L'édito de Philippe Bailly

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Facebook confirme ses fortes ambitions dans la vidéo

En 2014, le premier réseau social mondial avait fait de la vidéo un des piliers de sa stratégie de développement. Les chiffres semestriels publiés début janvier ont permis de souligner que les nouvelles fonctionnalités proposées ont effectivement permis de faire significativement progresser la consommation vidéo et l’engagement. Le récent partenariat entre Facebook et la NFL sur des pastilles vidéo, ainsi que le rachat de la start-up Quickfire spécialiste d’encodage vidéo confirment l’enjeu stratégique autour des contenus vidéo.

Les bons résultats d’une stratégie offensive

De nouvelles fonctionnalités qui font de la vidéo un levier d’engagement très efficace
Face au géant de la vidéo en ligne Youtube, Facebook propose une logique alternative à celle de moteur de recherche et de simple « plate-forme catalogue ». Grâce à son algorithme, capable de proposer des contenus susceptibles d’intéresser, la firme de Mark Zuckerberg mise avant tout sur la découverte de vidéos, dans les « news feed », et fait davantage remonter les posts vidéo que les autres (lien, simple commentaire…). Alors que sur le segment de la vidéo les liens Youtube étaient privilégiés jusqu’à encore récemment, la vidéo dite « native », c’est-à-dire uploadée directement sur Facebook, a largement décollé ces derniers mois sur le « mur » des utilisateurs.
L’ambition stratégique de Facebook dans la vidéo s’est ainsi concrétisée ces derniers mois par le lancement de nouvelles fonctionnalités, favorisant leur consommation tant chez les socionautes que chez les éditeurs, ainsi que par le développement de la vidéo mobile.
Le premier levier de cette stratégie est le déploiement de « l’auto-play ». Lancé en 2014, cette fonctionnalité permet aux vidéos de se lancer automatiquement, sans intervention extérieure. Uniquement l’image, le son ne pouvant être activé que par l’utilisateur. Cela suffit à attirer l’œil et à accentuer l’engagement (+10% selon Facebook). Si certains utilisateurs critiquent Facebook pour cette fonctionnalité « intrusive », le groupe californien la voit comme une véritable innovation, un outil très efficace pour les annonceurs, leur donnant le moyen de raconter des histoires de manière innovante. Twitter envisage lui aussi de lancer un format vidéo « auto-play » pour les annonceurs , preuve de l’efficacité de cette fonctionnalité (et de la concurrence entre les deux réseaux sociaux sur la vidéo).
Conscient que la mesure et la qualification de l’audience générée sont des critères essentiels, notamment pour pousser les annonceurs à utiliser la vidéo sur le réseau social, Facebook avait fait suivre le lancement de l’auto-play de nouvelles fonctionnalités « metrics » spécifiques à la vidéo. Alors qu’il n’existait qu’un indicateur sur le nombre de personnes ayant commencé une vidéo, il est désormais possible pour chaque éditeur de page Facebook de suivre le nombre de vidéos vues (vues uniques et vues totales), la durée d’écoute moyenne ou encore le taux de rétention. Ces indicateurs ne sont utilisables que pour des vidéos « natives », et non pour les liens Youtube simplement postés.
Si l’auto-play et les nouveaux indicateurs sont développés à la fois sur web et mobile, la stratégie de Facebook sur la vidéo est toutefois davantage orientée vers le mobile.
En effet, le groupe de Mark Zuckerberg mise sur la pénétration et l’usage croissant des smartphones pour son développement. Avec 1,13 milliards d’utilisateurs actifs chaque mois sur mobile (+29% en un an et +86% en deux ans), 86% des utilisateurs actifs de Facebook le sont sur mobile (T3 2014). Si l’intérêt de Facebook pour le mobile est ainsi porté de fait par l’usage des socionautes, l’engagement plus fort sur mobile que sur desktop semble également motiver fortement le groupe californien, tant le besoin de monétiser l’audience mobile est pressant.
En effet, avec un CTR (Click-Through Rate ou taux de clics) des vidéos près de trois fois plus fort sur mobile que sur desktop, en moyenne 13,6% vs 5,5%, on comprend la stratégie de Facebook sur cet écran.
Aussi, en parallèle de l’auto-play développé sur desktop et mobile, Facebook propose une fonctionnalité « related videos » (ou « vidéos suggérées »). Celle-ci a d’abord été développée sur mobile avant de faire son apparition sur desktop.  Elle a pour objectif de faire découvrir un maximum de nouvelles vidéos (non postées ou commentées par un « ami »). Grâce à son algorithme Facebook propose des vidéos additionnelles, relatives à celle regardée. L’objectif étant évidemment d’accroître l’audience touchée. Là encore cette fonctionnalité ne concerne que les vidéos uploadées directement sur le réseau social, et non par exemple les vidéos Youtube postées en lien, confirmant l’ambition de Facebook de développer son activité vidéo.
Les chiffres publiés début janvier par Facebook confirment cette stratégie puisque 65% des vidéos vues sur Facebook le sont sur mobile. L’ambition d’engager ses socionautes « anywhere anytime » se réalise donc progressivement, et les annonceurs ont ainsi le champ libre pour toucher les consommateurs à tout moment sur leur smartphone.
Enfin, la stratégie du premier réseau social mondial dans la vidéo mobile, particulièrement auprès des annonceurs, se confirme également avec l’annonce de l’arrivée de chaînes vidéo pour les pages Facebook. À l’image de ce que proposent des plates-formes comme Youtube ou Dailymotion depuis longtemps, ces chaînes Facebook permettent aux éditeurs de pages de disposer d’une véritable galerie vidéo, de mettre des vidéos « à la Une » et de créer des playlists thématiques. Cette innovation est pour l’instant réservée aux pages professionnelles partenaires de Facebook mais devrait être prochainement ouverte à toutes les autres marques.
Si Facebook a  déjà ravi la première place à Youtube sur le marché des vidéos de marque, en nombre de vidéos postées et en interactions générées, cette nouvelle fonctionnalité marque davantage l’ambition stratégique du groupe.
•    Des performances vidéo en très forte hausse
L’attrait des utilisateurs pour les contenus vidéo a été confirmé par Facebook début janvier lors de la publication des résultats du second semestre 2014.
En moyenne, le nombre de vidéos postées par les socionautes Facebook a augmenté de 75% sur l’année 2014. Aux Etats-Unis, où les différentes fonctionnalités ont été développées plus tôt, on note une augmentation de 94% des posts vidéo par personne au cours de l’année écoulée. Mais la réussite des fonctionnalités développées par Facebook au cours de l’année s’observe surtout sur la présence croissante des vidéos visibles sur les « murs » des utilisateurs où l’évolution est encore plus forte : le nombre de vidéos visibles a été multiplié par 3,6 en 2014, soit +260% de croissance. Facebook relaie également les résultats d’une étude interne selon laquelle 76% des utilisateurs nord-américains utilisent Facebook comme un moyen de découvrir des vidéos. Le positionnement concurrentiel face à Youtube est désormais évident.
Le réseau détaille ses résultats en expliquant que plus d’un utilisateur actif quotidien sur deux voit au moins une vidéo par jour. En volume, au cours des six derniers mois, plus d’1 milliard de vidéos ont ainsi été visionnées en moyenne chaque jour, et 100 millions de vidéos sont désormais postées chaque mois sur Facebook. Le phénomène mondial du « Ice Bucket Challenge » viralisé sur Facebook cet été illustre parfaitement la façon dont les membres de Facebook utilisent désormais facilement la vidéo.
La stratégie du groupe de Mark Zuckerberg orientée sur le mobile se concrétise également avec 65% des vues de vidéos réalisées sur un terminal nomade (smartphone ou tablette).
De plus, spécifiquement sur le segment des vidéos de marque, on voit que Facebook a dépassé l’autre géant de la vidéo en ligne : Youtube. Déjà largement devant quant à la répartition des interactions générées par les vidéos postées (like, commentaire, partage…), c’est le nombre de vidéos postées par les marques qui est désormais plus important sur Facebook que sur Youtube (depuis novembre 2014).

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Un nouveau modèle de partenariat et le rachat d’une start-up pour accroitre le développement de la vidéo

•    Un partenariat charnière avec la NFL
Cela fait quelques temps que Facebook tente de développer des partenariats avec des acteurs de l’Entertainment : ayants-droit, chaînes TV ou personnalités. Ces dernières années, la logique du groupe californien était plus orientée second écran, tant Facebook tentait de rattraper son retard sur Twitter dans la bataille de la Social TV. Le premier dans ce sens date de 2013, avec un partenariat avec ABC sur l’émission  « Dancing With the Stars », où les performances du show sur le réseau social apparaissaient à l’antenne afin d’accentuer à la fois l’audience et l’engagement. Désormais, Facebook semble prendre le virage de l’Entertainment de façon plus directe, dans une logique plus de premier écran, pour monétiser davantage l’appétence des utilisateurs pour la vidéo.
Dernier exemple en date et partenariat le plus symbolique des nouvelles ambitions de Facebook dans la vidéo : l’accord passé fin décembre 2014 avec la NFL (la Ligue nord-américaine de football américain – sport le plus populaire outre-Atlantique). L’accord porte sur la diffusion de pastilles vidéo par le compte officiel de la NFL (principalement les meilleures images, mouvements…). Celles-ci seront accompagnées d’une bannière cliquable « presented by Verizon » au-dessus de la vidéo et seront immédiatement suivies de publicités pour l’opérateur Verizon (un des partenaires historiques de la NFL), qui payera pour cette diffusion en post-roll (l’inverse de pre-roll). Les revenus étant partagés entre Facebook et la NFL.

Un partenariat symboliquement très fort puisque la NFL a la réputation de fortement protéger ses droits et contenus, et de peu les diffuser sur des plates-formes sur lesquelles elle n’a pas la main. La ligue laisse par exemple très peu de marge de manœuvre aux chaînes TV qui diffusent les matchs et qui pourtant payent chaque saison des millions de dollars. De plus, la NFL n’a pas de chaîne Youtube.
Twitter avait lui aussi passé un accord similaire en septembre 2013, preuve là encore que sur la vidéo en ligne, Youtube n’est pas le seul concurrent de Facebook, et que l’oiseau bleu revendique également des ambitions fortes.

Aussi, avec ce partenariat avec un géant des contenus non présent sur Youtube, Facebook souhaite montrer au marché qu’il peut proposer une alternative au modèle de Youtube. Alors que la firme de Mark Zuckerberg a affirmé ne pas vouloir utiliser un modèle de revenu basé sur le pre-roll , l’enjeu est de faire venir un maximum d’éditeurs de contenus et de les amener à uploader directement leurs vidéos sur le réseau (et non plus juste de poster un lien Youtube), tout en leur assurant un revenu publicitaire.

Dans cette bataille, la force de Facebook tient notamment au fait qu’elle connait très bien ses membres : leurs intérêts, leurs sujets de discussions, etc. Ainsi, à l’inverse de Youtube où l’internaute n’est pas obligé de s’identifier pour regarder une vidéo, Facebook impose par définition cette étape, et peut donc être sûr de proposer des vidéos au bon moment à la bonne personne afin de maximiser l’audience et l’engagement.

•    QuickFire Networks, la start-up qui va permettre à Facebook de réduire ses coûts en bande passante

Conséquence de la consommation croissante de vidéos sur son réseau, Facebook a annoncé la semaine dernière le rachat de la start-up américaine QuickFire Networks, spécialisée dans l’encodage de vidéos.

Si la vidéo est vue comme un levier de croissance et de revenus, elle est aussi un centre de coûts croissant, tant les besoins en bande passante représentent une charge de plus en plus lourde au vu de toutes les vidéos mises en ligne.

QuickFire Networks est une start-up américaine qui a développé sa propre technologie permettant d’encoder rapidement des vidéos, en consommant moins de bande passante, le tout sans altérer la qualité de l’image. L’objectif est clairement d’améliorer l’expérience de ses utilisateurs autour de tout ce qui touche à la publication, notamment le temps de chargement, et à l’affichage des vidéos, principalement la qualité d’image, sur le réseau social. Les enjeux sont notamment forts dans le mobile avec l’essor de la 4G et à moyen terme de la 5G, qui vont encore plus accentuer les usages vidéo en mobilité sur Facebook.

Dans un récent communiqué, le géant californien a ainsi réaffirmé que « la vidéo constitue une part essentielle de notre activité » et expliqué « nous sommes ravis d’accueillir QuickFire Networks à notre bord et continuerons à proposer des vidéos de haute qualité à nos 1,3 milliards de membres ».

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