L'édito de Philippe Bailly

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Data, UX, l’expérience au cœur de la distribution des contenus

Compte-rendu de la table ronde du 24è Colloque NPA-LeFigaro (15/11/2016)

Intervenants :
– Christian Bombrun (Orange)
– Frank Cadoret (Canal+ – Vivendi)
– Thierry Cammas (MTV Networks France)
– Jean Luc Chetrit (UDECAM – Carat)
– Mathias Hautefort (Vitis)
– Régis Ravanas (TF1 Publicité)

Christian Bombrun : « de plus en plus de zones de coopération entre chaînes et distributeurs TV »

Pour le Directeur Marketing, Divertissement & Nouveaux Usages d’Orange France, il est important de désormais plus partager les données. Car les avantages sont nombreux grâce aux impacts sur la qualité des contenus, la qualité de l’expérience et des usages, et « la mise en scène de l’expérience utilisateur via les interfaces d’accueil, la présentation des contenus (audiovisuels, jeux, musiques, etc.), les moteurs de recommandation, les fonctionnalités de consommation multi-écrans… »

A la question de potentielles tensions entre chaînes et distributeur TV, C. Bombrun répond que le Big data accroît la porosité entre ces 2 univers traditionnellement fermés et ouvre des zones de coopération, notamment sur le développement des services de recommandation. Orange va d’ailleurs très prochainement intégrer les programmes de Netflix dans son moteur de recherche, à l’image du deal signé entre la plateforme de SVOD et Comcast ou encore Apple TV. Les tests de publicité géolocalisée opérés par Orange sur le service de TVR de TF1 préfigurent les possibilités de partenariats de développement entre les chaînes et les distributeurs. « Et cela n’est que le début de l’histoire, l’objectif ultime et rêvé étant la publicité adressée sur le linéaire ».

S’il milite pour une plus grande porosité entre les univers, C. Bombrun explique qu’ils ne pourront être aussi ouverts que sur le Web. Car il est nécessaire de s’adapter à l’expérience TV, sur un téléviseur. Il ne croit pas au succès du modèle de store applicatif sur les télévisions connectées : « ce n’est pas ce que veulent utiliser les téléspectateurs ».

« Nous vivons une époque passionnante » sur le terrain de la qualité des contenus, des réseaux (les opérateurs vont encore augmenter leurs investissements) et de l’expérience. Sur ce dernier point, C. Bombrun annonce que les prochaines étapes seront le développement des interfaces vocales assistant l’utilisateur dans le pilotage du décodeur et la réalité virtuelle. « Nous sommes à l’aube d’une nouvelle vague d’innovation ».

Frank Cadoret : « nous devons augmenter l’usage de nos clients. Pour cela, il faut acheter les bons contenus et la data nous y aide »

Cadoret-1

Selon le Directeur de la Distribution et de la Direction Technique et Informatique de Canal +, filiale de Vivendi, la data et l’expérience utilisateur seront des sujets prioritaires en 2017 pour l’entreprise. « Canal+ est déjà bien outillé mais doit aller plus loin ».

La data dite « utile » doit être au centre du contenu et de l’expérience utilisateur. Elle une notion importante pour une chaîne de télévision dans sa décision d’achat de contenus et permet de mesurer la valeur d’un contenu auprès des clients d’une chaîne de télévision. C’est donc un outil de négociation auprès des producteurs et de constitution de catalogue de contenus intéressants pour les clients. Les données collectées par la chaîne peuvent permettre de distinguer par exemple, les intéressés par le sport des vrais fans et ce, parmi les abonnés : « Sur 100 intéressés par un sport, s’il y en a seulement 20 qui sont de vrais fans, nous ne sommes pas sûrs d’acheter un contenu » souligne Frank Cadoret. La collecte des données d’usage via les FAI est donc importante, et l’avantage sur le satellite est que Canal est propriétaire de ses données.

Les utilisateurs du moteur de recommandation de Canal+ (Eurêka) consomment 20% de contenus en plus que les autres. La data permet d’une part de pousser les bonnes recommandations aux utilisateurs et donc d’augmenter l’usage des clients Canal+ et d’autre part, d’identifier les consommateurs fidèles de la chaîne et ceux qui consomment moins, « les clients fragiles » dont les services marketing et CRM doivent s’occuper.

Il insiste sur l’importance de la data notamment pour la télévision adressable. Frank Cadoret indique que Canal continue à travailler sur le projet Alladin de Canal+ Régie, c’est-à-dire la création d’une structure indépendante, rassemblant les distributeurs (CanalSat et les FAI) et potentiellement les groupes audiovisuels au capital. Elle jouerait le rôle d’un agrégateur des données issues des partenaires, anonymisées et enrichies par des data tierces (études conso, DMP professionnelles, DMP annonceurs, etc.) et de data-optimiser pour ses clients, les régies TV. L’objectif du développement de la publicité « segmentée » en télévision linéaire est d’augmenter le gâteau publicitaire de la télévision.

Il conclue en saluant l’effort des opérateurs d’avoir développé le très haut débit qui est « une chance pour la pay TV » car ils ont permis aux diffuseurs de contenus de développer leur offre en proposant une meilleure expérience utilisateur (développement de la 4K, ultra haute définition, consommation nomade de contenus).

Thierry Cammas : « l’opérateur ne soit pas se substituer au travail du média »

Cammas-1Le Président de MTV Networks France considère que l’amélioration de l’expérience utilisateur via un moteur de recherche, qui propose les meilleurs contenus en fonction des affinités d’un utilisateur, ne doit pas faire disparaître le travail d’accompagnement du téléspectateur entrepris par les chaînes de télévision. « L’opérateur ne doit pas se substituer au travail du média qui nourrit in fine l’opérateur » a-t-il souligné.
« Si l’hyperchoix doit aboutir à ce que la valeur d’éditorialisation et de contextualisation du média disparaisse et se trouve réduite à une donnée programme qui remonte par un moteur de recherche, cela veut dire que l’usager ne va plus raisonner en terme d’affinité avec les marques médias ». Pour Thierry Cammas, il est vital que les chaînes conservent leur rôle « d’accompagnement et de défrichement de nouveaux horizons de contenus pour les téléspectateurs ».

A l’inverse, un moteur de recommandation crée de la suggestion qui conduit à une nouvelle contextualisation élargie « dans laquelle on ne laisse pas le téléspectateur seul devant cet océan de contenus ». Il est convaincu que si les contenus sont identiques, l’offre perd de son intérêt pour l’utilisateur et donc pour le distributeur.

Concernant l’expérience utilisateur, Thierry Camas est convaincu que tout repose sur la façon dont est narrée une histoire et donc valorisée une expérience sur différents écrans et différentes temporalités de consommation. Par exemple, rendre disponible les épisodes de The Young Pope sur Canal+ sans donner accès à l’intégralité de la série d’un coup, crée une frustration chez l’abonné.

La data est un point d’aboutissement qui a deux versants stratégiques : d’un côté, un versant marketing qui permet de cibler des clients (via un push CRM ciblé, géolocalisation) et de l’autre côté, un versant qui est celui de la monétisation, directement corrélé à celui du marketing. « Ce sont de nouveaux modèles intéressants pour les médias thématiques, affinitaires » conclut-il.

Jean-Luc Chetrit : « la pub. TV adressée ne tuera pas le média de masse »

Chetrit-4Le potentiel d’utilisation de la data « tout au long de la chaîne de valeur » représente le « Graal » pour les annonceurs, selon le Président de l’Udecam et de Carat France. Les marques sont dans l’attente de pouvoir concilier la puissance des médias avec la capacité de ciblage du digital, qui permet d’adresser le bon message à la bonne personne au bon moment. L’expérimentation lancée par TF1 Publicité et Orange de publicité géolocalisée en télévision de rattrapage va dans le bon sens et illustre pour lui les fortes opportunités que représente la data. Et les agences créatives bénéficieront également de la personnalisation des messages. Tous les acteurs de la chaîne de valeur en profiteront.

Les agences média sont très favorables aux projets de ciblage en télévision, tels celui de TF1 et Orange. La TV adressée donne un moyen d’accéder à des contenus identifiés et contrebalancerait l’énorme poids de Google et Facebook qui pèsent 80% de la publicité digitale. « Elle ne tuera pas le média de masse ». En France, 45% des publicités consommées en TV passent par une set-top-box. « Le ciblage est dès lors techniquement possible et économiquement pertinent ». Le régulateur doit se pencher sur le sujet et autoriser le décrochage publicitaire en modifiant l’article 13 du décret du 27 mars 1992 (définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de téléachat ).

Mathias Hautefort : « le très haut débit est une chance pour tous »

Hautefort-3Pour le Président de Vitis, opérateur de fibre spécialisé dans les Réseaux d’initiative publique, il existe une tendance de fond : « le déploiement du très haut débit facilite l’accès aux contenus et donc le développement des usages ».

Pour améliorer l’expérience utilisateur, il lui paraît nécessaire de « faire évoluer les interfaces et présenter les contenus par catégories et non plus par chaînes ». Cette approche est déjà en cours en Europe. M. Hautefort milite pour l’adoption d’une logique de personnalisation, plus adaptée selon lui que celle de la recommandation.

Le modèle économique doit lui-aussi évoluer. Non seulement les éditeurs doivent mixer non linéaire et linéaire et proposer ces 2 services aux opérateurs, mais il prend également en exemple le modèle suisse où les revenus des services de TVR sont mutualisés entre les éditeurs à partir d’une redevance payée par les opérateurs. Selon lui, ce fonctionnement est plus acceptable pour l’utilisateur en termes d’expérience que le financement par la publicité.

Pour conclure son intervention, M. Hautefort estime que le très haut débit est une chance pour tous : pour les utilisateurs grâce à l’accès à plus de contenus, les opérateurs qui peuvent recréer de la valeur avec de nouveaux services, et pour les éditeurs qui revalorise leurs contenus. « Les autoroutes du divertissement » ont de beaux jours devant elles.

Régis Ravanas : « allier la puissance instantanée de la TV avec un ciblage sur les acheteurs »

Ravanas-3Pour le Directeur Général Adjoint Diversification et Développement du groupe TF1, « une chaîne de télévision a intérêt à offrir un maximum de services à son public » sur différentes plateformes pour qu’il consomme davantage. R. Ravanas est donc favorable au développement d’une expérience utilisateur améliorée par la data et qui passe notamment par les moteurs de recommandations.

Sur le sujet de la télévision adressable, il cite les montants investis aux Etats-Unis : 900M$ en 2016, deux fois plus en 2018 (env. 2Mds$). Là-bas, le modèle est porté par les distributeurs qui peuvent commercialiser 20 minutes de publicité par heure. Ce n’est pas le cas en France, il faut donc en adapter le développement. « Un dialogue de bon niveau et des travaux sont en cours au sein du SNPTV (Syndicat national de la Publicité TV) pour évaluer le potentiel du marché ». Toutefois, il ne s’agit pas forcément d’un Eldorado. Il insiste sur l’importance d’allier « la puissance instantanée de la télévision avec un ciblage sur les acheteurs pour développer un GRP Data, à partir des quantités achetées » : cela constitue une offre intéressante pour les annonceurs.

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