L'édito de Philippe Bailly

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Audiovisuel public : un bilan d’étape en demi-teinte

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Le bilan d’étape de la commission de concertation sur la réforme de l’audiovisuel public donne des pistes de réflexion pour éclairer les choix du Gouvernement. Il suggère de « procéder à de vrais redéploiements de moyens, et non à de simples coups de rabots » même si des économies doivent être dégagées menant à d’importantes réorganisations internes. La mission annonce la nécessité d’un calendrier progressif.

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Les choix du Gouvernement confortés

Le discours de la ministre de la Culture du 4 juin dernier avait été marqué par trois grands annonces : l’arrêt de la diffusion hertzienne de France 4, le rapprochement des offres locales du secteur public France Bleu et France 3 et une réflexion sur l’avenir de France Ô.

La mission de concertation encourage ces changements. Pour France 4, elle considère que « du fait de sa programmation diversifiée (sports, etc.), elle n’est pas positionnée et identifiée comme la chaîne des enfants » et la production propre de la chaîne n’est pas un enjeu majeur pour l’animation française. Le rapport conseille donc de développer une offre numérique tout en gardant des cases de diffusion linéaire. Il est important toutefois, pour assurer son développement, que le lancement de cette nouvelle offre s’accompagne d’investissements de communication. En parallèle, le secteur public doit se lancer à la reconquête des jeunes avec de nouvelles offres de contenus plus ambitieuses et plus innovantes : « interactives, collaboratives, linéaires et non linéaires ».

S’agissant de l’avenir de France Ô, il apparaît primordial de redéfinir les missions de la chaîne qui ne sont aujourd’hui pas remplies. Selon le rapport, la première de ces missions, assurer aux Ultramarins de l’hexagone un accès aux programmes des Outre-mer, n’a plus de sens à l’ère numérique. Les deux autres missions, de soutien à la création et de représentation de la diversité ultramarine, peuvent être remplies par d’autres outils, notamment numériques. La mission considère que davantage de programmes dédiés aux Outre-mer doivent être diffusés sur les chaînes nationales et que la présence des Ultramarins au sein des entreprises et à l’antenne doit être renforcée. En ce sens, une modification des cahiers des charges peut être envisagée pour fixer des exigences quantitatives, mesurables et vérifiables. La mission considère aussi que les jeunes ne doivent pas être oubliés de l’offre outre-mer. Par ailleurs, l’idée de diffuser en HD les chaînes Premières et de les rendre disponibles via un portail numérique est évoquée.  Elle pourrait permettre d’ouvrir réellement l’hexagone sur la diversité des Outre-mer.

La mission est également favorable au rapprochement entre les antennes de France 3 et France Bleu. Il s’agit de créer des médias globaux de proximité. Les initiatives doivent être communes et tournées vers le numérique. Le rapport est prudent sur la mise en œuvre de ce rapprochement : il doit passer par des expérimentations et se faire par étapes sur deux ou trois ans avec des modèles propres à chaque région. L’objectif est d’anticiper les conséquences sur l’offre nationale de France 3 et de préserver le dynamisme du réseau de France Bleu. Entre temps, des initiatives communes pourront voir le jour et les décrochages locaux sur France 3 pourront être augmentés. La question des schémas d’organisation et de rapprochement n’est pas tranchée « mais l’enjeu est crucial ». La mission propose notamment de développer des partenariats avec les acteurs locaux (associations, missions locales etc.), d’encourager l’utilisation des aides régionales et de créer des « Labs Créations » et des « Labs créations spaces » pour développer la production audiovisuelle de proximité.

Le tournant numérique et Salto

Le rapport note que les initiatives numériques des sociétés nationales de programmes sont nombreuses avec par exemple Arte Créative, FranceTV.Slash et INALab. Un travail de réorganisation avec un noyau réduit de marques fortes associées à des contenus bien identifiés sur le modèle de franceinfo, média global de l’information est déjà engagé. « Une approche d’ensemble est incontournable : pour mettre en œuvre des stratégies cohérentes, mais aussi pour disposer d’une masse critique en dégageant les synergies nécessaires, une démarche coordonnée s’impose ».

Un changement d’état d’esprit radical est nécessaire pour progresser dans la coordination des stratégies numériques. Avec l’absence des contraintes de cases et de durées, un renouvellement des critères de choix des programmes est nécessaire. Un « shadow comex » pourrait être créé ainsi qu’un « lab créatif » pour expérimenter et faciliter la transformation numérique.

La mission salue l’initiative de France Télévisions qui a annoncé le lancement de la plateforme Salto, commune avec des acteurs privés. Elle « montre que les entreprises de l’audiovisuel public ont l’envie et la capacité de s’engager dans des partenariats numériques d’ampleur ». Toutefois, le fait que l’offre de base soit payante inquiète. En effet, la mission estime que dans l’univers concurrentiel actuel, face à des acteurs internationaux et puissants, le service public doit « analyser l’environnement concurrentiel et le potentiel de développement, pour éviter que des initiatives partant avec un temps de retard, sans être suffisamment innovantes, se heurtent à un contexte concurrentiel trop encombré ». Le choix de France Télévisions et de ses partenaires d’une offre de base payante peut en revanche s’expliquer par un enjeu de concurrence et le fait que dans le cas d’une offre gratuite, leur position dominante sur le marché pourrait ne pas passer le cap de l’Autorité de la concurrence.

Les différentes propositions ne doivent toutefois pas inquiéter les acteurs de la création. « Les entreprises de l’audiovisuel public doivent rester les premiers partenaires de la création » y compris s’agissant du secteur de l’animation. La mission assure que le secteur public doit faire plus en matière d’engagements que ses concurrents du privé avec une logique d’innovation et tournée vers l’international. Elle estime que France Télévisions doit réorganiser la production interne pour la rendre plus compétitive.

 

 

Le rapport annonce une consultation du public par Radio France et France Télévision à la rentrée 2018 pour recueillir les attentes des Français et dessiner les contours de l’audiovisuel public de demain.

Par ailleurs, la mission conseille d’engager les transformations nécessaires s’agissant de France Ô et France 4 au plus tôt, pour permettre la concrétisation de la réforme à partir de septembre 2019 ou dans le courant de l’année 2020.

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