L'édito de Philippe Bailly

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Objets connectés : une complexification croissante des circuits de distribution

lick_objets_connectesL’ensemble des circuits de distribution se positionnent pour profiter de l’arrivée des objets connectés, des GSS aux boutiques des opérateurs, en passant par de nouvelles surfaces ultraspécialisées et les géants du net qui veulent éviter les intermédiaires. Chaque canal développe des stratégies différentes. À terme, les objets connectés concerneront l’ensemble des secteurs et toutes les industries, ce qui poussera certainement des enseignes jusqu’ici absentes à vendre ces produits dans leurs rayons naturels.
Pour l’heure, l’accompagnement est nécessaire et les distributeurs doivent privilégier l’expérience client et la démonstration (concept-store, experts, coachs…). 

Les ventes d’objets connectés sont  en forte croissance et l’IDATE prévoit 123 millions de wearables vendus en 2018 dont une grande majorité de montres connectées (croissance moyenne de 70% par an). Le marché est florissant, même si aujourd’hui, pour beaucoup, les objets connectés et leurs fonctionnalités restent encore mal connus du public. Une étude GfK[1] rapporte que pour 73 % des Français, la boutique physique représente un lieu incontournable à visiter avant d’acquérir un objet connecté. Les enseignes physiques ont donc un rôle majeur à jouer pour familiariser et guider le consommateur en proposant des espaces de démonstration et en faisant preuve de pédagogie.

Les GSS poursuivent leur transformation numérique

La Fnac qui a inauguré en 2013 des espaces objets connectés dans ses 108 magasins propose aujourd’hui quelque 200 références d’objets connectés dans le domaine des montres, de la santé et du bien-être, du sport ainsi que pour les loisirs ou la maison. Les objets connectés font partie de la stratégie de diversification de l’enseigne (8% du CA au premier trimestre 2014) qui souhaite ainsi pallier le recul des ventes sur ses marchés traditionnels (disques, vidéo…) concurrencés par internet, la dématérialisation croissante et le piratage. Les résultats de 2014 sont bons et montre que la Fnac est- sur le point de réussir son pari. La Fnac dispose d’un atout majeur en étant parvenue en 2014 à jouer sur la complémentarité de son site d’e-commerce et de son réseau de magasins physiques. Les ventes omni-canales ont représenté plus d’un tiers (35%) des ventes l’an passé, contre 29% en 2013. Le 19 mars, la Fnac ouvre à Angoulême un concept-store, Fnac Connect,  entièrement dédié aux objets connectés. Le concept devrait ensuite être déployé, sur 80 à 100 m², en shop-in-shop au sein de magasins existants ou en points de vente, en ville et dans les aéroports.

Lick[2] , propose à travers ses 17 boutiques spécialisées, des lieux de découverte et de vente spécifiquement conçus pour accompagner le développement de chaque objet connecté. Les différentes catégories sont représentés (santé, domotique, loisir, textile, montre, jouets etc..). Selon le PDG fondateur Stéphane Bohbot, la high tech reste sous-représentée en termes de canaux de distribution dédiés. L’objectif de Lick est d’avoir des espaces de vente de 100 à 200 mètres carrés dédiés à ces nouveaux univers avec des vendeurs qui accompagnent et sont capables de faire la démonstration des produits en magasins. Le groupe a inauguré il y a peu le plus important magasin de la chaîne, dans le quartier de la Défense. Ce 1er réseau de distribution dédié exclusivement à l’Internet des Objets va permettre aux principaux acteurs (des partenariats ont été signés avec avec Apple, Nokia, Samsung, Sony, Microsoft, LG, HTC, Huawei et Wiko) d’utiliser un nouveau canal de distribution pour mettre en avant leurs nouveaux produits mais également leurs gammes de Smartphones qui restent le premier point d’entrée dans l’Internet des objets. Le réseau est également important pour les startups innovantes qui peinent à trouver une exposition satisfaisante dans les circuits de distribution traditionnels. Lick a donc pour vocation de servir de relai commercial mais souhaite également assumer un rôle d’incubateur d’idées pour ensuite proposer certains objets inédits ou introuvables ailleurs.

Du côté des GSA, Auchan expérimente le financement participatif autour des objets connectés avec un partenariat avec la start-up Quirky pour lancer la fabrication et la commercialisation d’objets imaginés par les consommateurs et validés par un panel d’internautes.

  • Forces : Les bons résultats des grandes enseignes spécialisées sont encourageants pour le développement des ventes d’objets connectés. GfK estime que leur démocratisation passe par une distribution dans enseignes reconnues par les consommateurs. Les équipes de vente représentent un atout essentiel pour faire œuvre de pédagogie auprès du public. Le très bon maillage du territoire est également important. La Fnac dispose ainsi de 108 magasins en France.
  • Défi/faiblesses : On pense plus à la pharmacie qu’à la Fnac pour acheter une balance ou un tensiomètre. De la même manière, on se dirige naturellement vers Décathlon ou Go Sport pour acheter un équipement sportif. Les objets connectés pourraient donc rapidement trouver une place naturelle dans les différentes GSS jusqu’ici très éloignées de l’univers technologique, comme les magasins de sport, les jardineries ou les pharmacies. Mais dans le cas où chaque enseigne vendrait des objets connectés liés à son secteur d’activité la question du positionnement exacte des nouvelles enseigne spécialisées ou des Corner ou rayons dédiés aux objets connectés pourrait être posée.

Le positionnement des opérateurs télécoms

Les opérateurs télécoms qui disposent d’un réseau de distribution physique étendu sur tout le territoire (1200 boutiques en France pour Orange contre environ 900 pour SFR et 650 pour Bouygues Telecom) sont aujourd’hui légitimes sur le marché de la distribution des objets connectés, des nouveaux produits high-tech dont la majorité restent encore intimement  liés aux téléphones intelligents qui occupent les vitrines de leurs boutiques. La mise en avant de ces nouveaux objets accompagne naturellement les stratégies de diversification des opérateurs télécoms vers la maison connectée ou la e-santé avec le lancement progressif de nouvelles offres pour les abonnés. Stéphane Richard, PDG d’Orange a annoncé lors de la présentation de la stratégie du groupe pour les 5 prochaines années, « Essentiel 2020», que l’opérateur historique souhaitait transformer 20% de ses boutiques en « Smart store », organisés par univers (maison, travail, bien-être) et proposant une gamme complète d’objets connectés. Certaines boutiques seront même requalifiées de « mégastores » avec des espaces de test de produits identiques à ceux proposés dans les Apple Store. Du côté de SFR-Numéricable et Bouygues Telecom, même si le nombre de boutique a diminué ces dernières années, le déploiement de «corners» dédiés aux objets connectés représente également un axe stratégique.

  • Forces : Les opérateurs sont naturellement associés aux objets connectés en raison d’une image technologique très forte et de liens intrinsèques avec le smartphone et les box, véritables hub des objets connectés. Leur légitimité repose également sur leurs nouvelles offres domotiques, Homelive pour Orange, Home pour SFR ou Smart Grid pour Bouygues Telecom qui permettent de piloter la maison connectée et intègrent de nouveaux objets reliés entre eux et pilotables à distance. De plus, les stratégies d’Open innovation et d’accompagnement des start-ups positionnent les opérateurs comme un maillon important de la nouvelle chaîne de valeur de l’Internet des Objets. Ils sont désormais positionnés pour assurer un rôle de pédagogie et d’accompagnement du public y compris dans leurs boutiques physiques.
  • Défi/faiblesses : Les opérateurs ne sont pas forcément légitimes sur tous les segments de l’univers des objets connectés : si leur positionnement sur le divertissement, les wearables et la domotique sont naturels, il reste encore à convaincre le public qu’ils peuvent également être associés à la santé ou aux secteurs de la banque et de l’assurance par exemple.

 Les géants du net souhaitent eux aussi distribuer des objets connectés

Amazon (N°1 mondial de l’e-commerce) a lancé une section dédiée aux objets connectés sur son site avec plusieurs boutiques pour les différents univers : jardin, météo, lumière, santé, sport, montres. Les objets sont classés soit par thématiques soit par marque (Fitbit, Samsung). Le groupe de Seattle a également mis à disposition un learning center pour permettre aux moins expérimentés de comprendre le fonctionnement des objets connectés (le service n’est pas disponible en France). Les rumeurs d’un rachat d’une partie des boutiques de RadioShack (enseigne de hi-Tech qui a fait faillite récemment) sont par ailleurs persistantes. Une présence physique qui permettrait à Amazon d’exposer physiquement ses propres produits connectés (Kindle fire, FirePhone, FireTV) inaccessibles aujourd’hui ailleurs que sur le site internet.

Google se rapproche du consommateur en annonçant l’ouverture d’un site marchand Google Store dédié à la vente des objets connectés, smartphones et ordinateurs compatibles avec son écosystème (Chrome, Android, Android Wear, Nest) et distinct du Google Play Store qui se limite désormais aux contenus (apps, musique, vidéos…). Dans le même temps, le premier magasin physique géré par Google ouvre ses portes à Londres et deux autres sont annoncés pour 2015. Le magasin londonien est bien sûr un lieu de vente, mais aussi de démonstration et d’éducation aux nouvelles technologies même si Google cherche avant tout à valoriser les produits liés à son écosystème Android.

Apple qui réalise 90% de son CA sur le matériel physique, porte une attention particulière à son circuit de distribution. Le premier Apple Store a ouvert en France dès 2009 et on dénombre aujourd’hui 400 boutiques dans une quinzaine de pays. Avec le lancement de l’Apple Watch, les magasins sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important. Apple a en effet décidé une distribution particulière pour son nouveau produit. Après avoir progressivement retiré tous les wearables proposés par ses concurrents dans les Apple Store (bracelets Fuelband de Nike, Fitbit, Jawbone), l’Apple Watch sera vendue dans un premier temps en quasi exclusivité dans ses propres magasins. Certaines boutiques de « luxe » triées sur le volet seront associées mais il n’existe en revanche toujours aucune date pour la mise à disponibilité de l’objet chez les opérateurs télécoms et les grands distributeurs. Apple souhaite donc contrôler directement la vente de sa montre ce qui lui permettra d’assumer seul les efforts de pédagogie et de formation des consommateurs. Avec les wearables, le rapport de force est différent que dans l’univers des smartphone où les abonnements et les subventions positionnent les opérateurs comme des interlocuteurs privilégiés.

 

  • Forces : Les géants du net veulent proposer une vitrine de leurs propres produits et profiter de leur force de frappe marketing. Le succès des Apple Store et leur maîtrise de l’expérience utilisateur représentent un véritable atout. Google, qui a dépassé la barre du milliard de smartphones vendus fonctionnant sous Android et qui domine l’écosystème wearables avec l’OS Android Wear, et qui arrive avec de fortes ambitions dans la maison connectée (acquisition de Nest) se positionne naturellement sur la distribution directe des objets connectés.
  • Défi/Faiblesses : Apple restreint d’emblée la distribution à ses propres produits tandis que Google et Amazon n’ont pas de véritable présence physique et ne peuvent comme Apple s’appuyer sur des objets suffisamment emblématiques pour attirer le public dans de nouveaux espaces commerciaux.

[1] http://www.lesnumeriques.com/objet-connecte/gfk-2014-objets-connectes-nouvel-eldorado-high-tech-n39195.html

[2] http://www.channelemea.com/spip.php?article33703

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