L'édito de Philippe Bailly

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Ligue 1 de football masculin : le butoir du 15 mai

Mi 2023, on s’était étonné que les enchères pour la diffusion de la Serie A italienne aient pu se prolonger pendant plus de quatre mois, enjambant l’été pour n’atterrir qu’à la mi-octobre. Sur ce terrain, au moins, le football français bat d’ores et déjà à plates coutures son homologue transalpin. L’appel d’offres pour l’attribution des droits de la Ligue 1 pour le cycle 2024-2029 a été lancé mi-septembre, il y a plus de sept mois et demi, sans qu’aucun attributaire n’ait encore été désigné. A trois mois et demi du lancement de la prochaine saison, à moins de trois semaines de la dernière journée de la saison en cours, et à moins de quinze jours, surtout, de la date à laquelle les clubs doivent fournir à la LFP, mais surtout à la DNCG, les comptes d’exploitation prévisionnels attestant de leur viabilité financière, donc de leur capacité à demeurer au sein de l’élite.

Présentées dans l’Annexe du règlement de la DNCG, les « Dispositions obligatoires relatives à la tenue de la comptabilité, aux procédures de contrôles et à la production des documents » prévoient que les clubs doivent produire « au plus tard pour le 15 mai », les « comptes prévisionnels de la saison en cours (actualisés au 30 juin) et de la saison suivante, accompagnés (…) d’une prévision d’exploitation sur trois ans avec une hypothèse de crise ».

Ces documents doivent permettre de conduire l’audit permettant de vérifier que « la situation financière des clubs (est) compatible avec leur organisation administrative et sportive » et, à défaut, mener à leur rétrogradation.

Les données publiées le 24 avril par la DNCG donnent la mesure de l’incapacité dans laquelle doivent aujourd’hui se trouver les dirigeants de club, pour satisfaire à cet exercice : ce rapport sur « la situation du football professionnel » au cours de la saison 2022-2023, donne la mesure de ce que pèsent les droits audiovisuels dans l’économie du football français et, par conséquent, la difficulté à justifier de perspectives d’exploitation viables sans aucune assurance concernant le montant à faire figurer à la ligne qui y correspond.

Au cours de la saison 2022/2023, les 815 M€ de droits audiovisuels que se sont partagés les clubs de la Ligue 1 représentaient le premier poste dans leurs revenus d’exploitation (donc hors transferts), et 31% du total (à titre de comparaison, les recettes de billetterie n’y contribuaient que pour 11%). Mais derrière cette moyenne se cachent des situations de dépendance beaucoup plus marquées : pour onze des dix-sept clubs analysés[1], le poids des droits audiovisuels est supérieur à 31%… jusqu’à atteindre 68% à Montpellier ou même 72% à Lorient.

Sur la base des mêmes comptes, Lille et Clermont-Ferrand seraient les seuls clubs à conserver un résultat avant impôt positif dans l’hypothèse où les droits audiovisuels seraient ramenés à zéro.

Le scénario d’un écran noir, faute de diffuseur, est évidemment théorique, et aucun acteur n’imagine sérieusement qu’il prenne corps au final.

Sur les aspects administratif (la date butoir du 15 mai), la Ligue saura certainement en décaler l’échéance, afin de laisser le temps aux clubs de préparer sur des bases plus solides leurs comptes d’exploitation prévisionnels.

Mais au-delà du formalisme juridico-économique, la « planète foot » a ses rythmes propres qui ne connaissent pas les frontières et résonneront dès la saison terminée. Rester à cette échéance sans idée précise des montants qu’ils pourront miser serait pour les clubs français un handicap majeur. Il y a décidément urgence à clore le chapitre « Appel d’offres 2024-2029 » …


[1] La présentation des données concernant l’Olympiques Lyonnais ne permet pas de mesurer l’importance des droits audiovisuels dans son exploitation