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La FTC et les utilisateurs suspicieux vis-à-vis de la protection des données personnelles

En croissance constante, le Big Data s’enrichit de l’explosion des usages en mobilité et des objets connectés. Les enjeux de protection des données personnelles restent plus que jamais des priorités, tant pour les autorités compétentes, telles la Federal Trade Commission aux Etats Unis, que pour les individus interrogés par le Pew Research Center.

Les données personnelles au cœur du PrivacyCon organisé par la FTC

Le 14 janvier 2016, la Federal Trade Commission a organisé une conférence intitulée « PrivacyCon » rassemblant un large éventail de participants – universitaires, représentants de l’industrie publicitaire, défenseurs des droits des consommateurs et organismes de réglementation gouvernementaux – afin de discuter des dernières recherches et tendances en lien avec la protection de la vie privée et des données. L’autorité en profite pour publier la dernière version de son rapport « Big Data: A Tool for Inclusion or Exclusion? », selon lequel une supervision humaine des résultats algorithmiques devrait avoir lieu pour éviter toute discrimination dans les secteurs de la santé, des crédits et de l’emploi.

aDes ateliers préparatoires à cette conférence ont mis à jour, outre les formidables opportunités du Big Data, des risques de discrimination des populations défavorisées allant à l’encontre de plusieurs réglementations : le Fair credit Reporting Act, les lois sur l’égalité des chances (dont l’Equal Credit Opportunity Act) et la loi sur la Commission Fédérale du commerce (FTC Act). Ainsi, le recours à des data brokers pour enrichir les données compilées et l’utilisation d’algorithmes analytiques ou prédictifs seraient susceptibles de créer des situations discriminatoires : par exemple, un organisme de crédits n’a pas le droit de proposer des conditions de prêt plus favorables à des personnes mariées plutôt qu’à des célibataires même si les analyses des données de masse mettent en évidence que ces derniers ont moins de chances de rembourser leur emprunt que les premiers.

De même, les discussions ont mis en lumière la nécessité de respecter la Section 5 du FTC Act qui prohibe des actes ou pratiques malhonnêtes ou mensongers concernant la collecte, la gestion, l’utilisation et la sécurisation de données et l’information des consommateurs sur l’ensemble de ces actions. Participant aux débats, Joseph Turrow, Professeur à la Annenberg School Communication, explique que « les annonceurs déforment l’opinion d’une grande part des Américains en affirmant que ces derniers acceptent de donner leurs data en échange de services gratuits ». Car, entre les révélations d’Edward Snowden et les nombreuses fuites de données subies par des entreprises telles Ashley Madison ou le constructeur de jouets VTech, les individus craignent de perdre le contrôle de leurs données en termes de sécurité et d’utilisation.

Les utilisateurs craignent de perdre le contrôle de leurs données

aEn effet, une étude menée par le Pew Research Center révèle un fossé entre la conception du secteur des technologies et celle des utilisateurs. Selon Lee Rainie, Directeur d’études sur internet, les sciences et la technologie de l’organisme, pour ces derniers « les préoccupations concernant le respect de leur vie privée relèvent plus d’une approche au cas par cas que d’un vague accord implicite ». Or, les industriels et les spécialistes du marketing ne semblent pas en avoir pris la mesure au vu du grand nombre d’objets connectés présentés au CES de Las Vegas début janvier.

Il ressort de l’enquête menée auprès de 416 individus âgés de 18 ans et plus que les Américains trouvent peu acceptable que leurs données personnelles soient utilisées pour des objectifs publicitaires et promotionnels, en particulier lorsque ces data concernent leur emplacement géographique. Les 2/3 des répondants déclarent qu’ils ne se sentiraient pas à l’aise si une assurance auto installait un terminal de tracking dans leur véhicule pour surveiller leur vitesse et leur localisation en échange de réductions valorisant les bonnes habitudes de conduite. On rappelle à ce sujet que l’assureur Allianz a lancé une offre de « pay-how-you-drive » en Octobre 2015[1].

De même, plus de la moitié des personnes interrogées considère inacceptable l’installation d’un capteur capable de gérer les dépenses énergétiques en fonction de la présence des occupants dans la maison ou leur déplacement d’une pièce à l’autre, même si ce suivi permet de réaliser des économies. Pour L. Rainie, « les automobiles et le domicile sont pour beaucoup de gens des sanctuaires, des endroits qu’ils souhaitent privés, non monitorés ».aSur le marché européen, selon Fatemeh Khatibloo, expert Privacy du cabinet Forrester, « les entreprises du secteur des technologies pour la publicité ne sont pas conformes aux exigences de la nouvelle réglementation communautaire sur la protection de données personnelles ». Cette réglementation affectera toutes les entreprises de ce secteur, les grandes telles Google, Apple, Facebook, Amazon…, comme les structures indépendantes. La décision de la CJUE en octobre 2015 d’invalider les principes du « Safe Harbor », qui ne permettaient pas en pratique une protection effective des données personnelles conforme au standard européen, déclenche le processus de renforcement de la protection des droits fondamentaux des citoyens de l’Union européenne vis-à-vis des entreprises étrangères.

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[1] Cf. Flash n°771 du 21/10/2015 : « Les assureurs accélèrent leur transformation digitale ».

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