L'édito de Philippe Bailly

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Multicam, 360°, contenu algorithmique : la vidéo en ligne devient interactive

Comme chaque saison, le retour du télé-crochet The Voice sur TF1 est accompagné par un ambitieux dispositif numérique. En 2015, l’innovation s’est concentrée autour de la vidéo, avec l’apparition d’une option Multicam permettant de regarder des séquences musicales sous plusieurs angles. Cette nouveauté technique s’inscrit dans l’air du temps, avec de plus en plus de programmes qui se dotent de modules interactifs autour de la vidéo.

Le Contexte
Entre janvier et novembre 2014, les Français ont consommé plus de 3,9 millions de programmes TV en ligne (86% de catch-up et près de 10% de live), soit un volume de consommation en hausse de +38% par rapport à 2013 (source : Baromètre TV en ligne NPA Conseil de novembre 2014). Parallèlement à la consommation en ligne de la TV, plus de six milliards d’heures de vidéo vues /mois ont été vues sur YouTube, soit environ  12 minutes de consommation par visiteur unique par jour (Source : NPA Conseil sur données Google). Aussi, Facebook s’impose peu à peu comme une plateforme vidéo concurrente de YouTube, avec 100 millions de vidéos mises en ligne chaque mois.
Dans ce nouvel environnement numérique, de plus en plus d’offres innovantes sont proposés en vue d’accroitre la consommation vidéo en ligne. L’enjeu est de rendre interactive les vidéos pour proposer une offre à la fois alternative et différenciante à la TV. Start-up, géants du web et acteurs de la TV renforcent donc leurs investissements en cette direction : les chaînes investissent dans des dispositifs multi-caméras et les acteurs du web investissent dans de nouvelles technologies innovantes autour de la vidéo (réalité virtuelle, players vidéo interactifs).

Le Multicam libère le regard des internautes
En décembre 2014, le dispositif « Multicam » de TF1 a remporté le prix de la « fonctionnalité TV la plus innovante » de l’année lors de la cérémonie des Social Media Awards (SMA). Cette technologie interactive permet aux internautes de prendre le contrôle de caméras pour réaliser leurs propres programmes TV sur le web. Lors d’un match de football, la technique va par exemple permettre de suivre les actions d’un joueur en particulier.

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TF1 utilise désormais de plus en plus fréquemment ce dispositif en live ou en catch-up (Coupe du Monde 2014, Danse avec les Stars, The Voice saison 4) pour renforcer la dimension événementielle de ses grands rendez-vous télévisuels. Le dispositif est aussi utilisé par Canal+ et par France Télévisions dans le cadre d’événements sportifs (la technologie est systématisée dans le cadre de la Ligue 1 et du Top 14 sur Canal+, et événementielle sur France Télévisions dans le cadre de la Coupe de la Ligue ou du Tour de France).
Bien que les chaînes ne donnent pas accès à toutes les caméras, le dispositif permet à chaque internaute de composer un programme sur-mesure correspondant à ses envies du moment (la chaîne laisse toujours l’accès au montage du réalisateur).

La vidéo 360° renforce le sentiment d’immersion
La diffusion par Arte du programme Polar Sea 360° en décembre 2014 s’est accompagnée d’une  application pour smartphone et tablette incluant 9 vidéos 360° en réalité augmentée, un film 360° de 30 minutes conçu pour le web et les casques de réalité virtuelle de type Oculus Rift. La vision 360° permet aux internautes d’accéder à une nouvelle forme d’exploration, renforçant le sentiment d’immersion dans la visite de l’arctique.

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Avec l’apparition prochaine de caméras grand public filmant à 360° (Giroptic vendu moins de 500$) et aussi  d’appareils de réalité virtuelle permettant de diffuser des images 360°, la vidéo panoramique devrait être une innovation recherchée en 2015. Des sociétés de production comme Deep Inc se sont d’ores et déjà spécialisées dans la production de films 360°. YouTube devrait être la première plate-forme grand public à proposer un player permettant de diffuser ces productions d’un nouveau genre.

Les algorithmes personnalisent les contenus
La conception de clips vidéos (Coldplay, Bob Dylan, Aloe Blacc), de publicités (L’Oréal, Subaru, Shell) ou encore de programmes courts (Bref, magazines, films institutionnels, films pédagogiques, Brand Content) est en train d’être boulversée par de nouveaux players vidéos permettant de personnaliser le visionnage en fonction de choix personnels ou à partir de déterminants individuels (géolocalisation, âge, sexe, CSP, amis, goûts et centres d’intérêts, envies du moment…).

fCes vidéos interactives sont composées de multiples pistes vidéos (stockées sur une base de données) puis agencées en un seul bloc continu par un algorithme sélectionnant les contenus à partir des déterminants personnels de chaque individu. Aucune interruption sonore ou visuelle ne vient interrompre la lecture.

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Aux Etats-Unis, l’agence Interlude s’est fait un nom en devenant le spécialiste mondial de ce type de vidéo interactive.

Notre avis
Vers une plus grande objectivité de l’image
Ces dispositifs vidéo ont pour point commun d’amoindrir la subjectivité de l’image télévisuelle. Le regard du téléspectateur, traditionnellement déterminé par la réalisation, le cadrage et le montage, se retrouve en partie libéré des traditionnels partis pris éditoriaux ou artistiques.
Cette objectivité de l’image peut  être vécue par l’internaute aussi bien comme une plus-value que comme un manque de filtrage, puisque la réalisation a pour but de rendre lisible des informations. Pour résoudre ce conflit entre bénéfices-utilisateurs et saturation d’images, les éditeurs de contenus ont pour mission d’inventer des interfaces de visionnage à la fois simples, performantes technologiquement (pas de panne) et intuitives humainement. Le risque serait, en effet, de multiplier et systématiser les offres technologiques sans réfléchir suffisamment sur la pertinence et l’utilité de l’offre dans un cadre éditorial.

Vers des programmes vidéo sur-mesure
Les dispositifs interactifs permettent de transformer le spectateur en utilisateur-éditorialiste. Il s’agit là d’un changement de paradigme, puisque le vidéonaute a désormais la possibilité d’être actif face au contenu. L’engagement demandé par l’interactivité permet au vidéonaute de se déterminer en faveur d’un contenu qui corresponde au mieux à ses envies du moment, ses goûts, sa personnalité, son lieu de résidence, etc.  En même temps, le choix offre un sentiment grisant de liberté, contribuant à créer une nouvelle forme de zapping non pas d’une chaîne à une autre mais au sein d’un même programme.
Demain, les solutions algorithmiques pourront ainsi permettre de créer des programmes TV parfaitement adaptés aux individus, avec par exemple des JT personnalisés offrant automatiquement des contenus autour des centres d’intérêts de l’individu (son équipe de sport, sa passion, sa ville, ses dernières recherches sur internet). L’enjeu pour les développeurs informatiques est ainsi d’automatiser les liens entre des informations personnelles  disponibles ou qui peuvent être collectées et des contenus vidéo déjà produits ou qui peuvent être créés.

Vers un renouvellement de l’écriture vidéo
In fine, l’écriture de la vidéo est bouleversée par ces nouveaux outils. Scénaristes, réalisateurs, producteurs ou incarnants doivent désormais s’adapter à de nouveaux modèles de création prenant en compte les possibilités interactives.
Les interfaces techniques qui englobent les dispositifs doivent désormais être pensées en amont par des équipes artistiques. La technique renouvelle en ce sens l’esthétique de la vidéo, en offrant de nouvelles possibilités picturales et de nouvelles possibilités de montage (split screen, titres interactifs, choix multiples…)
A différentes échelles, tous les programmes TV peuvent être touchés par ces innovations. L’information peut devenir plus objective, le documentaire plus spectaculaire et immersif (360°), le sport et la musique plus personnalisés (Multicam). La technique ne remplacera cependant pas l’homme. Plus que jamais, face à la complexité de ces nouveaux dispositifs vidéos, l’esprit humain est requis pour hiérarchiser et rendre lisible les contenus.

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