L'édito de Philippe Bailly

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Vidéo : le crépuscule de la Vidéo à la demande

Les fins de saison sont propices au bilan. Et celui de la vidéo à la demande locative n’est guère encourageant. A 70,5 M€ de chiffre d’affaires sur le premier semestre, le Baromètre de la VoD NPA / GFK enregistre un recul de 21,7%, après s’être déjà inscrit à la baisse en 2016 (-4,5% sur l’ensemble de l’exercice) et en 2017 (-3%). Difficile d’imputer cette répétition aux seuls effets de line up, d’autant que la tendance n’est guère meilleure à l’étranger. Alors qu’il était resté dans le vert jusqu’en 2016 aux Etats-Unis, le marché s’est retourné depuis : -7% en 2017, et -4,3% au 1er trimestre 2018 ; et si l’évolution est demeurée positive l’an dernier au Royaume-Uni, marché roi de la vidéo en Europe, la progression (+6,7%) ralentit d’année en année (+7,8% en 2016, 9,7% en 2015, 21,5% en 2014…).

La vidéo à la demande transactionnelle est donc en passe de rejoindre la vidéo physique dans le cercle des modes de consommation déclinants. Il est vrai qu’elle cumule deux sérieux handicaps : elle ne répond pas à la démarche patrimoniale des amoureux des DVD ou des Blu-Ray, qui constituent de fabuleuses collections pour être sûrs de pouvoir toujours visionner leurs films préférés ; avec ses durées de location limitée à 24 ou 48 heures, elle n’est pas adaptée à l’économie de l’accès illimité qui nourrit la croissance exponentielle des Netflix, Amazon, Spotify ou Deezer.

Et, alors que le cinéma représente près de 95% de son activité, les exploitants ne semblent pas disposés à lui donner un coup de pouce à travers l’ouverture de la « fenêtre » VoD trois mois après la sortie des films (au lieu de quatre aujourd’hui). Celle-ci permettrait à la vidéo à la demande de mieux faire valoir son statut de première fenêtre d’accès aux films après la salle. Six ans de négociations professionnelles, et une presque décennie passée au-dessus des 200 millions d’entrées annuelles, n’ont pas suffi à convaincre les exploitants de la capacité de leurs complexes à résister aux nouveaux usages. Ils persistent à vouloir réserver cet aménagement aux productions qui n’ont pas trouvé leur public au cinéma et n’ont guère plus de chances de le rencontrer dans l’encombrement des canaux numériques.

Compte-tenu de la difficulté à réunir un consensus des professionnels sur cette évolution de la chronologie des médias, la ministre de la Culture avait indiqué qu’elle pourrait agir par voie législative. Mais la réforme audiovisuelle n’est prévue que « courant 2019 ».

La baisse risque de se poursuivre dans l’intervalle. Au mouvement des consommateurs en faveur de la SVoD, devraient en effet s’ajouter les arbitrages des éditeurs et distributeurs : de plus en plus difficile d’investir en publicité ou de dégager des budgets pour améliorer l’ergonomie des services quand les ventes font grise mine et que les perspectives ne sont pas meilleures.