L'édito de Philippe Bailly

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Discover Snapchat en France : nouveau défi pour les éditeurs

Depuis le 15 septembre dernier, la France est le 3ème marché où est lancé Discover , après les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Huit éditeurs ont été minutieusement sélectionnés : Konbini, Le Monde, L’Equipe, Melty, Paris Match, Vice, Cosmopolitan et Tastemade. Une seconde vague de nouveaux entrants serait prévue le 8 octobre. L’enjeu pour les éditeurs ? Aller là où les « millennials » sont. Pour être présents, ceux qui ont été sélectionnés ont accepté de faire des efforts considérables. Discover Snapchat est-elle devenue un espace de visibilité incontournable ?

Des conditions d’entrée très strictes

Pour pouvoir bénéficier d’une présence sur Discover Snapchat, les éditeurs sélectionnés par le réseau social au petit fantôme blanc ont été soumis à des conditions d’entrée très strictes : contenu exclusif, format très spécifique et publication de 15 snaps maximum.
Pour rappel, l’application serait utilisée quotidiennement par 150 millions de personnes dans le monde. En France, 8 millions de personnes l’utilisent quotidiennement. Les ¾ d’entre elles ont entre 15 et 34 ans. Avec 45% des 18-24 ans qui utilisent Discover au moins une fois par jour pour s’informer, les chiffres d’audience de la fonctionnalité Discover aux Etats-Unis laissent augurer de fortes consommations en France. Pour les médias, investir ce réseau est donc une formidable opportunité de toucher les « millennials ».

Tableau

Exigences concernant le contenu, le format et codes de la plateforme

La première contrainte est que le contenu doit être exclusif, les contenus proposés ne peuvent être exploités sur d’autres plateformes. Ensuite, celui-ci doit être renouvelé toutes les 24 heures. Chaque édition devant être obligatoirement composée de 15 snaps maximum. De plus, le format de vidéo vertical est imposé.

Aussi, s’adapter aux codes de Snapchat et à sa cible est une condition impérative pour les éditeurs souhaitant disposer d’une Discover Story. En effet, Snapchat est par essence la plateforme de l’intime et du selfie. Sur Snapchat, les « millennials » n’ont pas forcément envie de retrouver une figure tutélaire que peuvent incarner les parents mais aussi les médias traditionnels. L’information, pour avoir sa place sur le réseau, doit donc rester dans le ton de la plateforme : « fun » et jeune. L’adoption du langage vernaculaire de Snapchat et de ses codes est donc nécessaire pour un média souhaitant accéder à la Story Discover. Tous les médias déjà présents sur la plateforme se sont pliés à cette empreinte Snapchat très ancrée chez les utilisateurs : contenus verticaux, texte sur les images, son et filtres.

Equipes dédiées à Snapchat dans les rédactions

Les règles imposées par Snapchat demandent que des équipes travaillent à plein temps sur cette seule plateforme. Aux Etats-Unis, Refinery29 a, par exemple, engagé une équipe de 10 personnes. Pour Jon Steinberg, PDG de Daily Mail en Amérique du Nord, ces contraintes se comprennent : « Chacun des 15 contenus que l’on doit publier quotidiennement sur l’application doit être créé de A à Z ». Tastemade, par exemple, consacrerait désormais un studio de tournage dédié à la vidéo verticale et donc à Snapchat.

Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Pour certains éditeurs, se soumettre à ces exigences s’avère être trop compliqué. Selon Francis Morel, PDG de Les Echos-Le Parisien, Snapchat « impose des contraintes qui n’ont pas de sens ». Mais pour la plupart des marques qui s’appuient sur les chiffres d’audiences du réseau, Snapchat est un support très intéressant. Cosmopolitan cumulerait aujourd’hui, 3 millions de vues (et dispose d’un accord global tout comme Vice et Tastemade) : ces vues ne sont plus négligeables pour la marque. « C’est un moyen de réfléchir à des formats authentiquement mobiles » selon Cyril Linette, DG de L’Equipe. Alice Antheaume, journaliste chez Franceinter, a pu rencontrer des rédacteurs de CNN et relate que « les résultats vont au-delà de leurs espérances. Ils ont touché des gens qui n’avaient jamais entendu parler d’eux.».

Un défi de taille pour les médias traditionnels

Snapchat, constitue un défi de taille pour les médias traditionnels qui devront s’adapter à un style qui ne fait pas forcément partie de leur ADN. Cela leur demande d’inventer de nouveaux modes de narration conformes aux codes de la plateforme. Le Monde, par exemple, s’est plié à ces contraintes en proposant une information ciblée, pour un public qui n’est pas naturellement le sien.

Le Monde

Le journal propose majoritairement des informations qui ne sont pas dans la veine de ce qu’il propose habituellement. Mais, il pousse aussi des informations sur des sujets qu’il a l’habitude de traiter et ce, sous forme d’infographie ou de court récapitulatif. Ici, le pari de proposer un contenu conforme à leur ligne éditoriale tout en le rajeunissant est tenu.

Vers une uniformisation du contenu et de l’information ?

Le contenu proposé sous un format imposé à tous, fait que les stories des médias se ressemblent relativement toutes. L’obligation d’un format et d’un contenu « jeune » joue en faveur d’un média comme Vice, puisqu’habitué à traiter des « histoires qui intéressent le plus les jeunes Français ». La marque média s’efface sous l’unicité de contenus et format ce qui créé une inégalité entre les médias sur la plateforme.

La course entamée pour séduire les “millennials” en vaut-elle le coût ? Ne conduit-elle finalement pas à la disparition du concept de ligne éditoriale sur la plateforme et à une uniformisation de l’information ? Lorsque Le Monde fait un classement des meilleurs jeux vidéo de l’année, ne pouvons-nous pas nous dire que Melty aurait pu traiter le même sujet ? Le véritable enjeu pour les éditeurs est de réussir à conserver leur ligne éditoriale tout en se pliant aux exigences de contenus et à l’uniformité du ton pour intéresser les jeunes.

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