L'édito de Philippe Bailly

Vous souhaitez recevoir l’Insight NPA ?

Des pistes pour la création d’un centre national de la musique dès 2019

[box style=”5″]

Roch-Olivier Maistre, conseiller maître à la cour des comptes, s’est vu confier en juin dernier par la ministre de la culture une mission de réflexion sur une « maison commune de la musique », ayant pour objectif d’établir un diagnostic des besoins et modalités de soutien de la filière musicale. La nécessité de renforcer le soutien public aux secteurs de la musique enregistrée et du spectacle vivant musical est mise en avant depuis plusieurs années, et apparaît aujourd’hui d’autant plus nécessaire dans un contexte marqué par la montée en puissance du streaming et l’accentuation de l’internationalisation de la vie musicale. Le rapport préconise la création d’un centre national de la musique, succédant au centre national de la chanson, des variétés, et du jazz (CNV), dès 2019. A ce titre, son auteur formule une série de recommandations portant sur ce nouvel opérateur : sa valeur ajoutée, ses missions, son financement, qui appelle selon lui de nouvelles ressources, et sa gouvernance, qui devrait être efficace et garantir l’intérêt général.

[/box]

Une idée ancienne, jamais aboutie

Un projet de Centre national de la musique (baptisé « CNM »), pour fédérer au sein d’un même lieu l’ensemble des acteurs du secteur, avait déjà vu le jour en 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, mais n’avait néanmoins pas été mené à son terme. Peu de temps après son arrivée au ministère de la culture, Aurélie Filippetti avait renoncé au projet, faute de financement suffisant. « Nous n’avons pas réellement besoin d’un nouvel établissement public, qui nécessiterait, en plus des ressources existantes, 50 millions d’euros », avait-elle indiqué dans une interview au journal Le Monde.

Plus récemment, la loi LCAP du 7 juillet 2016 a engagé le processus de création d’un Observatoire de l’économie de la filière musicale au sein du CNV. Pris pour l’application de cette loi, le décret du 27 février 2017 a fait le choix de confier la supervision des travaux de l’Observatoire à un très large comité d’orientation, qui agirait en parallèle de la gouvernance existante de l’établissement public. Ce choix n’a pas permis, à ce jour, la mise en place effective du nouvel observatoire.

Dans son rapport, Roch-Olivier Maistre estime que « depuis l’abandon du projet en 2012, le secteur musical a eu le sentiment d’accumuler les occasions manquées dans sa relation avec les pouvoirs publics » et ajoute que, malgré certaines avancées, « la politique publique de la musique paraît marquer le pas ». Partant de ce constat, il propose de renforcer le rôle stratégique et prescripteur de l’Etat, et privilégie « une approche graduelle » pour la constitution d’un opérateur public couvrant l’ensemble des genres musicaux.

Une approche « graduelle » privilégiée

Pour leur mise en œuvre, les différentes propositions formulées nécessiteront le recours à la loi de finances –pour dégager de nouvelles recettes – ainsi qu’à la loi ordinaire – toute modification de la dénomination, du champ d’intervention et des missions du CNV relevant du législateur. Elles ne peuvent, dès lors, comme le précise le rapport, conduire à une concrétisation du projet de « maison commune de la musique » à brève échéance.

Dans un premier temps, l’auteur du rapport préconise que les choix des missions, du financement, de la liste exacte des structures ayant vocation à être intégrées (CNV, Iram, et éventuellement d’autres organismes d’intérêt général) et de la gouvernance de ce centre, fassent l’objet d’un examen parlementaire via un projet de loi dédié.

Dans un second temps, trois chantiers pourraient être engagés : le fonctionnement de l’établissement public, le regroupement immobilier et la réflexion partenariale sur le régime des aides.

Cinq grandes missions d’intérêt général seraient attribuées au centre national de la musique :

  • Une mission d’observation, qui engagerait chaque acteur de la filière à fournir des données précises afin d’avoir une vision globale et fiable de l’écosystème ;
  • Une mission d’information par l’intermédiaire notamment du Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma) et le développement d’une plateforme numérique de référence ;
  • Une action de formation, qui serait la mission principale du centre, afin de permettre une dynamisation et un élargissement des offres de formation initiales et continues ;
  • Enfin, le centre aurait les fonctions de développement international et de soutien à travers notamment l’attribution d’aides automatiques, le déploiement d’aides sélectives et l’appui à des projets territoriaux. L’établissement public dédié à la musique succéderait au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui serait, avec ses agents, appelés à constituer le socle de cette maison commune.

L’établissement public aspire aussi à créer un cadre propice pour apporter à la filière musicale les réponses aux futurs enjeux auxquels elle sera confrontée à l’avenir.

Les organisations professionnelles de la filière musicale (Sacem, GAM, Adami, Snep, Upfi et l’Irma) ont accueilli favorablement les recommandations du rapport et soutiennent particulièrement l’idée d’une maison commune de la musique. Le Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss) avait d’ailleurs appelé dans un livre blanc à « fédérer la filière au sein d’un établissement commun d’union, de concertation et de renforcement des acteurs », qui garantisse la diversité et soutienne la création.

La délicate question du financement

Pour que le nouvel opérateur public soit à même de remplir ses missions et de répondre efficacement aux besoins et aux mutations du secteur musical, l’apport de ressources plus importantes constitue un préalable à la création d’une « maison commune de la musique ».

La première source de financement de la structure proviendrait d’un effort budgétaire accru de l’Etat à laquelle s’ajouterait sa contribution annuelle au CNV (qui s’élevait à hauteur 0,65 M€ en 2016), mais aussi la subvention versée aux organismes d’intérêt général tels que l’Irma.

Une deuxième source de financement serait la taxe sur les spectacles de variété actuellement affectée au CNV, estimé à 30,6 M€ en 2016.

Une troisième source pourrait être recherchée en dehors du secteur.

A court terme, le rapport préconise deux pistes de financement : d’une part, la part non affectée de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE, d’après l’article 302 bis KH du code général des impôts), dont sont redevables les opérateurs de télécommunications ; et, d’autre part, la taxe sur la diffusion en ligne de contenus audiovisuels (TSV), issue de la LFR pour 2016. Sur la gouvernance, le rapport, qui souhaite inclure des acteurs professionnels au comité d’orientation composé notamment de représentants syndicaux et d’organismes de gestion collective, souhaite confier aux créateurs de larges compétences dans la définition du régime des aides et proposent de placer « une personnalité indépendante » à la tête du conseil d’administration du centre.

Vous êtes abonnés à l’Insight NPA ? Merci de renseigner vos identifiants pour accéder à l’ensemble de cet article.

Pas encore inscrit à l'Insight NPA ?