L'édito de Philippe Bailly

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Etat des lieux des initiatives en matière de régulation des plateformes

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La régulation des plateformes ne fait pas l’objet d’un cadre juridique unifié à ce jour. Jugées centrales dans le développement de l’activité économique, culturelle et informationnelle sur internet, elles sont également accusées par beaucoup d’esquiver les réglementations applicables aux acteurs plus traditionnels pour envahir toujours plus de marchés. En considération de ces réactions, et afin de promouvoir l’activité d’entreprises européennes dans le marché unique européen, la Commission européenne (ci-après la « Commission ») a initié de nombreux projets, destinés à combler les lacunes juridiques dont profitent ces acteurs et à donner un cadre efficace et loyal au développement du marché unique numérique.

Un rapport sur le marché unique numérique et les initiatives pour l’encadrement des plateformes a été rendu récemment par la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale, suivi par un projet de rapport conjoint des commissions Industrie, recherche et énergie (IRE) et Marché interne et protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen. Ces rapports font état des différents projets en la matière, au nombre desquels on peut noter la révision de la directive sur les Services de Médias Audiovisuels (SMA), la révision de la directive e-privacy, la proposition de règlement sur la portabilité transfrontière des services de contenus et de communication et la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Ils confirment par ailleurs que la régulation se construira selon une approche sectorielle.

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Définition (s) ?

Il n’existe pas, aujourd’hui, de définition unique des plateformes. La loi pour une République numérique  les définit comme « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ». Cette définition n’a pas été reprise par l’Union européenne dans ses différentes initiatives.

La Commission a identifié certaines caractéristiques communes à toutes les plateformes : i) elles « fonctionnent sur des marchés multi-faces mais avec des degrés variables de contrôle sur les interactions entre groupes d’utilisateurs », ii) elles « bénéficient d’un effet de réseau en vertu duquel, globalement, la valeur des services augmente en fonction du nombre d’utilisateurs » iii) elles « font souvent appel aux technologies de l’information et des communications pour atteindre instantanément et facilement leurs utilisateurs ».

Absence de définition unifiée et approche sectorielle de la réglementation européenne, la régulation des plateformes se fera donc de façon éclatée, en fonction des secteurs d’activité concernés.

La responsabilisation des plateformes

La définition récurrente des contours de la responsabilité des plateformes, et des obligations qui leur incombent, est centrale.

A l’égard des auteurs, la question est abordée dans le cadre de la révision de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique qui prévoit, notamment, d’imposer la mise en place de « techniques efficaces de reconnaissance des contenus » pour limiter le partage des contenus protégés (article 13) et une obligation de transparence renforcée à l’égard des ayants-droit (article 14).

La présence sur les plateformes de discours haineux ou d’incitations à la haine est traitée par l’article 28 bis de la directive SMA.

Il prévoit notamment la mise en place de mesures destinées à protéger les mineurs de l’exposition à des contenus susceptibles de leur nuire, et, plus largement, tous les consommateurs de contenus « comportant une incitation à la violence ou à la haine visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe, défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ».

Sur la délicate question de l’économie collaborative, la Commission rappelle que, le régime de responsabilité limitée appliqué aux intermédiaires techniques chargés du stockage automatique et passif d’informations porte sur cette seule activité. Aux activités connexes ou annexes correspondent des obligations et un régime de responsabilité propres. Il conviendra particulièrement de distinguer les acteurs qui mettent en relation des fournisseurs de service et des consommateurs de ceux qui, en plus, fournissent leurs propres services. Cette distinction devra se fonder, selon la Commission, sur l’influence de la plateforme sur la détermination des prix du service et sur les autres caractéristiques contractuelles de la relation entre fournisseurs et utilisateurs. Les obligations des acteurs cumulant les services seront plus importantes, notamment dans leurs rapports avec les consommateurs et les partenaires commerciaux qu’ils mettent en relation avec leur clientèle.

La recherche d’une concurrence équitable, efficace et favorable au marché européen

La mise en place d’une concurrence loyale et efficace, propre à favoriser l’accès au marché et l’essor de plateformes européennes, est un autre des axes européens pour l’encadrement des plateformes.

Au travers de la révision des règles relatives aux télécommunications et à la directive e-privacy, la Commission entend mettre en place des règles unifiées pour tous les acteurs, en dérégulant en partie les télécoms, et en régulant les services « over the top » (OTT), qui se verraient imposer notamment le respect des règles relatives au traitement, à la confidentialité et à la sécurité des données relatives aux communications électroniques prévues par le règlement abrogeant la directive e-privacy.

Concernant l’économie collaborative, l’encadrement des relations plateforme/fournisseur de service mentionnées précédemment vise principalement à limiter les abus, les mesures unilatérales et les restrictions à l’égard de partenaires plus faibles, dépendants des plateformes dans l’exercice de leur activité. La principale méthode adoptée par l’Union pour lutter contre de telles pratiques abusives est la mise en place d’obligations de transparence et de non-discrimination. La Commission envisage également la requalification d’un partenaire fournisseur de services en salarié, en cas de lien de subordination, et/ou en fonction de la nature du travail et de la rémunération.

L’impératif de protection des consommateurs

En matière de protection des consommateurs, la difficulté première, dans le domaine de l’économie collaborative, est de les distinguer des professionnels. Les indices envisagés par la Commission seraient i) la fréquence de la fourniture des services, ii) la recherche du profit et iii) l’importance du chiffre d’affaire. La protection elle-même s’organise selon des garanties de transparence, loyauté et fiabilité des informations, de portabilité des services et d’interopérabilité des contenus.

A cela s’ajoute la protection à l’égard du traitement de données personnelles. Outre le Règlement général sur la protection des données personnelles, les institutions européennes encouragent les plateformes à plus de transparence dans la collecte, le traitement et le partage des données et à fournir systématiquement des réponses aux demandes des utilisateurs.

On notera que, pour toutes ces initiatives, les mécanismes d’autorégulation, de certification et le comportement proactif des plateformes sont fortement encouragés. L’instrument privilégié reste celui du droit souple.

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