Muriel Barnéoud – PDG de Docapost
Pour lancer cette table ronde, Muriel Barnéoud a été invitée à se prononcer sur le développement du Hub Numérique et du positionnement de la Poste. La plate-forme présentée en janvier 2015 à l’occasion du CES se décline sous la forme d’une application qui permet le pilotage universel de tous les objets et services connectés.

La proposition de valeur du hub numérique vient donc s’appuyer sur ces problématiques de rendre les individus maîtres de l’accès à ces objets et de permettre aux entreprises qui viendront apporter la couche servicielle d’avoir cette garantie d’un consentement explicite des utilisateurs. Concernant les premiers partenaires, La Poste compte déjà quelques grands noms dans ces rangs : Legrand, Atol, BNP Paris Bas mais aussi de nombreuses start-ups.
Interrogée sur la différence du hub « numérique » avec la plate-forme d’Orange présentée juste avant lors de la keynote de « Mari-Noëlle Jégo-Laveissière », Murielle Barnéoud admet que les deux conceptions sont assez proches et qu’il y a donc de la place pour ce type d’initiative. Convaincu qu’il y a une vraie appétence du marché pour quelque chose de différent (de ce que proposent les GAFA), il faut néanmoins un service qui vienne résoudre une problématique pour l’utilisateur final (le « pain point »).
Les premières verticales identifiées sont la protection de la maison et les problématiques de santé mais qui ne s’adresse pas pour l’instant au grand public. Selon le PDG de Docapost, l’essentiel de la révolution de l’internet des objets réside dans la récurrence relationnelle avec l’usager. Pour prendre l’exemple de la voiture, la relation de confiance est la même. Il ne s’agit pas seulement d’être propriétaire du véhicule ; si le fabricant sait comment je l’utilise avec mon consentement, il parviendra à rentrer dans un univers de service qui est pertinent.
Vincent Costet – Directeur Stratégie et Planning Marketing de BMW

- Niveau 1– aujourd’hui : véhicule semi autonome, sur nouvelle série 7 sortie fin année dernière. Ce véhicule agira de manière autonome sur 2 axes : direction et allure avec contrôle permanent du conducteur
- Niveau 2 – début 2020 : véhicule hautement autonome avec délégation de conduite où le conducteur pourra ne plus surveiller en permanence la circulation mais devra toujours être derrière le volant pour reprendre la main
- Niveau 3 – 2025-2030 : complétement autonome, le conducteur est un passager comme un autre où il n’y a même plus de conducteurs à bord. Le véhicule se gare tout seul et est capable de rouler dans un environnement urbain avec beaucoup plus d’aléatoire que sur autoroute.
Interrogé également sur la collaboration avec Apple et Android, le directeur de la stratégie de BMW considère simplement que c’est une façon de répondre à certains besoins du client qui souhaite retrouver les interfaces mobiles sur son écran de bord. Les constructeurs proposent déjà de multiples interfaces où finalement on retrouve à peu près toutes les fonctions proposées par Apple et Google (la navigation, la téléphonie embarquée et la musique). Cette collaboration se limite donc à l’infotainment à bord du véhicule. A noter que BMW se positionne aussi comme prestataire de service en proposant à leurs clients plusieurs fonctionnalités payantes (diagnostique, infotainment, info-traffic, conciergerie, etc.).
Les constructeurs reprennent la main sur la deuxième grande étape du véhicule connecté qui va être le développement des véhicules autonomes. C’est pour cela notamment que BMW a choisi de racheter avec d’autres constructeurs Allemand, la société « Here », qui va devenir le maitre d’œuvre d’une plate-forme cartographique en temps réel, futur guide des véhicules autonomes. Le véhicule va remonter de l’information, qui sera ensuite compilée et redistribuée aux autres véhicules, et tout cela en temps réel. Cette initiative est ouverte à d’autres constructeurs, qui permettra d’enrichir la valeur d’usage par effet de réseau. Ce système est appelé « Horizon électronique » (celui que le conducteur ne voit pas mais que la voiture connaît déjà).
Sur l’aspect communication véhicule-domotique, Vincent Costet a évoqué sa collaboration avec Deutsch Telekom en Allemagne avec l’application BMW Apps qui permet de définir des scénarios à partir de la position GPS du véhicule. Parmi les innovations qui vont dans ce sens, on retrouve également la plate-forme « Open Mobility Cloud » conçu avec Microsoft et qui permet à plusieurs fournisseurs de services de venir se greffer à la plate-forme. Le but étant d’interfacer tous ces services pour faciliter la mobilité.
Raphaël Gorgé – Président Directeur Général du Groupe Gorgé

Interrogé ensuite sur le développement de la robotique humanoïde, le PDG du groupe répond que ces dernières années nous avons assisté à un tel progrès en matière d’algorithmes, de mécanique et de software, à l’image des dernières démonstrations de Boston Dynamics, que le robot humanoïde présente un véritable intérêt. En effet, il peut assister les soldats sur le champ de bataille notamment dans le transport de charges lourdes ainsi que pour porter assistance, et tout particulièrement sur terrain accidenté, chose qui était difficilement concevable pour le moment avec les robots terrestres dotés de roues ou de chenilles.
Questionné enfin sur la possibilité de facturer des imprimantes 3D ou des robots, non pas comme des biens, mais comme des services, le PDG du groupe admet que c’est un modèle qui n’est pas appliqué par son groupe, même si cela existe pour certaines applications telles que les robots sous-marins pour lesquels peut être vendue la journée d’exploitation ou la collecte de données et non pas le robot qui a permis cette collecte.
Xavier Basset – Fondateur d’Hoomano

C’est donc le robot qui prend l’initiative de l’échange pour guider l’homme à travers les scénarios. L’intelligence artificielle reste le socle de la brique technologique utilisée dans ces nouvelles interfaces pour faciliter l’interaction. Mais au-delà de la compréhension du langage naturel, il y a la reconnaissance de forme, les stimulis, etc. qui facilitent des interactions d’un nouveau genre. Ces innovations sortent donc progressivement des laboratoires du monde de la recherche, notamment grâce à des projets industriels (Aldebaran racheté par Softbank, Buddy de Bluefrog ou encore le projet d’Asus) mais la promesse reste sur le B2C, pour que le robot devienne l’interface ultime, très personnalisée et très intime. Pour cela il faut réfléchir à d’autres business model (privacy by design) pour créer un univers de confiance. Le modèle prédictif sera accepté par l’utilisateur car il sera en confiance (différent du modèle prédictif qui s’appuie sur un service qui monétise nos données).
Christophe Vattier – Président de Bubbles

Au-delà de l’objet connecté, ce qui est important selon le président de Bubbles, est la notion de plateforme. Les 2 facteurs-clés pour le développement d’une plateforme sont : son nombre d’utilisateurs ainsi que les « killers services » c’est-à-dire une fonctionnalité qui va faire que le grand public adoptera massivement le service, attirant ainsi de nouveaux partenaires professionnels. Outre-Atlantique, ainsi qu’en Chine, la plateforme est déjà pensée de façon mondiale, les investisseurs estimant que la plateforme ne pourra percer qu’avec l’apparition d’une « killer app » ou d’un killer service qui attirera de très nombreux utilisateurs. En Europe, au contraire, la mentalité fait que l’on raisonne sur la construction d’une plateforme uniquement à l’échelon local et pas assez mondial.
Interrogé plus en détail sur cette notion de « killer service », Christophe Vattier explique deux manières d’approcher ce problème :
- L’approche consistant à chercher par soi-même ce fameux « super-service »
- L’approche suivie par Samsung, Apple, Amazon : faire confiance à l’intelligence collective. Ces entreprises rendent les choses possibles, notamment par des magasins de services (des « stores » de services), pour que d’autres puissent développer des services. Il y aura ainsi une multitude de services créés par cette intelligence collective, et c’est le marché qui décidera lequel sera le « killer service ». Le président de Bubbles fait alors allusion à l’adage « il y a ceux qui cherchent l’or et ceux qui font les pelles ». Selon lui, les GAFA se positionnent sur le « marché des pelles » qui est en fait le plus rentable et laissent la « quête de l’or » aux autres.
Interrogé par la suite sur le modèle économique de Bubbles Company, Christophe Vattier raconte la difficulté avec laquelle son entreprise a eu des difficultés pour séduire les professionnels au premier abord. En effet, lorsque la société a commencé à proposer gratuitement ses bubbles dans les bars, ces derniers étaient amenés à payer uniquement lorsque celles-ci étaient utilisées par les clients. Par peur de devoir payer une forte somme en raison du probable succès des bubbles, les propriétaires de bars se sont montrés très réticents à ce modèle économique, forçant ainsi l’entreprise à opter pour un nouveau modèle d’abonnement mensuel actuellement en place. Cependant, ce modèle de souscription sera transitoire pour Bubbles puisque son président tient véritablement à son idée initiale : une fourniture de services où la facturation ne dépend uniquement que de la consommation. Selon lui, c’est le seul modèle où les professionnels de la restauration peuvent être véritablement gagnants, incitant la clientèle à la consommation dans leurs établissements, notamment grâce à l’application mobile développée.