L'édito de Philippe Bailly

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Les stratégies numériques des médias entrent dans l’âge de raison

Moins expérimentales, plus structurées et mieux maîtrisées, les stratégies éditoriales des médias vont, en 2016, leur permettre d’imposer leurs voix dans un monde numérique toujours plus central.

Le rendez-vous du prime-time en phase de marginalisation

Entre 20h et 23h, le nombre de téléspectateurs de 15 à 34 ans est passé de 4,1 millions en 2012 à 3,9 millions en 2013, 3,8 millions en 2014 et finalement 3,4 millions en 2015 selon Médiamétrie, soit une perte de 734 000 jeunes en trois ans (-21%). Parmi l’ensemble des 15-24 ans, seuls 15% regardent en moyenne la TV le soir (contre 35% pour l’ensemble des Français).

Evolution du nombre de Français (en milliers) regardant la TV entre 2012 et 2015

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Sources : NPA Conseil sur données Médiamétrie / Insee – Pyramide des âges 2015

Malgré ce contexte défavorable, les contenus TV demeurent attractifs sous de nouvelles formes : Replay, OTT ou piratage. En 2015, 52 programmes ont généré plus d’un million de téléspectateurs en audiences +7, un record. Le processus de délinéarisation de la TV entamé depuis une dizaine d’années va donc encore se renforcer en 2016, en créant une offre télévisuelle duale mi hertzienne mi OTT.

La distinction entre web et TV perd de son sens

De fait, le mode d’organisation traditionnel des médias séparant les activités numériques des activités traditionnelles ne fait plus sens. A l’heure de Netflix, produire en vue de diffuser sur un canal numérique exige un niveau de qualité aussi important que celui de la TV, même si les règles d’écritures et de réalisation peuvent muter.

Vidéo 4K, HD, 3D, 360° ou encore interactive : la qualité de visionnage offerte par les nouveaux players vidéo n’a plus rien à envier à celle de la TV. D’autant que ces players adaptent leurs qualités d’image à la vitesse des réseaux et leurs images à une diversité d’écran.

Pour rivaliser avec l’ingéniosité des grands acteurs du numérique comme Google, Facebook, Amazon, Apple ou Netflix, les médias vont encore renforcer leurs investissements technologiques en 2016 afin de se doter de moyens de diffusion OTT adaptés aux nouveaux besoins : haute qualité d’image et de son, fluidité du visionnage, diffusion Chromecast, applications pour mobile, consoles de jeux ou casques de réalité virtuelle optimisés, contenus produits pour l’international en vue d’une diffusion OTT, création d’espaces « premium », etc.

Algorithmes et expertises éditoriales se conjuguent

Parce que le numérique est toujours plus stratégique, les médias devraient peu à peu sortir le secteur de sa niche. Les divisions numériques, traditionnellement destinées à créer des sites et application et à animer les réseaux sociaux, devraient se voir confier de plus en plus de missions de diffusion des contenus en OTT.

Dans cette optique l’enjeu sera cette année de continuer à optimiser les plateformes MyTF1, Pluzz, My Canal, 6Play ou Arte+7 afin de les rendre toujours plus indispensables. Pour y parvenir M6 a déjà investi en 2015 dans la conception d’un algorithme permettant de personnaliser les contenus TV proposés sur son site et TF1 a rénové son site afin de fusionner toute l’offre de contenus de son groupe et proposer un système de navigation inspiré de celui de Netflix.

2016 devrait permettre aux médias de passer le cap de l’expérimentation en mettant en place de véritables stratégies de programmation TV adaptées à l’heure du numérique. Pour y parvenir, il faudra créer des algorithmes plus performants en améliorant la récolte et l’analyse des données personnelles et, d’autre part, renforcer l’expertise éditoriale des divisions web afin d’optimiser les consommations de contenus OTT (plus de contenus vus, plus de temps sur ces plateformes, plus d’individus en se déployant dans toute la francophonie).

La logique de marque au secours de la logique expérimentale

Jusqu’à présent, le numérique a aussi apporté un vaste terrain de jeux aux médias, présentant de nombreux contenus ambitieux et applaudis mais dénués de succès public. Pour renverser la situation, les marques médias ont commencé à construire des « silos » regroupant des contenus au travers de marques thématiques transverses mélangeant contenus TV et contenus web : information, sport, humour, fiction, éducation, jeunesse, science, geek, cinéma, culture, musique…

Inspirées des logiques du web et de la presse (réseaux multichaînes de YouTube, sites internet des grands groupes médias), ces marques transverses visent à présenter des contenus selon une logique d’affinité personnelle plutôt que de l’affinité à la marque-média. Les marques web transverses présentent aussi l’intérêt de pouvoir donner de la puissance à des nouveautés. Dans la continuité du travail des années précédentes, 2016 devrait permettre à certaines de ces marques de mieux s’installer, contribuant ainsi à mettre en place de nouvelles habitudes de consommation TV.

Parallèlement, les réseaux sociaux et YouTube serviront de portes d’entrée vers ces contenus en alertant des diffusions TV et diffusions OTT. La montée en puissance de la consommation de vidéos sur ces réseaux devrait favoriser les médias audiovisuels, en permettant d’accompagner les contenus TV tout au long de l’année à l’aide de vidéos teasers, extraits, interviews, reportages, periscope (vidéos en direct dans les coulisses), 360°, etc.

De nouveaux terrains de jeux

Convergence numérique oblige, les médias TV, radio, presse, ainsi que les industries du cinéma, de la musique, de l’animation et du jeu vidéo vont continuer à se rapprocher, soutenus par les annonceurs. En 2016, les médias devraient donc continuer à déployer de nouvelles créations évoluant à la frontière des genres.

Annoncée comme une révolution pour le monde du jeu vidéo et de l’informatique, les casques de réalité virtuelle et la vidéo 360° pourraient notamment intéresser les médias, que ce soit pour des opérations promotionnelles créatives, pour faire vivre l’information différemment ou pour créer des œuvres inédites. L’essor des ventes de consoles ou de produits connectés (incluant les nouvelles voitures et les nouveaux transports), offriront également toujours plus d’options permettant de distribuer les contenus médias.

A bien des égards 2016 devrait donc marquer l’entrée des médias dans un « âge de raison » numérique, faisant moins de place à l’expérimentation au profit de plus de rationalité, afin d’imposer le numérique comme un canal utilisable par tous.

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