L'édito de Philippe Bailly

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Les opérateurs se lancent dans les premiers tests opérationnels de la 5G

Le passage au réseau mobile 5G est décrit par tous les acteurs comme la prochaine rupture technologique. Contrairement au passage à la 4G où il n’était question que de débit supplémentaire, la 5G s’annonce comme essentiel pour l’internet de demain. Avec un débit entre 40 et 100 fois plus rapide que celui de la 4G, la 5G permettra de connecter un million d’objet par kilomètre carré et deviendra ainsi rapidement indispensable à l’ère des voitures autonomes, drones, objets connectés et de la réalité virtuelle.

De premiers tests organisés aux Etats-Unis

C’est dans cette optique de bouleversement technologique et économique que l’opérateur historique américain AT&T a annoncé la semaine dernière qu’il allait commencer des tests de sa technologie 5G à Austin (Texas) en partenariat avec Qualcomm et Ericsson. Le test va être basé sur un réseau sans fil fixe, qui ne sera pas le même que le futur réseau mobile. Un réseau sans fil fixe fonctionne en installant une antenne (prenant la forme d’un boîtier) sur la façade d’un bâtiment qui sert de relais entre le réseau mobile classique et les objets connectés présents dans le bâtiment et permet ainsi une communication plus simple. Ceci va aider à analyser la capacité du signal à supporter le service de vidéo en streaming DirecTV Now et donc par extension sa capacité à supporter un trafic très important de vidéo. L’opérateur a en effet remarqué que la majorité de la consommation en data de ses clients est constitué par la vidéo et qu’à l’avenir, les nouveaux services de vidéo « mobile-first » seront de plus en plus nombreux.

L’opérateur lance ces essais dans le cadre de son plan 5G qui inclue aussi d’autres tests dans la seconde moitié de 2017 concernant la 5G New Radio (NR) dont la technologie est basée sur les spécificités développés par le 3GPP (organe né de la coopération entre plusieurs organismes de standardisation en télécommunication chargé de produire des spécifications techniques des normes mobiles), ceci afin d’accélérer le processus de standardisation de la 5G. Par ailleurs, dans une récente réunion du 3GPP, AT&T avait demandé d’avancer de six mois la finalisation de ces standards (fixée à 2019), proposition qui fut rejetée par une majorité emmenée par Verizon (principal concurrent d’AT&T).
Cette même société concurrente, Verizon aurait fait des tests en laboratoire montrant une connexion à 1Gb/s. La société aurait également installé des équipements pour un service de 5G fixe dans 10 villes américaines tout en reconnaissant que cela ne sera peut-être pas compatible avec les futurs standards 5G, même si normalement, une simple mise à jour du software sera suffisante lorsque les standards seront connus. Sprint et T-Mobile, les deux autres principaux opérateurs américains, ne sont pas aussi prompts à dévoiler publiquement leurs plans en ce qui concerne la 5G. Du côté des fournisseurs de hardware Intel a été le premier à développer un modem compatible 5G pour mobile, se montrant ainsi pour le moment incontournable sur cette technologie.

Le marché américain est donc très actif sur le sujet et ses acteurs ont la volonté de se positionner comme des pionniers incontournables de la 5G. Ils doivent cependant attendre la sortie des standards développés par le 3GPP afin de pouvoir commencer à développer leurs réseaux mobiles et ainsi lancer la commercialisation. L’objectif pour ces opérateurs est de guider le futur marché de la 5G et non pas de le suivre.

Le marché européen en position d’attente

Du côté du marché européen, la Commission Européenne, en la personne de Jean Claude Juncker, a annoncé l’objectif qu’une grande ville de chaque pays adhérent puisse être connectée à la 5G d’ici à 2020. Ceci risque d’être assez compliqué car les bandes de fréquences ne seront attribuées que d’ici le 30 juin 2020, après la sortie des standards du 3GPP. Pour atteindre cet objectif, un partenariat public privé nommé « 5GPPP » a été créé mêlant les grands opérateurs de l’Union (comme Orange ou Deutsche Telecom) et les pouvoirs publics et disposant d’un budget de 700 millions d’euros. L’idée derrière ce groupement est de propulser la 5G à l’horizon 2020. Par ailleurs, l’Arcep a lancé le 6 janvier dernier une consultation publique de deux mois portant sur l’attribution des fréquences qui seront destinées à la 5G en France.

En attendant, les industriels jouent la prudence en cherchant à se placer d’abord sur le marché des applications industrielles, notamment sur les voitures connectées. Par exemple, Orange, PSA et Ericsson ont annoncé début 2017 un partenariat ayant pour objectif de tester les applications possibles à l’automobile de la technologie 5G. Quelques exception sont toutefois notables : Telia Co (Suède) a l’intention de proposer la 5G en partenariat avec Ericsson à Stockholm et Talin (Estonie) à l’horizon 2018, et Telefonica (Espagne) cherche à avancer ses pions sur le marché asiatique.

Le calendrier particulier du marché asiatique

En Asie justement, le calendrier n’est pas du tout le même. En novembre 2016, Samsung a annoncé avoir réussi des tests de protocoles 5G avec « China Mobile Research Institute ». L’objectif de ce partenariat est de pouvoir commercialiser la 5G pour les JO d’hiver de PyeongChang en Corée du Sud en 2018. Pour ce faire, le gouvernement sud-coréen est sur le point d’investir l’équivalent de 90 millions de dollars américain. Pareillement, le Japon compte bien pouvoir proposer aux visiteurs des JO de Tokyo en 2020 de la navigation en 5G.

Pour atteindre ces objectifs, les opérateurs ne chôment pas. De la manière que AT&T, SKT (leadeur du marché sud-coréen) a annoncé en décembre dernier un plan en partenariat avec Ericsson et Qualcomm pour réaliser des tests d’interopérabilité basés sur les standards pour le moment privilégiés par le 3GPP. L’opérateur japonais NTT DoCoMo a annoncé en novembre dernier avoir réussi un test en partenariat avec Samsung visant à atteindre un débit de 2,5 Gb/s sur un téléphone qui se trouvait dans un véhicule roulant à 150 km/h. China Mobile Communication, premier opérateur mobile au monde (avec 845 millions de clients) a annoncé vouloir sélectionner quatre villes en 2017 dans lesquelles des prototypes de réseau 5G seront installés, ceci dans l’optique de pouvoir proposer ce réseau pour tous en 2020. L’équipementier chinois Huawei a lui annoncé consacrer 600 millions de dollars pour la R&D spécifiquement consacrée à la 5G entre 2013 et 2018.

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Pour résumer, comme l’a déclaré Didier Casas, DG adjoint de Bouygues Telecom : «Les industriels vont plus vite que les instances de standardisation». Il existe une véritable compétition entre les différentes zones géographiques sur le développement de la technologie 5G. On constate une zone européenne attentiste, hésitant à prendre des initiatives avant de connaître les futurs standards de la technologie, et une compétition entre les opérateurs nord-américains et asiatiques dont l’objectif est de pouvoir imposer leurs choix technologiques et ainsi de pouvoir se donner un énorme avantage compétitif une fois ces standards sortis. Cette course devrait continuer jusqu’en 2019.

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