pourrait marquer un nouveau départ pour la vidéo à la demande payante en Chine.

 Tencent Holdings

Tencent a pris relativement tôt le tournant de la VOD payante en lançant à la fin de l’année 2012 en partenariat avec les studios et avec la bénédiction de la MPAA (Motion Pictures Association of America) un site payant, Hollywood VIP. Le modèle économique mêle l’abonnement pour le catalogue et la location à l’acte pour les nouveautés. 20th Century Fox a même pris une participation et l’ensemble des studios (Disney, Warner Bros., Universal, Miramax, Lionsgate) ont joué le jeu permettant de proposer un catalogue de 1500 films dont des nouveautés disponibles deux semaines seulement après la sortie en salles aux Etats-Unis.

Mais, sans abandonner Hollywood VIP, Tencent mise avant tout sur une stratégie d’intégration de ses différents services au sein de son écosystème. Cela le conduit à privilégier le développement de la partie payante de son site vidéo v.QQ.com et de ses déclinaisons (film.QQ.com, application mobile Tencent Video). Ce encore une fois grâce à une montée en gamme dans les contenus.

Illustration de la stratégie de partenariats et d’intégration poursuivie par Tencent

4Tencent, 4Q2015 Corporate Overview

La pièce maitresse est un accord signé en novembre 2015 avec Paramount Pictures. Il entrera en vigueur le mois prochain, avril 2016, et permettra à Tencent de devenir le distributeur exclusif des nouveaux films du studio en TVOD et SVOD. L’exclusivité porte sur les 12 premiers mois qui suivent la sortie en salles. Le dernier opus de la saga Star Trek ou le prochain film des Tortues Ninja sont notamment concernés. Les contenus Paramount enrichiront un catalogue qui compte déjà la saga Star Wars ainsi que les contenus de la chaîne HBO (diffusion exclusive des programmes sur internet pour la Chine depuis 2015, ou plus exactement des programmes approuvés par les autorités chinoises) et de la Ligue sportive NBA (accord de 5 ans, 2015-2020 pour la retransmission d’une sélection de matchs en direct sur internet, la NBA restant également diffusée par la télévision d’Etat CCTV). Plus récemment, BBC Worldwide a annoncé cette semaine au MIP un partenariat avec Tencent autour de 1000 heures de documentaires.

La transition du marché chinois de la vidéo en ligne vers un modèle payant est en marche. Lente à se dessiner, elle apparaît désormais certaine et suit des voies originales avec une approche mixte permettant de combiner de manière innovante les usages gratuits et payants. Outre les opportunités considérables liées à la taille du marché, la Chine fait également figure de laboratoire pour de nombreuses économies émergentes. Les places sont donc à prendre aujourd’hui. La soif des consommateurs chinois pour des contenus de qualité doivent permettre à l’Europe de défendre ses positions en utilisant efficacement la vidéo à la demande et pas seulement la fenêtre traditionnelle de la salle de cinéma pour promouvoir ses contenus. La législation ne permet pas aux acteurs étrangers de développer leurs propres plates-formes. Tous les services en ligne proposant des contenus audio-vidéo doivent obtenir une licence (Program Transmision Licence) renouvelable tous les deux ans. La voie du partenariat avec les acteurs locaux est donc la seule issue. Les studios d’Hollywood ont intégré efficacement cette dimension qui doit être maintenant rapidement suivie par l’Europe.

(1) China Internet Network Information Center, agence officielle sous l’autorité du Ministère de l’Industrie et de l’Information. Les chiffres sont issus du 36ème rapport statistique publié en juillet 2015. http://www1.cnnic.cn/IDR/ReportDownloads/201601/P020160106496544403584.pdf

(2) L’IAB n’a pas encore publié les chiffres pour l’année 2015 complète mais estime le marché à 3,3Mrd$ en 2014 et le premier semestre 2015 à 2Mrd$. Magna Global (agence média) arrive au chiffre de 6,42Mrd$ pour 2015.

(3) Voir également Flash NPA 760 « Alibaba ne laissera pas Netflix faire main basse sur la vidéo à la demande en Chine »

(4) Le chiffre varie du décompte officiel du CNNIC de janvier 2015 car ce dernier retient l’ensemble des usagers payants et pas seulement les abonnés (certains usagers peuvent payer pour du transactionnel).

(5) Interview de Gong Yu, fondateur du site et CEO accordé à The Hollywood Reporter en octobre 2015 http://www.hollywoodreporter.com/news/iqiyi-ceo-originals-hollywood-netflix-834173

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