L'édito de Philippe Bailly

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Après Salto, TF1, M6 et France Télévisions reverront leur stratégie dans le streaming

Trois années pour porter Salto sur les fonts baptismaux, trois années pour y participer, et une sortie annoncée en 2023, après que la fusion TF1-M6 aura été validée : c’est le parcours de France Télévisions dans le projet Salto. Le groupe public se retirera de la grande plateforme SVoD du meilleur des contenus de la TV française née en octobre 2020, qu’avait appelé de ses vœux sa présidente, Delphine Ernotte, dès que ses deux partenaires privés auront pu se rapprocher. Ce mouvement suit la tendance à des plateformes hybrides et à la montée du modèle gratuit financé par la publicité.

L’ESSENTIEL

France Télévisions cédera sa participation dans Salto au groupe né de la fusion TF1-M6 pour 45 millions d’euros.

– L’opération représente une opération blanche pour le groupe public.

–  Pour les groupes privés, la SVoD n’est plus un actif stratégique, mais un élément parmi d’autres de leur stratégie dans le streaming où l’AVod prend de plus le pas.

– France Télévisions espère recréer un leader du streaming gratuit avec d’autres acteurs de l’audiovisuel public.

 

 

 

France Télévisions a conclu un accord[1] avec TF1 et M6, ses partenaires dans la plateforme de SVoD Salto, pour s’en désengager dès lors que les deux groupes privés auraient été autorisés à fusionner.

L’opération avait été évoquée par Delphine Ernotte dès la fin novembre 2021, dans une interview au Figaro[2], comme « une option »  qui permettrait à France Télévisions « de concentrer [ses] efforts sur France.tv, qui doit être le leader incontesté du streaming gratuit en France », avait-t-elle poursuivi.

La participation du groupe public au capital de Salto sera vendue pour 45 M€. La valorisation de 135 M€ qui en ressort pour l’ensemble de la plateforme équivaut au montant des investissements que ses actionnaires avaient validé à l’automne 2019 et correspond peu ou prou au montant des pertes déjà enregistrées. Le nouveau groupe né de la fusion TF1-M6 détiendrait alors 100 % de Salto « pour développer un projet de streaming » indiquent TF1 et M6 dans le communiqué. A cette fin, ils devraient en bonne logique rapprocher Salto de TF1 Max et 6Play Max, les deux services payants de replay sans publicité lancés fin 2021.

« Accélérer le développement d’une plateforme nationale performante combinant une offre de rattrapage et de streaming (fondée sur MyTF1 et 6play) et une offre de SVoD » a été inscrit comme l’une des 5 priorités de la fusion dès son annonce par TF1 et M6 le 17 mai 2021 [3]».

On comprend tout l’intérêt stratégique d’intégrer Salto à une plateforme globale combinant abonnements et financement par la publicité quand on lit les prévisions annonçant que les revenus de du streaming gratuit (AVod, FAST et autre plateformes de vidéo en ligne) auraient bientôt dépassé ceux de la SVoD, et que le croisement des courbes serait déjà intervenu Etats-Unis, comme l’indique une étude du cabinet Omdia présentée au Forum Séries Mania de Lille le 24 mars, et dont Variety a rendu compte.

La stratégie exposée par TF1 et M6 rejoint ainsi la tendance à l’hybridation des modèles relevée par NPA Conseil, consistant à faire cohabiter sur une même plateforme gratuit-payant, direct et à la demande. (Lire notre dossier du 10 mars 2022 Hybridation des modèles des groupes audiovisuels).

Les groupes privés européens à l’heure de l’hybridation…

En Grande Bretagne, le rachat annoncé début mars des 10 % détenus par la BBC dans Britbox UK, va aider ITV à mettre en œuvre une même segmentation, combinant la nouvelle plateforme gratuite ITVX et le service payant ITV Hub+. Britbox UK a été lancé en novembre 2019, plus de deux ans après son lancement aux Etats-Unis, avec l’ambition de rassembler la plus grande collection de contenu britannique sur tous les services de streaming. Il comptait environ 500 000 abonnés en mars 2021. (Lire notre article ITV accélère sa stratégie numérique pour devenir d’ici 2026 la première plateforme AVoD en Europe ).

Et en Allemagne, ProSiebenSat1 poursuit le développement parallèle de Joyn (gratuit) et de Joyn+ (payant), et RTL propose trois niveaux d’accès à sa plateforme RTL+ (gratuit, avec publicité ; à 4,99€/mois, offrant un catalogue élargi et la garantie d’une exposition limitée à un spot, en pré-roll ; à 7,99€/mois sans publicité).

… Les groupes publics à celle du recentrage sur les offres gratuites

Après la cession de ses parts dans Britbox, la BBC sera conduite à se concentrer sur le développement de sa plateforme gratuite, le iPlayer.

Tel devrait être aussi la nouvelle trajectoire de France Télévisions, qui espère rassembler autour d’un nouveau projet l’ensemble les autres acteurs publics nationaux. « Pour réussir sur le numérique, il faut massifier les offres. Partout en Europe, les grands médias font le choix de concentrer leurs investissements. Je plaide pour la création d’un grand portail commun à tout l’audiovisuel public, avec Arte, l’INA, FMM, Radio France. Nous aurons besoin d’une vision politique commune pour y arriver » avait confié Delphine Ernotte au Figaro, fin 2021.

A court terme, l’opération ITV / BBC, et la cession de la participation France Télévisions dans Salto achèveront en tout cas le recentrage des groupes publics européens sur les offres gratuites.

700 000 abonnés pour Salto fin 2021

Si la longue procédure d’autorisation par l’Autorité de la concurrence, a contraint à en décaler le lancement à octobre 2020, Salto n’a pas à rougir des performances obtenues depuis.

Dans un marché de la SVoD déjà encombré, et qui a pâti du retour progressif à la normale, après le confinement de 2020 (plus de trois points de pénétration perdus en un an d’après le Baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive), Salto a réalisé en 2021 la troisième meilleure performance des services de SVoD opérant en France, moins bien que Disney+ et Amazon Prime Vidéo, mais mieux que Netflix.

Selon le Baromètre, il comptait ainsi environ 700 000 abonnés (incluant les inscrits pour un premier mois gratuit) à la fin de l’année dernière, chiffre confirmé en janvier 2022 par Delphine Ernotte, au micro de France Inter. Et sa part des usages a culminé à 2,9 % en février 2022 (source : Baromètre SVoD Médiamétrie / Harris Interactive).

Une collaboration à poursuivre entre les groupes français ?

En attendant, et aussi longtemps que la fusion TF1 -M6 n’a pas eu lieu soit, au moins, jusqu’en 2023, Salto conservera son actionnariat actuel et continuera à proposer des contenus de France Télévisions. Selon le décompte effectué par NPA Conseil à la fin de l’été 2021, les programmes issus des chaînes du groupe public représentaient 29 % du catalogue, ce qui faisait de ce dernier le premier contributeur, devant M6 (28%) et TF1 (15%).

Une fois la cession réalisée, il est possible que le groupe public maintienne des accords de distribution avec Salto. Tant que France Télévisions n’aura pas d’alternative avec la grande plateforme publique qu’elle souhaite lancer, au moins.

[1] Lire le communiqué

[2] interview dans Le Figaro du 29 novembre 2021

[3] Communiqué d’annonce de la fusion

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