L'édito de Philippe Bailly

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Avec TV+, Canal+ se pose en point d’accès de référence à l’univers connecté

Répondant le 5 mai au Figaro, le Président du directoire de Canal+ Maxime Saada se disait « convaincu qu’il existe encore un potentiel de croissance en France », et annonçait « le lancement d’une nouvelle offre avant l’été » destinée à s’en saisir ; il n’aura guère fallu plus de deux semaines pour que celle-ci prenne corps, avec le début de la commercialisation de TV+ qui est intervenu ce mercredi 22 mai.

Cette offre d’entrée de marché destinée aux environnements connectés, rassemble, pour 2€ par mois :

  • Les 25 chaînes nationales en clair de la TNT, ainsi que les 24 déclinaisons régionales de France 3,
  • 24 chaînes thématiques, dont quatre éditées par le groupe (Infosport+, Comédie+, Planète+ Aventure et Olympia TV), deux par Mediawan (RTL9 et Mangas) et une par Paramount (MTV) pour les plus notables,
  • Huit « chaînes digitales » assimilables à des chaînes FAST mono-IP dédiées à des formats du groupe (Clique TV, Jamel Comedy Club, Groland, les Deschiens, Les Nouveaux explorateurs…)
  • Et « l’accès à une sélection de contenus CANAL+ », dont les Saisons 1 des séries Baron Noir et Tokyo Vice, le documentaire Intérieur Sport consacré à Kylian Mbappé ou, bientôt, le spectacle de Florence Foresti Boys Boys Boys. Cette sélection, qui sera « enrichie chaque mois », devrait s’ouvrir au sport. Par exemple, d’après le Figaro, à certaines rencontres de l’Europa League.  

Au total, TV+ revendique ainsi « plus de 80 chaînes de télévision en live et en replay », et « plus de 20 000 heures de contenus disponibles ».

TV+, déjà accessible à 95% des Français, et 73% via le téléviseur

L’abonnement donnera accès à un flux unique. Une option permettra, pour 2€ supplémentaires, de bénéficier d’un deuxième flux.

Briefing NPA : Le streaming en pleine ébullition !

Du lancement de TF1+ le 8 janvier à celui de Max le 11 juin, arrivées de nouvelles plateformes et évolutions majeures d’acteurs clé (l’arrivée de la publicité dans Prime Vidéo) se seront succédées au rythme d’une par mois, ou presque, tout au long du premier semestre 2024. Le streaming en est le facteur commun, et avec lui la recherche du modèle le plus adapté pour tirer parti du nouvel environnement CTV ; Montée de l’équipement OTT, intégration aux usages de l’environnement connecté, capacité à faire progresser la pénétration des offres payantes ou encore niveau d’attente pour les nouveaux arrivants représentent des variables clé de la nouvelle équation.

En partenariat avec Médiamétrie, Philippe Bailly, fondateur de NPA Conseil, et Karl Fombuena, Co-Directeur du département Telcos-Media-Tech-Entertainment d’Harris Interactive vous invitent le mercredi 29 mai, à 11 heures,pour débriefer ce début d’année bouillonnant, en capitalisant sur les insights du Baromètre des Usages Audiovisuel qu’ils exploitent depuis 2020.

Inscription impérative en cliquant sur ce lien

Au-delà, TV+ offrira une expérience utilisateur similaire à l’application myCanal, au sein de laquelle elle sera hébergée : start over (redémarrage des programmes en cours de diffusion), possibilité de téléchargement pour un visionnage off line, multilive (permettant de suivre jusqu’à quatre programmes de manière simultanée) …

A son lancement, TV+ est disponible sur les smartphones et tablettes Android ou iOS, sur ordinateur, ou via les box ou streaming stick Apple TV, Android TV, Fire TV, les consoles de jeu PS4, PS5 et Xbox, ou les smart TV LG (modèles commercialisés depuis 2018), Hisense (depuis 2020) et Samsung (de 2018 à 2023).

Sur cette base, le Baromètre de l’Equipement Audiovisuel NPA Conseil / Harris Interactive permet d’évaluer à 73 % la part des Français qui peuvent y accéder sur un téléviseur, et à 95 % si l’on intègre les autres écrans.

Moins de 6 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 1% des Français abonnés

Cette forte distribution représente un prérequis dans la perspective de positionner Canal+ comme point d’accès de référence à l’univers connecté ; la disponibilité de la TNT, dans son intégralité, représentera pour TV+ un levier majeur pour servir cette ambition ; l’ouverture à l’univers payant (chaînes thématiques et échantillonnage de programmes Canal+) devrait l’aider à capitaliser, au-delà, sous forme de prises d’abonnement aux offres du groupe. 

Par eux-mêmes, les revenus générés par TV+ resteront en effet forcément limités : moins de 6 millions de chiffre d’affaires hors taxe pour 1 % des Français (environ 300 000 foyers) qui y souscriront. Ce sont donc bien les revenus d’upsell qui donneront au service son sens économique, en en favorisant une large pénétration grâce à son positionnement en entrée de marché.

Alors que les chaînes (linéaire et programmes à la demande cumulés) représentent au global à peu près trois quarts du temps passé sur le téléviseur, d’une part, et qu’un Français sur trois indique à ce jour privilégier un équipement OTT pour y accéder (Baromètre des Usages Audiovisuels), ils n’étaient pas plus de 5 millions fin 2023 à pouvoir retrouver l’ensemble de la TNT en un point unique sur leurs smart TV (hors box opérateur) : « abonnés premium » de Canal+, via myCanal (environ 4,5 millions, en tenant compte des raccordés à la TNT payante ou satellite qui n’accèdent pas aux services OTT) et clients de Molotov (un peu plus de 400 000). Et naviguer entre les applications des groupes audiovisuels privés (MYTF1, 6Play…) ne fournissait pas de « plan B » : en raison des accords conclus avec les FAI, ces applications n’intégraient ni le signal linéaire ni le replay de leurs chaînes.

Substitut à « l’appli SIG » recommandée par l’Arcom ?

Mais 2024 a marqué un tournant : après renégociation de ces accords, TF1+ s’est lancé le 8 janvier en proposant le live et un catalogue de BVoD intégrant le rattrapage de ses chaînes. M6+ a fait de même le 14 mai. Et, dans l’intervalle, le projet de délibération publié le 8 février par l’Arcom a recommandé – en bonne intelligence apparente avec la presque totalité des acteurs concernés – le lancement d’une application regroupant l’ensemble des chaînes nationales de la TNT gratuite, ainsi que leurs plateformes respectives. Après la fin de la période de stand still de trois mois consécutive à la notification du texte à la Commission européenne, ce 21 mai, le projet va pouvoir entrer dans sa phase de préparation opérationnelle, pour une arrivée effective dans les interfaces des téléviseurs connectés que l’Autorité, interrogée en février, n’envisageait pas avant le début de 2025.

En lançant TV+ ce 22 mai, Canal+ peut espérer retourner à son avantage la menace de perdre l’avantage distinctif qu’il codétenait avec Molotov TV :

  • Siphonner, d’abord, une partie du fonds de commerce de ce dernier grâce à un tarif sensiblement plus attractif (2€, à comparer avec les 6,99€ du forfait Molotov TV le plus directement comparable : Molotov Extra, qui revendique « plus de 100 chaînes, TNT incluse » -, avec 4 flux en simultané il est vrai) ;
  • Engranger, au-delà, un volume suffisant d’abonnés pour installer durablement TV+ dans l’environnement connecté et, pourquoi pas, convaincre les éditeurs de la TNT de s’y rallier en tant « qu’Appli SIG » en rééditant dans le monde OTT ce qu’avait réalisé le groupe avec l’offre gratuite par satellite TNT Sat il y a vingt ans ;
  • Et, plus menaçant pour les FAI, apparaître comme une alternative acceptable à la « brique » TV des forfaits dits « 3P » des opérateurs, pour les foyers tentés de se contenter d’un raccordement à internet « sec », avec le risque pour eux que s’enclenche une forme de « cord cutting » à la française dont ils ont été jusqu’alors largement préservé (plus de trois quarts des Français déclarent que leur accès à internet intègre l’accès à des chaînes de télévision, d’après le Baromètre des Usages Audiovisuels).

Pour pleinement transformer l’essai, il restera à Canal+ à optimiser la proportion de ses nouveaux clients TV+ qui opteront pour ses offres – vraiment – payantes.

Il reviendra au travail d’échantillonnage annoncé d’y pourvoir, en mêlant « effet vitrine » (donner à voir un match de l’Europa League pour rappeler que Canal+ est titulaire de l’ensemble des droits de diffusion des coupes européennes par exemple) et frustration (pouvoir visionner la saison 1 de Tokyo Vice sans accéder à la seconde en est une illustration accomplie !).

Au-delà, Canal+ a commencé à déployer des offres permettant aux abonnés TV+ une montée en gamme progressive, dont l’abonnement à la chaîne-mère ne constitue pas un préalable obligé. Il leur est par exemple possible de souscrire directement depuis le service au Pass divertissement qui regroupe une quarantaine de chaînes thématiques, pour un prix de 5 € par mois les 6 premiers mois (10 € ensuite).

D’autres pistes sont envisageables, dans la voie du développement d’une gamme complète d’offres plus accessibles dont TV+ pourrait être l’ombrelle. Propositions moins exhaustives que Canal+ Ciné Séries ou Canal+ Sport dans l’agrégation de plateformes de SVoD, ou mise en place de forfaits intégrant les versions « avec publicité » des streamers (alors que c’est encore la version standard – sans publicité – de Max qui rejoindra le 11 juin Canal+ Ciné Séries). Pour être purement hypothétique, une telle piste permettrait à Canal+ de prendre à bras le corps le sujet de la monétisation par la publicité d’une partie de ses offres dont la présence de 8 chaînes digitale (i.e FAST) pourrait être un premier signal.

Dans son interview du 5 mai, Maxime Saada évoquait le lancement d’une nouvelle offre l’été. Promesse tenue ! N’excluons pas que d’autres développements surviennent d’ici à la fin de l’année !