L'édito de Philippe Bailly

Vous souhaitez recevoir l’Insight NPA ?

La maitrise du streaming, un nouvel enjeu de taille pour les groupes médias

Walt Disney Company a annoncé l’acquisition de 33% du capital de BAM Tech, société indépendante spécialisée dans les technologies de streaming vidéo, née au sein de MLB Advanced Media, une division de la Major League Baseball. Il s’agit de la dernière opération en date de rapprochement entre un acteur des contenus et un prestataire technologique devenu incontournable au moment où les services OTT de streaming en direct se multiplient.

• BAM Tech passe du Baseball à l’univers Disney

Walt Disney Company a annoncé l’acquisition de 33% du capital de BAM Tech, société indépendante spécialisée dans les technologies de streaming vidéo, née au sein de MLB Advanced Media, une division de la Major League Baseball créée en 2000 pour le lancement de MLB.TV qui diffuse en ligne les compétitions de la League. MLBAM reste la copropriété des 30 principales équipes de Baseball professionnel. L’opération valorise BAM Tech à hauteur de à 3,5 milliards de dollars. Et Disney disposerait également d’une option de 4 ans pour acquérir 33% supplémentaires.

MLBAM a pris une autonomie croissante pour s’émanciper de l’univers du Baseball (applications MLB.TV) et plus globalement du sport U.S jusqu’à accorder son indépendance à BAM Tech, son entité opérationnelle en août 2015. Celle-ci est désormais devenue un prestataire de service majeur pour les grands networks et autres propriétaires de contenus. Ainsi, BAM Tech a réussi à se diversifier en gérant le streaming de HBO Now et PlayStation Vue après avoir fait ses preuves au sein de MLBAM dans le sport en direct via des plates-formes en marque blanche (WatchESPN, WWE Network, Yankee’s Yes Network, PGA Tour Live, les sites et applications de la NHL ou encore 120 sports et Ice Network, spécialiste des sports de glisse).

Le deal apporte à Disney un savoir-faire immédiat et reconnu sur les technologies de plus en plus complexes du streaming, particulièrement précieuses pour l’avenir du groupe et en particulier de sa division Broadcast avec ESPN et ABC. Le deal suggère l’importance des technologies de streaming pour la chaîne sportive premium du groupe, ESPN, vaisseau amiral du groupe Disney dans la télévision payante. Actuellement en perte de vitesse avec une baisse du nombre d’abonnés (perte de 1,2 million d’abonnés en 2015 selon Nielsen) et des investissements publicitaires, Disney réfléchit de plus en plus activement au lancement d’une offre ESPN purement OTT sous la forme d’un mini bouquet distribué par les opérateurs virtuels comme Sling TV (Dish) ou Playstation Vue (Sony) et permettant de suivre dans un premier temps des sports mineurs.

Il est donc essentiel de maîtriser parfaitement les technologies de streaming en live. Or celles de BAM Tech sont considérées comme faisant partie des meilleures du marché en raison d’une part de la précocité de la MLB en OTT ainsi que par la complexité de la diffusion en ligne et en direct du sport le plus populaire aux Etats-Unis (25 000 évènements en direct tous les ans, 10 million de streams quotidiens et une infrastructure capable de supporter la connexion simultanée de plusieurs millions d’utilisateurs sur différentes plates-formes). De plus, MBA Tech est reconnu pour de nombreuses innovations comme le mariage du streaming avec de la Data Analytics permettant d’enrichir le flux en direct de nombreuses statistiques interactives. En 2014, dernières données disponibles, MLBAM a délivré grâce à ses 6 data centers américains pas moins de 390 Petabytes de données… Disney entre donc au capital d’un des acteurs les plus importants du streaming.

L’objectif est clairement de devenir propriétaire des technologies qui peuvent lui permettre de gérer au mieux ses offres OTT proposées directement au public. ESPN à l’avenir donc mais également Disney Life son service de SVoD multimédia lancé cette année au Royaume-Uni avant sans-doute un développement plus large en Europe continentale.

• Un mouvement général d’internalisation des technologies de streaming les plus abouties

Ce mouvement de rapprochement entre les détenteurs de droits ou propriétaires de contenus et les spécialistes de la diffusion en ligne est beaucoup plus large et loin d’être spécifique à Disney même si la taille de l’opération est singulière (plus d’un milliard de dollars pour 33% de BAM Tech). La nécessité de gérer un streaming impeccable sur plusieurs plates-formes différentes conduit l’industrie des contenus, qui n’a pas souvent les ressources pour investir et développer ses propres technologies, à intégrer des sociétés spécialisées.

Ainsi, outre Disney, plusieurs opérations importantes peuvent être mentionnées rien qu’aux Etats-Unis. Le mois dernier, Hearst Television qui possède 32 chaînes locales, a ainsi noué un partenariat stratégique avec Verizon Digital Media Service, la division spécialisée dans le streaming de l’opérateur américain. La solution DMS permettra ainsi de gérer le streaming pour l’ensemble des sites et applications des actifs du groupe. S’il s’agit d’un accord commercial et pas dans le cas présent d’un rapprochement entre les deux structures, l’accord est intéressant puisque DMS est par contre le résultat d’une stratégie d’intégration de ces savoir-faire technologiques par Verizon qui a racheté en 2013 les infrastructures CDN de EdgeCast et le spécialiste de l’encodage upLynk.

L’été dernier, c’est Turner, la division de télévision par câble de Time Warner, lequel utilise par ailleurs BAM Tech pour son service OTT HBO Now, qui a acquis une participation majoritaire dans iStreamPlanet qui propose une solution technologique de streaming concurrente. Le deal était moins important que dans le cas de Disney (200 millions de dollars) quoiqu’indirectement lié puisque selon les responsables de la branche Turner au sein du conglomérat, il vise à terme à internaliser la maîtrise technologique du streaming pour précisément pouvoir se passer de BAM Tech au niveau du groupe.

Même si l’opération est maintenant plus ancienne, elle date de 2006, impossible de ne pas mentionner l’achat de thePlatform par Comcast qui aboutit aujourd’hui à la commercialisation de solutions de streaming en marque blanche par le premier câbloopérateur américain (division Comcast Wholesale).
thePlatform fait désormais figure d’acteur incontournable dans l’univers OTT du groupe Time Warner puisque ses solutions propulsent les deux services SVoD de NBCUniversal, Hayu (TV réalité, disponible au Royaume-Uni, Irlande et Australie) et Seeso (comédies et formats courts). thePlatform a également réussi à travailler au-delà du groupe en développant son expertise pour les services de TV Everywhere de AMC, History ou SyFy. Les solutions de thePlatform sont également adaptées au streaming en direct avec un réseau CDN géré en propre.

Enfin, plus près de nous en Europe, deux exemples intéressants car reposant sur des stratégies distinctes, montrent que l’internalisation de technologies de streaming tierces est également à l’œuvre. En Scandinavie, le premier groupe audiovisuel privé, TV 2 AS (détenu par le groupe de médias Egmont) fait figure de précurseur de la distribution OTT avec un service de streaming en direct sur internet dès 2006. Celui-ci, rebaptisé depuis Sumo, reposait sur une plateforme initiallement développée en interne par les équipes de R&D de TV 2. En 2011 le choix a été fait de créer un spin off, Vimond Media Solutions, afin de pouvoir commercialiser la solution. La plateforme est désormais utilisée par plusieurs groupes audiovisuels dans la région comme Riks, opérateur de la plateforme TNT locale, Nordisk Films (TVoD), Reuters TV, iflix… Un mouvement inverse donc de celui initié par BSkyB devenu Sky qui a préféré monté progressivement et régulièrement au capital de l’américain Roku pour s’assurer un accès à ses technologies de streaming lui permettant de développer ses offres OTT NOW TV .

L’avenir des services OTT reposant sur le streaming live est totalement dépendant de la robustesse des infrastructures et des technologies permettant une qualité de service irréprochable. Le fait de voir se multiplier des acquisitions ou rapprochements conduits par des grands groupes médias montrent que si la diffusion OTT est bien considérée comme un réseau de distribution majeure pour les contenus professionnelles, y compris les évènements en direct, il reste des solutions alternatives à l’utilisation des solutions des grands acteurs du Cloud qui peuvent aussi être de redoutables concurrents dans les contenus.

Vous êtes abonnés à l’Insight NPA ? Merci de renseigner vos identifiants pour accéder à l’ensemble de cet article.

Pas encore inscrit à l'Insight NPA ?