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Arnaud de Puyfontaine, Président du Directoire de Vivendi

ffff« Les médias ont appris à faire du numérique une chance et non plus une menace »

Le Président de Vivendi constate que dans un premier temps, la nouvelle donne numérique a fait entrer le secteur dans le pire des mondes : celui de la destruction de valeur. Il cite ainsi l’exemple du marché de la musique enregistrée qui, sous l’effet du piratage et du peer-to-peer, a perdu 2/3 de ses revenus entre le début des années 2000 et celui des années 2010. La presse écrite, qui représentait plus de 1 % du PIB en France dans les années 1980 est passée à seulement 0,37 % en 2014.

Toutefois, Arnaud de Puyfontaine considère que les médias ont finalement appris à faire du numérique une chance et non plus une menace, un levier de développement et non plus un frein économique. La dernière étude du cabinet PwC sur le sujet (Global Entertainment and Media Outlook 2015-2019) relève à ce titre que la croissance de l’industrie du divertissement dans le monde d’ici 2019 sera portée à 80 % par le numérique.

Le Président de Vivendi estime aussi que les effets positifs du numérique se font déjà sentir sur certaines industries créatives, comme la musique enregistrée qui a renoué l’année dernière avec la croissance, pour la première fois depuis 2003. Selon lui, ce rebond est dû à l’essor des offres de streaming par abonnement, sur Spotify, Deezer ou Apple Music : ainsi, en 2015, on comptait 68 millions d’abonnés payants dans le monde (dont 3 millions en France), contre 41 millions en 2014.

Le Big Data, le nouvel or noir pour les médias

Selon Arnaud de Puyfontaine, le Big Data constitue un nouvel or noir pour les entreprises de médias : 90% des données récoltées depuis les origines de l’humanité ont ainsi été générées au cours des 3 dernières années.

La maîtrise et la valorisation des données permettent de gagner en proximité avec leurs clients, de mieux connaitre leurs usages, de mieux comprendre leurs goûts et donc de leur proposer des programmes plus adaptés grâce aux moteurs de recommandation. Le Big Data permet de révéler les « unarticulated needs » (besoins inexprimés ou cachés) des consommateurs. Si, sur Canal + par exemple, un consommateur a aimé la série policière Mafiosa, il y a des chances pour qu’il aime aussi la série Engrenages.

Toutefois, le Président de Vivendi estime que l’intelligence artificielle ne suffit pas. Aucun algorithme au monde, aussi sophistiqué soit-il, ne peut surprendre « culturellement » comme peut le faire un être humain. Les métiers de créateur et d’éditeur restent donc indispensables au maintien d’une création riche et diversifiée.

La consommation de biens et de produits culturels résiste à l’envahisseur numérique

Arnaud de Puyfontaine rappelle que dans la musique, les ventes d’albums dans des pays comme l’Allemagne ou le Japon restent à 60-70 % physiques. Même en France, on achète aujourd’hui autant de musique dans des magasins Fnac ou Leclerc que sur Spotify ou Deezer. Certains supports physiques font même un retour inattendu : les ventes de vinyles en France ont ainsi doublé entre 2012 et 2015.

Dans l’édition également, les ventes de livres électroniques aux-Etats-Unis et au Royaume-Uni ont baissé en 2015 pour la première fois depuis leur apparition, alors que les livres papiers ont continué d’augmenter.

Les différentes galaxies au sein du groupe Vivendi

Le Président du Directoire de Vivendi explique que cette approche globale mêlant le meilleur des deux mondes, est mise en œuvre au sein du Groupe. Les artistes sont par exemple accompagnés aussi bien « physiquement » grâce au réseau de salles de spectacles (L’Olympia et le Théâtre de l’Œuvre en France, bientôt les salles CanalOlympia en Afrique), que « numériquement » grâce aux plateformes de diffusion (Dailymotion) ou de billetterie électronique (Vivendi Ticketing) du Groupe.

Il ajoute que le Groupe parvient à associer avec succès des forces a priori contraires :
– Une identité latine et une force de frappe globale, notamment grâce à Universal Music Group ;
– Un cœur de métier médias (UMG et Canal+) et des participations dans des opérateurs télécoms (Telecom Italia, Telefonica) ;
– Une présence renforcée dans la production de contenus (participations dans Banijay Group et Mars Films) et dans la distribution de contenus (acquisition de Dailymotion, partenariat avec la Fnac).

Arnaud de Puyfontaine conclut en précisant que l’investissement dans les contenus et les talents créatifs sont la marque de fabrique et le socle de développement du Groupe.

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Enfin, interrogé sur l’actualité autour de BeIn Sports, Arnaud de Puyfontaine insiste sur l’importance de reconstituer une offre de sport de qualité et de préserver le modèle de distribution de Canal+.

S’agissant des récents accords entre Netflix et TF1 au sujet de la série Marseille, le PDG de Vivendi ironise en indiquant que TF1 aurait pu diffuser Baron noir plutôt que Marseille…