L'édito de Philippe Bailly

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2021 : entre accélération des signes de disruption pour les acteurs historiques et retard d’une vraie réforme

Cette fin d’année 2021 est particulière à plus d’un titre.

En premier lieu, elle semble pousser chacun d’entre nous à se familiariser avec l’alphabet grec, comme un réservoir encore riche de possibilités pour nous proposer de nouveaux variants du Covid… jusqu’à faire peut-être de ce dernier un élément durable et structurant de nos modes de vie : une existence sociale plus limitée… Donc autant d’opportunités pour les services audiovisuels qui se « consomment » à domicile (vidéo, mais aussi musique en ligne…).

En principe au moins.

La réalité présente plus de nuances et, comme souvent, elle oppose quelques limites de bon sens à ce qui pourrait représenter un schéma idéal pour les différents services de streaming.

La première, triviale mais en même temps incontournable est celle du temps disponible et, au-delà de l’attention. Quand les milliards de dollars ou d’euros pleuvent pour multiplier le nombre des films, des séries ou des documentaires, le temps qu’il est possible d’y consacrer pour les visionner ne s’étend pas. Et, pire, la capacité à avoir simplement identifié un programme donné, parmi les multiples nouveautés, devient plus aléatoire.

C’est dans ce dernier lit que prospère, notamment, la nouvelle génération de services gratuits (FAST et AVoD, l’un des phénomènes marquants de l’année 2021) : une offre de titres de catalogues, facilement identifiables (car déjà connus) et encore plus facilement accessibles (car présentés dès le premier écran des smart TV, LG et Samsung au moins).

Pour les acteurs historiques de la TV gratuites, le danger est à la captation de l’attention / du temps disponible, et à l’arrivée, à la réduction de la capacité de monétiser l’audience ;

Pour les services payants, ce temps capturé représente autant de risque de moindre utilisation des services et, finalement, de renoncement à l’abonnement.

Les groupes américains y répondent en augmentant encore le budget consacré à de nouvelles productions inédites et exclusives ; au niveau français, Canal+ et les organisations professionnelles du cinéma (BBA), via l’accord annoncé le 2 décembre, s’emploient à repousser les plateformes dans la chronologie des médias et à préserver ainsi l’attractivité du premier.

Mais cette fin d’année marque aussi l’approche de la fin du quinquennat.

Sur le front audiovisuel, la (première ?) mandature Macron se sera achevée sans réforme structurante, et très loin en tout cas de la « feuille de route » qu’Edouard Philippe avait fixé en début de quinquennat à la ministre de la Culture d’alors Françoise Nyssen ; l’année 2021 restera comme celle des « ajustements de bon sens » : l’extension de la lutte contre le piratage aux retransmissions sportives, qui représentent l’essentiel de leur moteur, et le décret SMAD, principalement. Et pour le reste, deux chantiers aujourd’hui inachevés : les décrets TNT et Cabsat, d’une part ; la nouvelle chronologie des médias, de l’autre.

Un vrai projet combinant dimensions culturelles et industrielles de l’audiovisuel reste à inventer. La campagne des présidentielles pourrait en être l’occasion… avec une grande vigilance, toutefois, aux programmes cadres, lettres de mission ou feuilles de route qui pourraient être publiés après l’élection, à destination du ou de la future ministre.