L'édito de Philippe Bailly

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Françoise Nyssen déchargée du secteur de l’édition : faut-il y voir un signe politique ?

Le texte compte seulement deux articles et moins de mille signes. Le « Décret n° 2018-591 pris en application de l’article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres » signé ce lundi 9 juillet par le Premier Ministre n’en est pas moins largement commenté. Celui-ci prescrit à la ministre de se tenir à l’écart des « actes de toute nature relatifs la société Actes Sud », il lui retire « l’exercice de la tutelle du Centre national du livre » et exclut de son champ d’attribution « la régulation économique du secteur de l’édition littéraire ». Ces compétences seront exercées par Edouard Philippe.

Sur le fond, ces décisions s’inscrivent dans la suite des dispositions prises en 2014 par François Hollande et Jean-Marc Ayrault pour prévenir les risques de « conflits d’intérêts dans l’exercice des fonctions ministérielles ». Elles s’étaient déjà appliquées à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui s’était déportée des décisions touchant à la gestion de l’INSERM dont son mari assure la présidence, ou à celle de la Défense Florence Parly, compte tenu de ses mandats antérieurs au sein du groupe de conseil en technologies Altran, du fabricant de terminaux de paiement Ingenico et de l’équipementier aéronautique Zodiac Aerospace.

S’agissant de Françoise Nyssen, elles découlent des fonctions de direction qu’elle a assuré chez Actes Sud jusqu’à son entrée au gouvernement avec son mari, et que ce dernier a poursuivi depuis.

C’est davantage le calendrier qui suscite commentaires et spéculations.

Commentaires sur le caractère tardif de cet ajustement de périmètre, plus d’un an après l’entrée en fonctions de la ministre. Ses collaborateurs le justifient par les échanges qui se sont poursuivis depuis le début 2018 avec la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, sur le contour à lui donner.

Spéculations sur son sens politique, et sur l’affaiblissement dont il témoignerait. « Nouveau coup dur pour la ministre de la Culture, régulièrement contestée », écrit ainsi l’AFP. Et il n’en faudra certainement pas plus pour reprennent les rumeurs de débarquement prochain au sein des « milieux (qui se disent) autorisés ».

A ceux qui n’hésitaient pas ces dernières semaines à limiter son espérance de vie ministérielle au mois de juillet, le décret apparaît toutefois comme une forme de démenti : pourquoi, Emmanuel Macron et Edouard Philippe se seraient-ils embarrassés de sa publication s’ils avaient programmé le départ imminent de Françoise Nyssen ?

« Ce qui m’importe c’est de continuer à faire. Je suis là pour faire », réagissait la ministre ce mardi. Les prochaines semaines donneront deux occasions au moins d’en mesurer sa capacité est-on tenté de prolonger :

  • La réforme de l’audiovisuel, d’abord. Le calendrier de travail qu’elle a présenté le 4 juin prévoyait la remise des conclusions de la mission de réflexion (Isabelle) Giordano, (Frédéric) Lenica, (Claire) Leproust, (Catherine) Smadja et (Marc) Tessier pour la mi-juillet. Ces dernières seront examinées de près par les professionnels, dans leur capacité à présenter une vision plus large que le seul audiovisuel public, notamment.
  • Les arbitrages rendus sur le projet de budget 2019, et plus largement sur le programme d’économies du gouvernement, ensuite.