L'édito de Philippe Bailly

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Imprimantes 3D, robotisation, M2M… : De l’objet connecté à l’optimisation de service

Muriel Barnéoud – PDG de Docapost

Pour lancer cette table ronde, Muriel Barnéoud a été invitée à se prononcer sur le développement du Hub Numérique et du positionnement de la Poste. La plate-forme présentée en janvier 2015 à l’occasion du CES se décline sous la forme d’une application qui permet le pilotage universel de tous les objets et services connectés.

 MurielLe « Hub numérique » bénéficie de la démarche rigoureuse, neutre et certifiée de la Poste lui valant une confiance naturelle et historique de ses clients. Par ailleurs, le PDG de Docapost a insisté sur l’aspect agnostique de la plateforme, tant du point de vue de la connectivité que du type d’objet connecté. Pour illustrer son propos, Muriel Barnéoud a pris l’exemple de la sacoche du facteur dans laquelle on peut retrouver en même temps un relevé de compte Crédit mutuel, de la Banque Postale, etc. car aucun ne peut se payer un facteur à lui tout seul et tous ces acteurs sont convaincus de la neutralité et de la confiance qui peut être accordée à cet acteur tiers. Dans un univers qualifié de « post-Gafa », dans le sens d’une alternative en termes d’organisation plutôt que de remplacement, Muriel Barnéoud a souligné l’importance de la protection des données pour le consommateur, surtout quand ces données peuvent être très sensibles (santé, maison). Docapost est déjà spécialisé dans le traitement de données qui ne sont/seront pas monétisées. Les clients sont prêts à payer pour que les données ne soient pas divulguées (dossier de santé, etc.). En effet, toutes les questions relatives à la data vont nécessiter un certain nombre de mode de fonctionnement et de reprise de contrôle de la part de l’utilisateur (« empowerement »).

La proposition de valeur du hub numérique vient donc s’appuyer sur ces problématiques de rendre les individus maîtres de l’accès à ces objets et de permettre aux entreprises qui viendront apporter la couche servicielle d’avoir cette garantie d’un consentement explicite des utilisateurs. Concernant les premiers partenaires, La Poste compte déjà quelques grands noms dans ces rangs : Legrand, Atol, BNP Paris Bas mais aussi de nombreuses start-ups.

Interrogée sur la différence du hub « numérique » avec la plate-forme d’Orange présentée juste avant lors de la keynote de « Mari-Noëlle Jégo-Laveissière », Murielle Barnéoud admet que les deux conceptions sont assez proches et qu’il y a donc de la place pour ce type d’initiative. Convaincu qu’il y a une vraie appétence du marché pour quelque chose de différent (de ce que proposent les GAFA), il faut néanmoins un service qui vienne résoudre une problématique pour l’utilisateur final (le « pain point »).

Les premières verticales identifiées sont la protection de la maison et les problématiques de santé mais qui ne s’adresse pas pour l’instant au grand public.  Selon le PDG de Docapost, l’essentiel de la révolution de l’internet des objets réside dans la récurrence relationnelle avec l’usager. Pour prendre l’exemple de la voiture, la relation de confiance est la même. Il ne s’agit pas seulement d’être propriétaire du véhicule ; si le fabricant sait comment je l’utilise avec mon consentement, il parviendra à rentrer dans un univers de service qui est pertinent.

Vincent Costet – Directeur Stratégie et Planning Marketing de BMW

Vincent costetInterrogé sur le menace que représente l’internet des objets sur le business model du constructeur, le Directeur de la stratégie de BMW a tenu à rappeler que des changements étaient déjà observables et que le constructeur a déjà dû s’adapter à certains changements d’usage. D’abord avec le leasing (location longue durée) qui vient progressivement empiéter le modèle historique de l’achat comptant, puis par les services de co-voiturage et d’auto-partage qui ont changé l’approche de l’utilisation de l’automobile. Selon Vincent Costet, les constructeurs ont compris cette mutation et sont déjà dans le mouvement de cette évolution. Par ailleurs, ces nouveaux usages ne comportent pas forcément un risque pour le constructeur, qui mécaniquement, pourrait fabriquer moins et donc vendre moins de véhicules mais ce ne sera pas forcément le cas puisque les véhicules seront beaucoup plus utilisés et donc s’useront plus vite. Le taux de renouvellement pourrait donc être plus élevé. Interrogé ensuite sur le programme « Next100 » (pour les 100 ans du groupe) qui vise à établir la stratégie du groupe sur les 100 prochaines années, notamment sur la mobilité et la connectivité, Vincent Costet a expliqué brièvement la feuille de route du groupe. Ce programme qui a été illustré par un concept-car futuriste montre quels pourraient être les futurs services et usages autour du véhicule autonome dans les prochaines années. Ce véhicule pourrait par exemple se transformer en bureau, avec une interface véhicule qui change, tout comme la position des sièges pour favoriser le dialogue entre passager. Dans le cadre de la France, l’initiative locale a été de lancer un concours de start-up françaises en lien avec la mobilité et la connectivité à bord, le but étant de distinguer quelles sont les start-ups qui pourront accompagner le groupe dans le futur. Concernant l’horizon du développement de la voiture autonome, BMW a identifié 3 étapes :

  • Niveau 1– aujourd’hui : véhicule semi autonome, sur nouvelle série 7 sortie fin année dernière. Ce véhicule agira de manière autonome sur 2 axes : direction et allure avec contrôle permanent du conducteur
  • Niveau 2 – début 2020 : véhicule hautement autonome avec délégation de conduite où le conducteur pourra ne plus surveiller en permanence la circulation mais devra toujours être derrière le volant pour reprendre la main
  • Niveau 3 – 2025-2030 : complétement autonome, le conducteur est un passager comme un autre où il n’y a même plus de conducteurs à bord. Le véhicule se gare tout seul et est capable de rouler dans un environnement urbain avec beaucoup plus d’aléatoire que sur autoroute.

Interrogé également sur la collaboration avec Apple et Android, le directeur de la stratégie de BMW considère simplement que c’est une façon de répondre à certains besoins du client qui souhaite retrouver les interfaces mobiles sur son écran de bord. Les constructeurs proposent déjà de multiples interfaces où finalement on retrouve à peu près toutes les fonctions proposées par Apple et Google (la navigation, la téléphonie embarquée et la musique). Cette collaboration se limite donc à l’infotainment à bord du véhicule. A noter que BMW se positionne aussi comme prestataire de service en proposant à leurs clients plusieurs fonctionnalités payantes (diagnostique, infotainment, info-traffic, conciergerie, etc.).

 Les constructeurs reprennent la main sur la deuxième grande étape du véhicule connecté qui va être le développement des véhicules autonomes. C’est pour cela notamment que BMW a choisi de racheter avec d’autres constructeurs Allemand, la société « Here », qui va devenir le maitre d’œuvre d’une plate-forme cartographique en temps réel, futur guide des véhicules autonomes. Le véhicule va remonter de l’information, qui sera ensuite compilée et redistribuée aux autres véhicules, et tout cela en temps réel. Cette initiative est ouverte à d’autres constructeurs, qui permettra d’enrichir la valeur d’usage par effet de réseau. Ce système est appelé « Horizon électronique » (celui que le conducteur ne voit pas mais que la voiture connaît déjà).

Sur l’aspect communication véhicule-domotique, Vincent Costet a évoqué sa collaboration avec Deutsch Telekom en Allemagne avec l’application BMW Apps qui permet de définir des scénarios à partir de la position GPS du véhicule. Parmi les innovations qui vont dans ce sens, on retrouve également la plate-forme « Open Mobility Cloud » conçu avec Microsoft et qui permet à plusieurs fournisseurs de services de venir se greffer à la plate-forme. Le but étant d’interfacer tous ces services pour faciliter la mobilité.

Raphaël Gorgé – Président Directeur Général du Groupe Gorgé

Raphael GorgéLe groupe Gorgé est spécialisé dans la robotique civile et militaire, l’impression 3D ainsi que la sécurité incendie et nucléaire. Son Président-Directeur général, Raphaël Gorgé, a d’abord été interrogé sur l’approche BtoB à propos de l’industrie de l’imprimante 3D. Le groupe Gorgé concentre ainsi son activité uniquement à destination des professionnels, avec des prix débutant à 100 000 euros. Il s’agit de machines de production pouvant imprimer jusqu’à plusieurs milliers d’objets par jour. Concernant l’engouement du grand public envers l’impression 3D, la ferveur serait quelque peu retombée selon Raphaël Gorgé en raison notamment du manque d’application concrète destinée aux consommateurs finaux. A moyen terme, les imprimantes 3D ne pourront appliquer une véritable approche BtoC qu’à travers des centres de production locaux où les particuliers et entreprises pourront venir chercher l’objet dont ils auront envoyé, acheté ou conçu le fichier informatique. En revanche, les objets qui nous entourent seront de plus en plus fabriqués grâce à l’impression 3D.Appliquée à l’industrie automobile, Raphaël Gorgé estime que l’impression 3D pourra rendre d’énormes services aux constructeurs automobiles puisqu’elle permet d’éviter les coûts de stockage des pièces. Les imprimantes 3D constituent donc une véritable opportunité pour ce domaine d’activité et non une menace. Quant à l’intérêt de l’impression 3D sur la compétitivité de l’entreprise, Raphaël Gorgé estime qu’elle va permettre l’émergence d’entreprises manufacturières qui pourront lancer directement la production de leurs unités sans la nécessité d’en fabriquer au préalable un volume important. Cette technologie va ainsi développer la réactivité de ces entreprises, faisant ainsi émerger des modèles plus agiles et plus personnalisés.

Interrogé ensuite sur le développement de la robotique humanoïde, le PDG du groupe répond que ces dernières années nous avons assisté à un tel progrès en matière d’algorithmes, de mécanique et de software, à l’image des dernières démonstrations de Boston Dynamics, que le robot humanoïde présente un véritable intérêt. En effet, il peut assister les soldats sur le champ de bataille notamment dans le transport de charges lourdes ainsi que pour porter assistance, et tout particulièrement sur terrain accidenté, chose qui était difficilement concevable pour le moment avec les robots terrestres dotés de roues ou de chenilles.

Questionné enfin sur la possibilité de facturer des imprimantes 3D ou des robots, non pas comme des biens, mais comme des services, le PDG du groupe admet que c’est un modèle qui n’est pas appliqué par son groupe, même si cela existe pour certaines applications telles que les robots sous-marins pour lesquels peut être vendue la journée d’exploitation ou la collecte de données et non pas le robot qui a permis cette collecte.

Xavier Basset –  Fondateur d’Hoomano

XavierLe fondateur de la société « Hoomano », basée à Lyon déploie des logiciels pour les robots d’interaction, notamment les robots Nao et Pepper de Softbank Robotics. Concrètement, ces solutions, essentiellement B2B pour l’instant, répondent à des problématiques business, avec comme objectif premier d’enrichir l’expérience utilisateur. Le robot « Pepper » présenté à l’espace démo du colloque NPA, constitue une interface entre l’homme et la technologie et représente un nouveau vecteur de communication capable de délivrer la bonne information au bon moment. La société qui crée des « design d’interaction » pour reprendre les mots du fondateur, compte déjà deux cas d’usage B2B en France. Le premier chez Darty avec qui il travaille depuis maintenant près de deux ans, et qui permet aux vendeurs de se soustraire aux missions de communications redondantes et parfois lassantes. Le deuxième cas d’usage est également intéressant et prometteur puisqu’il s’agit de robot d’accueil au sein des gares SNCF. On retrouve donc une très forte valeur ajoutée pour l’accueil des touristes, la valorisation du patrimoine en dehors de la gare et l’aspect multilingue qui représente également un usage intéressant des robots humanoïdes.

C’est donc le robot qui prend l’initiative de l’échange pour guider l’homme à travers les scénarios. L’intelligence artificielle reste le socle de la brique technologique utilisée dans ces nouvelles interfaces pour faciliter l’interaction. Mais au-delà de la compréhension du langage naturel, il y a la reconnaissance de forme, les stimulis, etc. qui facilitent des interactions d’un nouveau genre. Ces innovations sortent donc progressivement des laboratoires du monde de la recherche, notamment grâce à des projets industriels (Aldebaran racheté par Softbank, Buddy de Bluefrog ou encore le projet d’Asus) mais la promesse reste sur le B2C, pour que le robot devienne l’interface ultime, très personnalisée et très intime. Pour cela il faut réfléchir à d’autres business model (privacy by design) pour créer un univers de confiance. Le modèle prédictif sera accepté par l’utilisateur car il sera en confiance (différent du modèle prédictif qui s’appuie sur un service qui monétise nos données).

Christophe Vattier – Président de Bubbles

BubblesBubbles Company se définit comme un hub de service digital. L’entreprise produit et distribue des capsules « bubbles » permettant à la clientèle d’un bar, restaurant ou magasin, de recharger gratuitement son téléphone portable. Près de 700 bubbles sont ainsi disponibles dans Paris. Christophe Vattier, président de Bubbles Company, part du constat que le marché de l’objet connecté, en 2015, est déjà en décroissance, signe selon lui qu’il n’a pas encore véritablement commencé. Il ne le sera réellement lorsqu’apparaitront des usages auprès du grand public. Le marché de l’objet connecté se cantonne donc pour le moment au BtoB.

Au-delà de l’objet connecté, ce qui est important selon le président de Bubbles, est la notion de plateforme. Les 2 facteurs-clés pour le développement d’une plateforme sont : son nombre d’utilisateurs ainsi que les « killers services » c’est-à-dire une fonctionnalité qui va faire que le grand public adoptera massivement le service, attirant ainsi de nouveaux partenaires professionnels. Outre-Atlantique, ainsi qu’en Chine, la plateforme est déjà pensée de façon mondiale, les investisseurs estimant que la plateforme ne pourra percer qu’avec l’apparition d’une « killer app » ou d’un killer service qui attirera de très nombreux utilisateurs. En Europe, au contraire, la mentalité fait que l’on raisonne sur la construction d’une plateforme uniquement à l’échelon local et pas assez mondial.

Interrogé plus en détail sur cette notion de « killer service », Christophe Vattier explique deux manières d’approcher ce problème :

  • L’approche consistant à chercher par soi-même ce fameux « super-service »
  • L’approche suivie par Samsung, Apple, Amazon : faire confiance à l’intelligence collective. Ces entreprises rendent les choses possibles, notamment par des magasins de services (des « stores » de services), pour que d’autres puissent développer des services. Il y aura ainsi une multitude de services créés par cette intelligence collective, et c’est le marché qui décidera lequel sera le « killer service ». Le président de Bubbles fait alors allusion à l’adage « il y a ceux qui cherchent l’or et ceux qui font les pelles ». Selon lui, les GAFA se positionnent sur le « marché des pelles » qui est en fait le plus rentable et laissent la « quête de l’or » aux autres.

Interrogé par la suite sur le modèle économique de Bubbles Company, Christophe Vattier raconte la difficulté avec laquelle son entreprise a eu des difficultés pour séduire les professionnels au premier abord. En effet, lorsque la société a commencé à proposer gratuitement ses bubbles dans les bars, ces derniers étaient amenés à payer uniquement lorsque celles-ci étaient utilisées par les clients. Par peur de devoir payer une forte somme en raison du probable succès des bubbles, les propriétaires de bars se sont montrés très réticents à ce modèle économique, forçant ainsi l’entreprise à opter pour un nouveau modèle d’abonnement mensuel actuellement en place. Cependant, ce modèle de souscription sera transitoire pour Bubbles puisque son président tient véritablement à son idée initiale : une fourniture de services où la facturation ne dépend uniquement que de la consommation. Selon lui, c’est le seul modèle où les professionnels de la restauration peuvent être véritablement gagnants, incitant la clientèle à la consommation dans leurs établissements, notamment grâce à l’application mobile développée.

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