L'édito de Philippe Bailly

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2017-2022: Dernières étapes vers la vie connectée?

Daniel Broche, Directeur digital et innovation de Boulanger

Un marché des objets connectés très diversifié

Daniel Broche a débuté son intervention en rappelant la diversité du marché des objets connectés aujourd’hui. Pour une enseigne comme Boulanger qui vend une multitude d’objets divers et variés, il y a des objets connectés dans tous les rayons, même dans le rayon cafetière. Le marché ne doit pas être limité aux seuls wearables même s’il a tenu à rappeler que le bracelet connecté a été source de millions d’euros de chiffre d’affaire depuis plusieurs années et qu’il s’agit d’un marché qui continue de croître.

Il a regretté qu’il n’y ait aucune mesure de la montée en puissance de la connectivité des objets. Pour lui, ce qu’on a tendance à regarder comme les objets connectés (éclairage, gestion de l’énergie de la maison, etc.) n’est au final qu’une petite partie du marché réel. Il existe notamment des objets non connectés qui deviennent connectables, comme une télévision reliée à un Chromecast. De futures innovations pour améliorer certains objets vont au final leur donner une nouvelle vie.

Une approche du marché par l’usage client est nécessaire

En tant que signataire de la charte des objets connectés, Boulanger accompagne certaines start-ups. Daniel Broche reconnaît beaucoup de compétences à ces entreprises naissantes ainsi qu’une capacité à se financer seules jusqu’à un certain point. Cependant, il constate un déficit d’accompagnement dans la commercialisation. Or pour lui les objets connectés sont des objets de vente comme les autres donc le design doit être attrayant mais l’objet doit aussi être intuitif. De plus, le vendeur doit avoir une approche en fonction de l’usage que veut en faire l’utilisateur, et non en fonction de la technologie. Chaque usage va être différent selon chaque client et le rôle de conseil du vendeur est primordial ici.

La problématique des mises à jour logicielles est également centrale à ce titre. Boulanger est associé à d’autres entreprises, notamment La Poste, comme prestataire de service, pour faire de l’assistance client à distance pour ces entreprises. Plus de 300 salariés Boulanger se chargent de ce SAV à distance et plus globalement il y a eu dans l’entreprise un énorme travail de formation des vendeurs pour qu’ils puissent savoir comment marche le produit afin de pouvoir expliquer ceci au client.

Enfin, sur le sujet de l’interopérabilité des objets connectés, Daniel Broche, en tant que commerçant qui accompagne les clients dans l’usage des produits, met l’accent sur la sécurité. L’homme connecté crée une masse de données, que ce soit sur ses trajets ou dans le domaine de la santé, et il est nécessaire de lui donner la capacité de savoir quelles données seront collectées.

Un effet de seuil pour les objets connectés à l’horizon 2022

Cependant, pour Daniel Broche,  la question principale est aujourd’hui de savoir à quoi vont servir tous ces objets et quelle sera la finalité de cette vie connectée pour le client.  Selon lui, chaque utilisateur va se créer un environnement connecté qui lui sera propre. L’enjeu pour Boulanger va être de bien comprendre ces nouveaux usages, ces nouvelles combinaisons. Mais, en regardant les volumétries de produits vendus, Daniel Broche est convaincu que ce sont des produits d’avenir. Cette situation lui rappelle la situation passée du e-commerce qui a mis beaucoup de temps à devenir mobile. Ce marché a balbutié à ses débuts mais lorsque la pénétration des terminaux mobiles a atteint une masse critique il a bénéficié d’un effet de seuil qui a fait basculer complètement le marché vers le mobile. Cet effet de seuil pour les objets connectés aura lieu selon lui en 2022.

Il va y avoir selon lui un effet de réseau à partir du moment où il y a aura une plus grande partie de la population qui sera connectée par rapport à l’autre partie qui ne le sera pas. Ce seuil devrait être franchi selon lui dans les 3 ans qui arrivent et à partir de ce moment-là, l’effet d’entraînement sera de plus en plus grand. En ce qui concerne le domaine de la santé, la baisse du prix des capteurs et d’autres systèmes va également entraîner une vague d’innovation dans les prochaines années.

William Eldin, Président de XXII

Supprimer les « vias » : un objectif de très long-terme

William Eldin a d’abord tenu à présenter le groupe XXII qu’il définit comme un studio d’innovation qui explore les nouvelles technologies. La structure rassemble environ 60 personnes et est doté d’une architecte interne qui commence par un docteur, passe ensuite par des ingénieurs et finalement ensuite par la production. Leur grand objectif sur le (très) long terme est de supprimer les « via » dans l’expérience de l’utilisateur, c’est-à-dire les smartphones ou les ordinateurs, et d’entrer dans le tout connecté. Conscient que ce combat ne se gagnera pas dans les prochains mois mais plutôt dans les prochaines décennies, leur activité est organisée autour de trois axes :

  • Le contenu où le groupe est présent sur les marchés de la réalité virtuelle, la réalité augmentée mais aussi celui de la vidéo. En la matière, XXII travaille dans quatre secteurs essentiels : l’industrie où il existe une grande demande de formation, la diffusion où le groupe a travaillé avec des chaînes de télévision et notamment pour l’application « TF1 VR », la communication qui est source de chiffre d’affaire et enfin le gaming notamment en réalité virtuelle complètement immersive.
  • L’intelligence artificielle où William Eldin insiste qu’il ne s’agit pas que d’un terme marketing mais plutôt une construction d’une nouvelle algorithmique avec un apprentissage supervisé ou non. Sur ce sujet, le groupe tente de créer la première brique que constitue l’émotion. Reconnaître une émotion permettrait de pouvoir savoir comment une personne réagi à une expérience.
  • La « neuro », la captation par EEG. Le groupe cherche à comprendre ce qu’il se passe au niveau cérébral, à créer un alphabet du cerveau.

Pas d’interopérabilité à l’horizon 2022

Par la suite, William Eldin a indiqué que vraisemblablement il y a aura une « guéguerre » technologique entre les différents intérêts financiers autour des objets connectés. Pour lui on alliera et on rendra interopérable les objets connectés un jour, mais pas en 2022. C’est l’utilisateur qui décidera de qu’il veut, c’est lui le centre névralgique de cet environnement qui lui sera propre.

Sur le problème de la relation entre l’Europe et les Gafa comme élément de ralentissement de l’interopérabilité, le président de XXII considère qu’il y a déjà suffisamment de problèmes en France à régler avant de s’attaquer à cette problématique. Il y a selon lui un problème de fond en France qui est celui des règles qui gênent le développement de petites entreprises comme la sienne. Il souhaiterait qu’on donne aux gens la possibilité de créer, ce qui serait difficile aujourd’hui et rend donc impossible la concurrence avec les géants américains.

 Benjamin Grange, COO Dentsu Aegis Networks France et Président du Carrefour de l’Internet des Objets

Des vies connectées hétérogènes

Benjamin Grange a d’abord tenu à présenter l’activité du Carrefour de l’Internet des Objets dont il est président. Le Carrefour de l’Internet des Objets est une association professionnelle qui rassemble une grande partie des acteurs de ce marché pour essayer de réfléchir en commun à son avenir. Il a d’ailleurs annoncé la création d’un observatoire de la vie connectée en septembre prochain pour tâcher de répondre aux questions sur les usages des objets et sur la façon dont se structure progressivement l’Internet des Objets.

Il en a profité pour insister sur un des principaux enseignements de l’observation de la vie connectée : son hétérogénéité. Pour Benjamin Grange, il n’est pas possible de réfléchir au futur de la vie connectée sans prendre conscience des fractures qui la traverse. Il a distingué en premier lieu une fracture de population entre classes d’âges qui fait que les réalités de la vie connectée vont être totalement différentes entre par exemple les millennials et les personnes âgées. Il a également évoqué une fracture territoriale qui implique que les progrès de la connectivité ne seront bien sûr pas les mêmes entre des zones ultra-connectées et le reste du territoire. Il est primordial pour lui de garder en tête cette hétérogénéité lorsque l’on se projette à l’horizon 2022 car la convergence et l’évolution du marché ne prendront donc pas toujours la même forme.

La convergence nécessaire au décollage du marché

Benjamin Grange a ensuite insisté sur la nécessaire convergence des différentes verticales du marché d’ici à 2022. Cette convergence doit être double avec d’une part une convergence en termes de connectivité et d’autre part en termes de service.

Concernant la connectivité, Benjamin Grange prévoit un point d’inflexion du marché et une accélération des usages seulement lorsque les différentes composantes du marché seront interconnectées. Cette connexion entre des objets de différentes sortes et de différents constructeurs permettra de créer de nombreux services additionnels et de potentiels nouveaux usages. Les prochaines étapes de la vie connectée devront passer par la constitution de normes et de protocoles de communication commun à l’ensemble de l’Internet des objets.

Concernant la convergence des services, Benjamin Grange estime que l’on peut d’ores et déjà en observer les prémisses à travers l’exemple de certaines applications qui réussissent à faire la synthèse entre réseaux sociaux, messagerie et outils de partage. Cette convergence des applications et des services va s’accélérer pour lui et se ressentir dans l’expérience utilisateur en permettant de décloisonner les fonctionnalités et offrir une plus grande fluidité à l’usage. Cette convergence permettra elle aussi d’augmenter l’usage et donc la valeur du marché.

A ce titre, Benjamin Grange a cité le marché de la santé connectée comme un bon exemple. Selon lui ce marché a justement décollé car la connexion des différents objets a permis l’apparition de nouvelles fonctionnalités notamment dans le cloud. Au contraire, le marché de la smart-home tarde lui à se développer car il est encore trop cloisonné entre différentes verticales. Pour lui lorsque les acteurs auront réussi à connecter les différentes verticales de la maison connectée, de nouvelles fonctionnalités apparaîtront et stimuleront le marché.

La France, un territoire d’excellence pour l’IoT

Enfin, Benjamin Grange a tenu à souligner l’attractivité de la France dans le domaine de la vie connectée. Il a mentionné notamment l’excellence de la France dans le domaine de la mobilité connectée. Pour lui une des raisons de cette attractivité tient à la fois aux écoles d’ingénieur, à l’expertise française unique dans le domaine des algorithmes et enfin à un coût de la recherche et de l’ingénierie faible par rapport à d’autres territoires. Par contre, il a ajouté un bémol en déclarant que la France avait encore des progrès à faire dans le domaine de l’accompagnement et du financement des start-ups au-delà des premières phases. Il faut, pour lui, éviter les trous de financement dans le cycle de vie d’une start-up pour éviter qu’elles ne se tournent vers l’étranger après les premiers rounds de financement. Mais selon lui, les acteurs du financement ont conscience de ce problème et devraient bientôt y remédier.

Anne Laliron, Directrice du Business Lab de PSA

La collaboration avec les start-ups : un moyen de gagner en agilité

Anne Laliron, est directrice du Business Lab du groupe PSA, une entité créée il y a 6 mois dans le but de « défricher » de nouvelles activités au-delà du cœur de métier du groupe PSA. Alors que la chaîne de valeur de l’automobile est disruptée par les nouvelles solutions de mobilité, le groupe PSA a pour but de rester évidemment un constructeur de référence mais également devenir un fournisseur de solutions de mobilité. PSA travaille dans ce but avec de nombreuses start-ups pour accélérer les nouveaux développements sur ces deux piliers et le Business Lab est là pour détecter et expérimenter les nouvelles opportunités de business offertes avec des start-ups. Le travail avec les start-ups permet de bénéficier de la « pétillance intellectuelle et de l’agilité » qui manque et le PSA Business Lab travaille également avec d’autres acteurs en France et à l’étranger. Anne Laliron a cependant précisé que la France était une localisation privilégiée grâce à un terreau d’excellence dans la R&D et la formation. Pour elle, ces facteurs permettent un degré de créativité très important des start-up françaises.

« Intelligence Utile » : l’intuitivité au cœur des préoccupations des acteurs de l’IoT

Anne Laliron a présenté ensuite la notion d’ « intelligence utile ». Pour elle, il y a une appétence des clients pour les nouvelles fonctionnalités mais seulement si elles ont du sens, si elles sont intuitives et s’ils arrivent à s’approprier rapidement les nouvelles offres. Dès lors qu’il est nécessaire d’éduquer le client pour qu’il comprenne le fonctionnement d’un service ou d’un objet c’est qu’il y a un gros problème d’intuitivité. Il doit y avoir un effort collectif de tous les acteurs pour rendre les différents terminaux connectés accessibles au plus grand nombre car c’est ce facteur qui fera émerger un réel marché. C’est seulement quand il y a un service extrêmement pertinent et intuitif pour un ou plusieurs types de clients qu’il est possible de définir un modèle économique. Le groupe PSA travaille d’ailleurs énormément sur l’usage client au moment de développer des modèles économiques pour ses nouvelles fonctionnalités.

PSA vers la voiture autonome

Concernant les problématiques propres au secteur automobile, Anne Laliron a rappelé que le groupe PSA est pionnier sur la connectivité avec le lancement dès 2003 de véhicules dotés notamment de service d’assistance connecté. Il y a aujourd’hui plus de 2,3 millions de véhicules connectés du groupe sur les routes. Le groupe a développé ensuite la connectivité de ces véhicules selon deux axes avec d’une part des fonctionnalités qui améliorent la sécurité du conducteur et d’autres part des services d’accompagnements qui permettent de faciliter les interactions entre l’utilisateur et son véhicule. Enfin, PSA a également travaillé avec les collectivités territoriales dans le cadre d’échanges de données utilisées par les collectivités pour améliorer leurs infrastructures.

Elle a ensuite évoqué l’avenir de la voiture autonome au sein du groupe PSA. Le groupe français développe son projet avec deux approches complémentaires. Une approche itérative mise en place par PSA dans le cadre de son programme « Autonomous Vehicule for All » qui incrémente progressivement les différents niveaux d’autonomie pour atteindre le stade du « driverless » pour les véhicules particuliers. Et une deuxième approche plus directe qui consiste à proposer directement des applications « driverless » sur des périmètres d’usage plus limités comme notamment les transports en commun sur un itinéraire borné.

Selon elle, le plan de déploiement de PSA prévoit à l’horizon 2018 les premières fonctionnalités « hands off » pour les particuliers qui permettront d’enlever les mains du volant tout en restant concentré sur la route. La phase suivante verra l’introduction à l’horizon 2020 d’une conduite « eyes off » c’est-à-dire de pouvoir lâcher le volant sans forcément regarder la route. Enfin la dernière phase, d’autonomie totale, dite « mind off » est prévue par le groupe à l’horizon 2024-25 et permettra de ne plus se préoccuper du tout de la conduite voire de dormir pendant un trajet. Anne Laliron reconnaît que certains constructeurs ont des projections plus optimistes mais pour elle il faut être réaliste sur l’envie réelle des clients de déléguer la conduite mais également de traiter certains enjeux, notamment la sécurité, de façon très approfondie.

 

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