L'édito de Philippe Bailly

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2005/2023 : Où en sont les travaux de « la TNT du futur » ?

Alors que la TNT fêtera dans quelques jours ses 18 ans, peu de choses ont bougé depuis la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique qui a entériné la modernisation de la plateforme a minima pour une transition vers l’Ultra Haute Définition, avec une diffusion expérimentale qui s’achèvera en 2030.  

Le 31 mars marquera les 18 ans de la TNT, et si 19 % des foyers utilisent toujours la plateforme numérique terrestre comme mode de réception exclusif de la télévision, son lent recul semble inexorable. L’Arcom a publié le 9 mars les résultats de l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers pour le 1er semestre 2022. Ils s’inscrivent dans le prolongement des tendances constatées depuis plusieurs années en matière de réception de la télévision avec une nouvelle progression de l’IPTV qui confirme sa position de leader (ce depuis la fin de l’année 2016), tous postes confondus, à hauteur de 63,9 % des foyers équipés d’au moins un téléviseur. Cela représente désormais 16 points de plus que la réception hertzienne terrestre (48,0 %). Le différentiel est encore plus net quand on s’intéresse au seul poste principal, puisque l’IPTV représente 22,6 points de plus que l’hertzien (61,4 % contre 38,8 %).

En raisonnant non plus sur les postes de télévision mais sur le raccordement des foyers (67,5 % des foyers possèdent un seul mode de réception et 32,5 % en détiennent plusieurs), on comprend mieux l’opération de vases communicants qui s’est opérée ces dernières années. Entre fin 2016 et fin juin 2022, l’agrégat IPTV (IPTV seule ou combinée à un autre mode de réception) est passé de 55,6 % des foyers à 67,4 % soit une progression de 12 points, quasiment identique au recul de la TNT sur la même période (43,2% en 2022 contre 56,3 % en 2016, soit une baisse de 13 points).

La TNT reste néanmoins le mode de réception exclusif de près d’un foyer sur cinq (19 %) équipé TV, soit au global un peu plus de 5 millions de foyers en France métropolitaine. Depuis la fin 2016, cette population est en recul de près de 10 points, au fur et à mesure du déploiement de la fibre optique sur le territoire et de la souscription à un abonnement internet incluant une offre TV qui l’accompagne.

La loi du 25 octobre 2021 prévoit la TNT en UHD à horizon 2030

Afin de préparer les prochaines évolutions de la TNT, le CSA a engagé des travaux préparatoires dès 2017, en lien avec l’ensemble des acteurs du secteur. Les Jeux olympiques de Paris en 2024 avaient alors été identifiés comme date cible pour proposer aux téléspectateurs une plateforme TNT modernisée. Mais le calendrier de modernisation a sans cesse été repoussé.

Alors que la modernisation de la plateforme était inscrite dans la vaste réforme de l’audiovisuel engagée en 2019, celle-ci a été coupée dans son élan en mars 2020 par la crise sanitaire. La TNT ne figurait même pas dans le nouveau projet de loi audiovisuel initial de Roselyne Bachelot en 2021 avant d’être réintroduite in extremis par un amendement de la sénatrice Catherine Morin-Desailly (UC).

Finalement, la loi du 25 octobre 2021 modifie les lois de 1986 pour permettre la diffusion de programmes « dans des formats d’images améliorés », et du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, afin d’organiser l’obligation de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs mis sur le marché à la réception de programmes gratuits en ultra-HD. Concrètement, une série de mesures permet d’encadrer une diffusion expérimentale qui s’achèvera en 2030. L’objectif est de favoriser le passage progressif des chaînes de la TNT vers l’ultra-HD en en leur conférant un droit de priorité via un multiplexe expérimental.

La diffusion expérimentale en ultra-HD est ainsi encadrée, même si la réorganisation des multiplex dans la perspective des jeux Olympiques de 2024 reste du ressort du régulateur. Les autorisations ne peuvent être délivrées que pendant une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, et leur durée ne peut être supérieure à cinq ans. L’expérimentation peut donc se déployer entre 2021 et 2029, ce qui permet notamment de couvrir les Jeux Olympiques de 2024.

Concernant la compatibilité des téléviseurs et des adaptateurs TNT à la réception de programmes gratuits en ultra-HD, la loi de 2021 reprend la mécanique mise en place par la loi de 2007 dans la perspective de la bascule de l’analogique au numérique (2011) puis du passage à la HD (2016), avec des obligations progressives de compatibilité des téléviseurs et la création d’un label. Le nouveau dispositif fixe le calendrier des obligations de compatibilité avec l’ultra-HD applicables à la vente de téléviseurs et d’adaptateurs TNT au grand public. Ce calendrier commence à s’appliquer partir du moment où 25 % de la population aura accès à la diffusion de programmes en ultra-HD. L’Arcom devra rendre publique l’information relative au franchissement de ce seuil de couverture, et l’obligation s’appliquera dans un délai de douze mois aux téléviseurs dont la diagonale mesure plus de 110 centimètres, puis dans un délai de dix-huit mois tous les téléviseurs et adaptateurs individuels mis sur le marché par les constructeurs.

Le chantier a pris du retard

Depuis plusieurs années, TDF mène des tests via ses installations de la tour Eiffel, via les chaînes 81, 82 et maintenant 83, qui sont des chaînes pilotes diffusées en qualité UHD. En mai 2018, ce mode expérimental a été étendu en Île-de-France ainsi qu’à Nantes et Toulouse. Plusieurs expérimentations « multi-villes » ont été menées pour les téléspectateurs équipés d’un téléviseur UHD et DVB-T2/HEVC. Mais aucune offre commerciale n’a pour l’instant été proposée aux utilisateurs.

Le 7 mars 2023 l’Arcom a prolongé cette autorisation d’expérimentation jusqu’au 31 décembre 2023.

Le service public prépare déjà son passage à l’ultra haute définition. France Télévisions a lancé le 10 mars un appel d’offre ayant pour objet de confier à un opérateur la collecte de signaux des différents services de télévisions en UHD sur la TNT, seulement pour France 2 et France 3 régions/évènements. Un seul multiplex (« Multiplex UHD National ») de 35Mb/s est prévu pour l’instant, donc seulement pour distribuer ces deux chaînes. Son déploiement devrait s’opérer en 5 vagues :

  • – fin septembre 2023
  • fin octobre 2023
  • fin novembre 2023
  • fin décembre 2023
  • 2024

Les Jeux olympiques de Paris de 2024 devraient donc être disponibles sur les chaînes diffuseurs de la TNT et sur toutes les zones géographiques en UHD, et France Télévisions devrait être le premier diffuseur français à proposer une diffusion nationale en TNT-UHD. Des études sont prévues en vue d’ajouter ajouter 3 chaînes UHD supplémentaires sur ce Multiplex. Mais aucune communication de l’Arcom n’a été faite sur le sujet.

Le lointain souvenir de la norme HbbTV

La loi de 2021 a laissé presque totalement de côté l’autre pilier de la modernisation, à savoir l’interactivité via le standard HbbTV, alors que le CSA travaille sur le sujet depuis 2017 et que la question est centrale pour de nombreux acteurs de l’audiovisuel. Les éditeurs doivent se contenter de la création d’un label « Prêt pour la TNT en ultra haute définition » à destination des consommateurs et réservé aux seuls terminaux conformes aux nouvelles normes de la TNT en ultra-HD (définition et codage), qui a été étendu via un amendement du Gouvernement à l’interactivité. La capacité d’un terminal à traiter les données interactives des programmes et services de la TNT a donc été incluse in extremis parmi les conditions de délivrance du label.

Concernant les services disponibles, Arte est le seul éditeur à proposer un service interactif après la fermeture de Salto. Dans la suite des autorisations temporaire successives qui lui ont été accordées depuis le printemps 2021 pour l’exploitation en TNT de son portail interactif en HbbTV et pour l’utilisation du numéro logique 77, l’Arcom lui a attribué le 18 janvier dernier une autorisation pour trois ans, valable jusqu’au 31 janvier 2026. Nécessitant pour l’utilisateur de disposer également d’une connexion internet, le portail permet d’accéder au replay des programmes de la chaîne ainsi qu’à ARTE Concert, aux playlists thématiques, aux vidéos les plus vues, aux plus récentes ou à la liste de celles qui vont bientôt expirer.

Enfin, si l’interactivité était mentionnée par l’Arcom dans son appel aux candidatures pour le renouvellement de l’utilisation des fréquences de TF1 et M6 – le candidat devait indiquer s’il comptait mettre en place des services interactifs dans le cadre de l’autorisation et, à ce titre, mettre en œuvre la norme HbbTV – il n’en a pas été question lors des auditions publiques des candidats pour l’édition de deux services de télévision à vocation nationale.

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HbbTV de moins en moins « Broadcast Centric »

La HbbTV Association a publié le 14 mars la mise à jour des spécifications de base pour le standard interactif. La nouvelle version 2.0.4 apporte trois avancées principales : l’intégration avec les assistants vocaux ; de meilleures fonctionnalités d’accessibilité (comme la possibilité d’agrandir l’interface utilisateur) pour répondre notamment à la directive European Accessibility Act ; et surtout, la possibilité de développer des applications interactives accessibles depuis le « Red Button » pour des services de télévision linéaires distribués en DVB-I sur un réseau IP. La nouvelle spécification, qui est en développement depuis 18 mois permet donc à HbbTV de devenir agnostique en termes de plateformes de diffusion, alors que jusqu’à la version actuelle (2.0.3) un service HbbTV ne pouvait être notifié que dans un flux TS (Transport Stream), donc en diffusion hertzienne (TNT ou SAT). Cela étant, le déploiement du DVB-I est soumis à la bonne volonté des constructeurs puisqu’il nécessite une mise à jour logicielle, alors que le parc de téléviseurs compatibles avec les dernières normes HbbTV est déjà limité. Il n’y a pas besoin en revanche d’un remplacement matériel comme c’est nécessaire pour le DVB-T2. DVB-I intéresse particulièrement les pays où l’IPTV des opérateurs est moins développé qu’en France. En Europe, l’Italie où la diffusion par voie hertzienne conserve un taux de pénétration très élevée est en pointe. Mediaset expérimentera le DVB-I, au printemps 2023. De plus, le régulateur national, l’Agcom, soutient cette norme de diffusion, après avoir constaté que de nombreux radiodiffuseurs locaux ont perdu leur fréquence suite au récent réaménagement du spectre des 700 Mhz et qu’ils ont alors choisi de basculer en direct sur le réseau IP, via des applications HbbTV.

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