L'édito de Philippe Bailly

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Une année charnière dans la lutte contre les adblocks

Les résultats d’utilisation d’adblock dans le monde publiés par PageFair et Adobe à l’été 2015 ont créé un véritable séisme dans le secteur de la publicité digitale. Editeurs, annonceurs, régies, agences, tous sont concernés et espèrent réussir à contrer le phénomène en 2016.

Explosion des bloqueurs de publicité

cSelon PageFair, spécialiste anti-adblock, et Adobe, on compte 198 millions d’utilisateurs actifs de ce type de service dans le monde, un chiffre en hausse de 41% sur un an et en croissance sensible depuis 2 ans. Avec 77 millions d’utilisateurs mensuels actifs, leur implantation en Europe est forte : bond des usages de +82% au Royaume-Uni, plus du tiers des internautes grecs et polonais en utilisent. Ils sont 10% en France. Dans les faits, environ 30% des publicités sont bloquées en Pologne, Russie, Finlande et Allemagne, quand ce chiffre dépasse les 33% en Suède.

 Pertes de revenus et d’audiences

L’impact économique des bloqueurs de publicité est édifiant : le manque à gagner pour les éditeurs s’élèvent selon PageFair et Adobe à 21,8 milliards de dollars en 2015, soit l’équivalent de 18% du total des investissements digitaux. Il pourrait dépasser 41 milliards dès 2016 et représenter 30% des dépenses publicitaires digitales. De plus, depuis la décision d’Apple d’intégrer des extensions d’adblocking dans son navigateur Safari sur iPhone et iPad, le mobile est lui-aussi concerné, soulevant de nombreuses inquiétudes pour un marché en expansion, pilier de la croissance du digital. A termes, l’impact des adblocks pourraient remettre en cause l’économie de l’accès gratuit aux contenus, grâce au financement par la publicité.

Cette montée en puissance des adblocks est également problématique pour la mesure de l’audience des sites. Car en même temps que les publicités, des tags de mesure d’audience d’instituts tiers, tels Médiamétrie, ComScore ou Google Analytics, ainsi que des cookies de tracking des données utilisateurs se retrouvent bloqués. Le préjudice en termes de valorisation des sites et des contenus sur PC et mobile est donc important. Par défaut, les bloqueurs sur desktop sont plus ouverts vis-à-vis des outils de mesure et de tracking. L’utilisateur peut selon son bon vouloir les renforcer. Sur le mobile, les éditeurs de logiciels d’adblocking ont adopté une attitude plus restrictive, qui a notamment amené Apple à retirer certaines applications de son AppStore : celles qui utilisent des certificats d’authentification racine qui leur permettent d’inspecter l’ensemble du trafic sur iPhone et iPad, y compris les applications, et ainsi de bloquer la diffusion de publicités in-apps. L’explication officielle étant le risque d’entrave à la sécurité et à la protection des données personnelles, lié à cette surveillance de l’ensemble des connections et du trafic, notamment privés et sécurisés.

Réussir à contrer les adblocks

L’objectif des parties prenantes est de stopper non seulement la croissance des téléchargements et d’utilisation de logiciel d’ad-blocking, mais également de réduire le nombre de leurs utilisateurs.

La voie juridique n’a pour l’instant pas porté ses fruits. En effet, la décision rendue en avril 2015 par le Tribunal de Hambourg, suite à une plainte déposée par un groupe d’éditeurs à l’encontre d’Eyeo GmbH, l’éditeur d’AbBlock Plus, le logiciel de blocage le plus célèbre. Les magistrats ont mis en avant la liberté pour les utilisateurs de contrôler ce qui s’affiche sur leur écran d’ordinateur.

Les éditeurs développent différents types de stratégies : en sensibilisant les internautes à la problématique du rôle de la publicité dans l’accès aux contenus gratuits, Skyrock s’adresse ainsi à sa cible de prédilection, jeune et fortement utilisatrice d’adblock ; en interdisant l’accès aux contenus dans le cas où l’internaute n’a pas désactivé l’adblock, les retours d’expérience de Canal+, de L’Equipe, du magazine allemand Bild sont positifs. L’initiative fait florès, ainsi, le Groupement des éditeurs de services en ligne invite ses membres à bloquer leurs lecteurs utilisateurs d’ad-blocks durant une semaine début 2016.

Les « publicités incitatives » (incentivized ads) sont progressivement mises en place par les éditeurs et les marques. Certains annonceurs estiment qu’une approche directe pourrait avoir de meilleurs résultats que les formats publicitaires traditionnels, considérés comme intrusifs par les internautes. Par exemple, Le Parisien a initié en Octobre 2015 un format obligeant l’internaute à répondre à un questionnaire pour accéder à un article[1]. Des gains peuvent également être proposés, à l’image de ce qui est pratiqué par les éditeurs de jeux mobiles sur les réseaux sociaux : gagner plus de vies ou d’armes grâce au visionnage de publicités. Des marques et des éditeurs s’associent à des sites spécialisés dans ce type d’activité pour développer des campagnes : le service de vidéo Crackle de Sony ou encore Hulu ont fait ainsi fait appel à Zoombucks pour générer de l’audience sur des séries (Dilbert et The Real Ghostbusters) ou des téléchargements d’application mobile.

aMoins intrusives, considérées comme des contenus par les bloqueurs, les publicités natives, grâce à leur immersion naturelle dans les flux de contenus, semblent représenter pour beaucoup la panacée. Des éditeurs et des régies préviennent toutefois qu’elles ne peuvent représenter l’unique solution aux adblocks et ne sont pas adaptées à tous les sites, le risque étant de remettre en cause le contrat de lecture et saper la confiance de l’utilisateur face à la crédibilité du titre. Ce qui peut être toléré, accepté pour des sites tels BuzzFeed ou Melty (dont la majeure partie des revenus provient de la pub. native), ne l’est peut-être pas ou dans une moindre mesure sur des sites d’informations par exemple. De plus, il importe de ne pas coder les contenus de native ads comme des publicités, sinon ils seront bloqués, au détriment de l’annonceur.

De son côté, l’IAB a lancé un programme de réflexion pour inciter au développement de publicités LEAN (Light, Encrypted, Ad choice supported, Non-invasive), c’est-à-dire des formats plus qualitatifs et responsables[2].

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[1] Cf. Flash du 21/10/2015 : « Nouveau dispositif de qualification des audiences du Parisien »

[2] Cf. Flash du 21/10/2015 : « L’IAB souhaite responsabiliser la publicité digitale »

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