L'édito de Philippe Bailly

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2016 : une année charnière pour Nest

Après l’acquisition de Nest en janvier 2014 (pour 3,2Mds de dollars) et celle de Dropcam en juin 2014 (550M de dollars) venue élargir la gamme de produits Nest, Alphabet perdrait patience et ne se satisferait plus des résultats de sa filiale domotique estimés à 340M$ en 2015. Nest, dont les résultats sont dilués dans l’entité « other bets »[1], n’a pas sorti un seul nouveau produit depuis son acquisition se contentant de mettre à jour ceux déjà existants.

  • Nest dans la tourmente : le reflet d’une industrie qui peine à s’imposer ?

Lors de son acquisition, Google aurait négocié avec Nest des revenus minimum de 300M$ dès la première année en échange d’un budget de 500M$ les trois premières années. Mais ce n’est qu’après l’acquisition très importante de Dropcam, acteur déjà bien établi, et deux années d’exercice, que Nest est parvenu à atteindre cet objectif. En outre, c’est le management interne qui est pointé du doigt depuis plusieurs mois, avec notamment le départ de Greg Duffy, directeur de Dropcam, 8 mois seulement après l’acquisition de sa société. Ce dernier, en désaccord avec Tony Fadell co-créateur de Nest, vient tout juste de déclarer regretter la vente de sa société. Le turn-over est aussi très important chez les cadres qui quittent la société ou rejoignent d’autres activités au sein du conglomérat. Selon des déclarations d’anciens employés, ce turn-over s’explique par un management jugé « tyrannique » de Tony Fadell et des freins importants à l’innovation. C’est donc, à l’approche de la renégociaiton du budget et de la libération des clauses (à la fin de l’année 2016, les employés auront la possibilité d’échanger leurs actions contre de l’argent) que Nest se retrouve dans la tourmente.

  • Un changement de management et/ou une dilution des activités

Une vente pure et simple de la filiale Nest serait un aveu d’échec. Mais il semble aujourd’hui clair qu’Alphabet cherche à rationnaliser ses coûts et Nest n’est pas à l’abri d’une révision de son budget, voire même d’une revente partielle de ses activités. Le géant de  Moutain View est capable de se séparer de certaines de ses acquisitions peu rentables à court terme comme le montre les cas de Motorola ou plus récemment de Boston Dynamics.

Parmi les scénarios envisageables, le plus probable est un changement de direction pour remplacer Tony Fadell vivement critiqué, et qui aurait du mal à s’imprégner de la culture maison et a accepté la compétiton interne (Google vs Nest) au sein d’Alphabet. A sa décharge, la stratégie de la nouvelle entité n’est pas limpide sur le segment des objets connectés. On peut également imaginer une dilution des activités de Nest qui perdrait ainsi sa place privilégiée au centre de la stratégie smarthome du groupe. Ceci laisserait la place, par exemple, à d’autres projets comme le OnHub présenté par Google l’été dernier. Autre signe de la mise à l’écart de Nest, ou du moins de la volonté de Google de démultiplier ses efforts sur la smart home : une information dévoilée récemment par « The Information », qui indique que Google préparerait un nouveau produit, inspiré de l’Amazon Echo (« Google Voice Recognition device ») et aurait refusé de confier le projet à Nest, préférant internaliser le développement. Pour plus d’informations sur ce produit, il faudra certainement attendre la conférence I/O à la mi-mai.

  • 2016, une année charnière pour Nest

Cependant, Nest fait preuve de nouvelles ambitions en annonçant travailler au lancement d’un kit domotique dédié à la sécurité avec comme centre nevralgique un hub Wi-Fi baptisé « Flintstone » (qui ressemblerait au OnHub de Google) qui doit permettre aux objets Nest (ainsi qu’à des objets tiers via le protocole Thread[2]) de communiquer entre eux. Pour compléter le dispositif, Nest proposerait des capteurs nommés « Penna » qui détecteront l’ouverture des portes et fenêtres. Nest réfléchirait également à la commercialisation d’autres capteurs de présence sous le nom de code « Keshi » mais les détails sont pour l’instant très limités. Tous ces projets que certains considèrent comme mort-nés, tant l’innovation et l’ouverture seraient bridés au sein de la filiale (le projet Flintstone serait dans les tuyaux depuis 3 ans mais n’aboutirait pas à cause de changements récurrents de roadmap), pourraient donner une seconde vie à Nest qui a maintenant besoin de générer des revenus et donc de vendre ses produits. La sécurité, segment de marché le plus lucratif au sein de la domotique, est certainement une direction à creuser.

Plus largement, une partie des problèmes rencontrés par Nest est symptomatique de l’industrie de la maison connectée qui peine à se structurer et à bâtir un véritable écosystème ouvert et interopérable. Il ne faut cependant pas négliger l’initiative de Nest avec son programme « Work With Nest » lancé en juin 2014 et qui commence à prendre de l’ampleur, notamment depuis l’ouverture de son protocole applicatif Nest Weave en octobre 2015. Nest a pris acte qu’aucune entreprise ne pourrait concevoir tous les objets connectés de la maison, et les deux annonces de l’arrêt de la commercialisation des hub Revolv pour concentrer les efforts des équipes sur le programme « Work With Nest », et l’intégration de l’assistant vocal d’Amazon pour contrôler les objets par la voix, sont des signes encourageants pour Nest.

Infographie : historique de la société
info

(source: NPA Conseil)

[1] Google Fiber, Calico, Nest, Verily, Google Ventures, Google Capital, Google X, Sidewalk Labs : 327M de revenus en 2014 et 448M en 2015 (et de très lourdes pertes).

[2] Pour rappel, Thread est un standard ouvert, sans paiement de redevances et considéré comme idéale pour la mise en place de réseaux radio maillés résidentiels basse consommation.

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