L'édito de Philippe Bailly

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La BBC souhaite réinventer son iPlayer

Le directeur général de la BBC, Tony Hall, vient d’annoncer un plan d’action pour le renforcement de l’offre de vidéo en ligne du groupe audiovisuel public. Face au succès grandissant de services OTT tels que Netflix ou Amazon Prime Video, l’objectif annoncé est clair : réinventer le iPlayer pour qu’il conserve sa place de premier service de télévision sur Internet au Royaume-Uni dans les années à venir.

Lancé en 2007, le service de télévision et de radio en ligne de la BBC s’est rapidement imposé comme un incontournable du paysage audiovisuel britannique. Au cours de ses dix années d’existence, le service a connu un grand nombre de transformations avant d’arriver à sa forme actuelle. Aujourd’hui son succès est indéniable : fin décembre 2016, la BBC annonçait que son iPlayer avait enregistré 354 millions de requêtes sur le mois pour le rattrapage de ses programmes (dont 281 millions pour la partie TV), soit un niveau record pour le service et une progression de 11% par rapport à décembre 2015.

Évolution du nombre de requêtes mensuelles (en millions de requêtes)

bbc iplayerSource : BBC iPlayer

Très tôt, la plus grande chaîne de télévision publique du monde a intégré le fait qu’Internet deviendrait à plus ou moins long terme le premier canal de transmission TV et que la consommation à la demande ne cesserait de s’intensifier au fil des ans. Sans pour autant délaisser ses principales chaînes linéaires (BBC One, BBC Two) qui constituent encore le cœur de son audience, la BBC a su investir le champ du numérique (développement du iPlayer, engagement des communautés autour des marques et contenus du groupe sur des plates-formes comme YouTube, Facebook ou Snapchat, repositionnement de la BBC Three en chaîne 100% web, etc.) pour s’adresser à une partie du public qui ne consommait pas ou plus la télévision traditionnelle.

Le plan stratégique présenté par Tony Hall mercredi dernier s’inscrit donc dans une logique naturelle d’amélioration du service pour continuer à satisfaire le public, notamment les jeunes générations, et rester performant face à la concurrence féroce des plates-formes de streaming vidéo. En l’espace de quelques années, le paysage médiatique a en effet connu un profond bouleversement, il est devenu « plus mondial et plus compétitif » avec des acteurs comme « Amazon et Netflix[1] prêts à investir d’énormes sommes d’argent, sans être assurés d’un retour sur investissement, pour pouvoir conquérir des parts de marché, Facebook qui envisage de lancer ses propres programmes TV, Twitter qui se positionne sur les droits sportifs et où des mouvements comme la fusion Fox-Sky renforcent les plus forts ». Dans cet environnement hyperconcurrentiel, la BBC doit « réinventer fondamentalement le modèle du iPlayer » pour lui permettre de demeurer le premier service de télévision en ligne. Un objectif qui selon Tony Hall passe par le doublement de son audience à 20 millions d’utilisateurs uniques par semaine et la multiplication par quatre du temps de visionnage de chaque personne sur le service chaque semaine (soit 2 heures/sem.).

Fixé pour 2020, cet objectif ne pourra être atteint qu’à la condition de développer le iPlayer au-delà du simple rattrapage de programmes TV. Pour ce faire, la BBC souhaite enrichir son service et en faire une offre de destination à part entière, en y proposant notamment des séries populaires en première diffusion voire des productions originales en exclusivité. Le groupe pourra se reposer sur son savoir-faire en termes de création et le succès que nous lui connaissons depuis des décennies.

Le directeur du groupe audiovisuel public a également annoncé que l’accent allait être mis sur les nouvelles technologies pour faire du iPlayer une plate-forme de pointe en matière de distribution vidéo. L’intelligence artificielle et la reconnaissance vocale ont ainsi été citées comme pistes de développement pour la future version du service. Une évolution indispensable selon Tony Hall pour « rester compétitif face au rythme de croissance soutenu » de ses concurrents. Au-delà des sommes colossales injectées dans l’acquisition et la production de contenus, Netflix et Amazon se distinguent en effet par un véritable savoir-faire en termes d’expérience utilisateur, avec des interfaces simples et de qualité.

Enfin, dernier terrain sur lequel la BBC compte monter en puissance, celui de la collecte et du traitement de données. Le service de rattrapage de la BBC ne nécessitait jusqu’à récemment aucune inscription préalable pour accéder aux programmes des différentes chaînes du groupe. Depuis l’instauration d’une inscription (qui reste facultative à ce jour), ce sont 3 millions d’utilisateurs uniques qui sont identifiés en moyenne tous les mois. La BBC espère généraliser l’authentification préalable des utilisateurs du service dans les mois à venir et être ainsi en mesure de proposer des recommandations personnalisées, qui satisfassent davantage aux goûts et attentes de ces derniers : « en connaissant mieux notre audience et ce qu’elle aime, nous pourrons produire de meilleurs programmes, plus pertinents et plus efficaces. Plus proche et personnelle sera notre relation avec le public, plus grandes seront nos chances qu’il choisisse la BBC ».

Le plan d’action de la BBC n’est pas un acte isolé. L’annonce du groupe audiovisuel public britannique s’inscrit dans un large mouvement de riposte des diffuseurs européens vis-à-vis de la concurrence des géants américains de l’OTT.  Le projet de la BBC de réinventer son modèle en ligne – auquel nous pouvons ajouter l’annonce du lancement d’un service de SVoD par France Télévisions attendu pour l’automne 2017 ou encore la prise de participation de TF1 et de Mediaset dans Studio71 , filiale de ProSiebenSat.1, spécialisée dans la production, la distribution et la production de contenus sur le web – témoigne de la pression exercée par des acteurs comme Netflix ou Amazon sur l’audience des groupes historiques, notamment auprès du jeune public, et de la nécessité pour ces derniers d’investir le champ de la diffusion en ligne.

 

[1] Selon Ampere Analysis, Netflix compterait 6 millions de clients au Royaume-Uni fin 2016, contre 2,3 millions pour Amazon Prime Video

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