L'édito de Philippe Bailly

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Directive SMA : les avis des commissions parlementaires européennes divergent

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La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) ainsi que la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen ont adopté fin janvier leurs avis respectifs sur le projet de réforme de la directive relative aux services de médias audiovisuels (SMA). Alors que la commission ENVI plaide pour un renforcement général de la protection du jeune public, la commission LIBE recommande une approche plus proportionnée. Les divergences portent principalement sur le champ d’application de la nouvelle directive, la régulation de certaines publicités alimentaires et le contrôle opéré par les plateformes de partage de vidéos sur les contenus « préjudiciables ».

Les deux avis ont été transmis à la commission de la culture (CULT), compétente au fond, et seront annexés à son rapport final. La commission CULT, dont les députés ont proposé plus d’un millier d’amendements au projet de rapport de Sabine Verheyen (PPE) et Petra Kammerevert (S&D), a reporté son vote final sur le texte au 22 mars 2017.

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La question de l’extension de la directive aux réseaux sociaux

Le projet de directive présenté par le Commission européenne prévoit que les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos mettent en place dans leurs domaines de responsabilité les mesures qui s’imposent pour protéger les mineurs contre les contenus préjudiciables et pour protéger l’ensemble des citoyens contre les incitations à la violence ou à la haine, de préférence au moyen de la co-régulation. Selon le texte initial de la Commission, un service de plateforme de partage de vidéos « consiste à stocker une grande quantité de programmes ou de vidéos créées par les utilisateurs, qui ne relèvent pas de la responsabilité éditoriale du fournisseur de la plateforme de partage de vidéos ».

Un amendement déposé par l’eurodéputé français Marc Joulaud (PPE) et adopté par la commission ENVI propose d’ajouter que ces plateformes peuvent simplement « fournir l’accès » aux programmes pour entrer dans le champ d’application de la directive. Un second amendement, toujours signé Marc Joulaud, vise à inclure également les réseaux sociaux dans le champ de cette directive lorsqu’ils correspondent à cette nouvelle définition élargie de plateforme de partage de vidéos.

L’avis adopté en commission LIBE écarte les réseaux sociaux. Les amendements à portée similaire présentés par Marc Joulaud, Brice Hortefeux et Rachida Dati y ont été rejetés. Les députés de la commission LIBE ont même souhaité préciser qu’au regard de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne[1], les Etats membres ne peuvent imposer aux hébergeurs (réseaux sociaux inclus) une obligation générale de surveillance des contenus transmis ou stockés, ni une obligation générale de recherche des faits ou circonstances témoignant d’activité illicite.

Renforcer la régulation de la publicité dans les programmes jeunesse

Dans son texte initial, la Commission européenne propose que les États membres « encouragent l’élaboration de codes déontologiques en matière d’autorégulation et de co-régulation » concernant la publicité alimentaire pour les produits gras, salés ou sucrés « accompagnant les programmes regardés par un large public d’enfants ». La commission LIBE plaide pour que ces codes déontologiques concernent plutôt les publicités « accompagnant les chaînes et les programmes audiovisuels destinés aux enfants, ou incluses dans ces chaînes et programmes ».

Plus restrictive sur ce point, la commission ENVI propose une profonde modification de cette disposition : obliger les Etats membres à s’assurer que les publicités pour ce type de produits n’accompagnent pas ou ne soient pas intégrés à des programmes destinés à un public d’enfants ou des programmes diffusés à des heures de grande écoute par un public d’enfants, et ce y compris sur les plateformes en ligne de partage vidéo. Elle propose aussi de renforcer les interdictions sur les publicités pour les boissons alcoolisées afin qu’elles « ne puissent ni accompagner les programmes visant un public d’enfants, sous la forme de pauses publicitaires qui précèdent immédiatement, suivent immédiatement ou interrompent ces programmes, ni être incluses dans ces programmes, et doivent être interdites pendant les heures de grande écoute des enfants ».

Concernant le placement de produit, la Commission européenne souhaite qu’il soit « admissible dans l’ensemble des services de médias audiovisuels, sauf dans les programmes […] regardés par un large public d’enfants ». Les deux commissions parlementaires proposent de modifier cette disposition. Pour la commission ENVI, le placement de produit devrait être interdit dans « les programmes pour enfants et les contenus visant un public d’enfants ». La commission LIBE suggère pour sa part une interdiction plus large en visant « les chaînes et dans les programmes audiovisuels pour enfants ».

Contrôler l’accès aux contenus préjudiciables sur les plateformes vidéo

Pour protéger les plus jeunes des contenus préjudiciables sur internet, la commission ENVI propose que les États membres prennent les mesures appropriées pour que les mineurs ne soient pas exposés à des programmes diffusés sur des « plateformes de partage de vidéos relevant de leur compétence qui pourraient nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral », telles que des outils efficaces de vérification d’âge. Elle souhaite enfin que les contenus « les plus préjudiciables, tels que la pornographie et la violence gratuite, fasse l’objet des mesures les plus strictes, comme le cryptage et l’emploi d’outils de contrôle parental performants ».

La commission LIBE adopte une position tout à fait différente sur ce point, proposant au contraire de renforcer le principe selon lequel « les contenus licites, y compris les contenus susceptibles d’offenser, de choquer ou d’inquiéter, puissent être communiqués ». De même, la vérification de l’âge devrait être « proportionnée et réalisée de manière à assurer un degré optimal de confidentialité ».

Enfin, dans sa proposition initiale, la Commission européenne impose aux Etats membres de veiller à ce que les services de médias « fournissent aux spectateurs des informations suffisantes sur les contenus susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ». A ce titre, la commission LIBE propose que les Etats membres puissent mettre en place un système de descripteurs « qui mette correctement en garde les parents afin qu’ils ne laissent pas leurs enfants regarder certains programmes ». Plus protectrice une fois encore, l’avis de la commission ENVI propose d‘étendre cette obligation d’information aux plateformes de partage vidéo. Editeurs de services et plateformes vidéos  seraient ainsi obligés de fournir des informations « claires et efficaces, avant et pendant le programme, ainsi qu’avant et après toute interruption, sur les contenus susceptibles de porter préjudice aux mineurs ou de les perturber et, notamment, de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral ».

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L’assouplissement de la publicité à la télévision divise également

Dans sa proposition de refonte de la directive SMA, la Commission européenne souhaite accorder plus de flexibilité aux chaînes de télévision sur la publicité, sujet sur lequel les commissions ENVI et LIBE ont choisi de ne pas se prononcer. Selon les nouvelles règles, la limite horaire serait remplacée par une limitation journalière de 20% de publicité au cours de la période comprise entre 7h et 23h. Les téléfilms, œuvres cinématographiques et programmes d’information pourraient être interrompus plus souvent et des spots isolés seraient autorisés. Au Parlement européen, les co-rapporteurs de la commission de la culture, saisie au fond sur le dossier, proposent une limite de 20 % de publicité entre 7h et 20h, puis une autre limite de 20 % sur la tranche 20h-23h, pour éviter une sursaturation en prime-time. D’après Les Echos, la présidence maltaise du Conseil de l’Union européenne avancerait « un compromis proche de celui des co-rapporteurs au Parlement, avec 20 % de publicité sur la tranche 19h-23h ». Au Conseil, « les forces semblent assez équilibrées entre les partisans d’un assouplissement et ceux qui, comme la France, prônent le statu quo », d’après le quotidien.

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[1] Scarlet Extended SA v Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM), 24 novembre 2011, C-70/10

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