Crunchyroll, service américain de SVoD spécialisé dans l’animation japonaise, vient de dépasser la barre du million d’abonnés. L’engouement du public illustre le succès croissant des services de SVoD très spécialisés, qui réussissent à trouver une place à côté des principaux acteurs généralistes.
Crunchyroll, l’expertise à l’origine du succès
Crunchyroll est à l’origine un site de par
Le succès du serice est aujourd’hui indéniable et Crunchyroll vient d’annoncer des chiffres très positifs tant pour son offre gratuite que son offre payante. Ainsi, Crunchyroll revendique désormais 20 millions d’utilisateurs enregistrés, dont les deux-tiers aux Etats-Unis, qui consomment 25 millions d’heures de contenus par mois. Cependant, c’est dans le payant que le succès du service est le plus notable. En effet, Crunchyroll vient d’annoncer que son nombre d’abonnés dans le monde venait de dépasser le million soit une hausse de 36% en un an.
Ce succès repose en partie sur un catalogue riche, de qualité et extrêmement spécialisé mais pas seulement. Ainsi, plus de 25 000 épisodes[1] de séries d’animation asiatiques sont disponibles sur la plate-forme dont certaines séries phares de la production japonaises comme L’Attaque des Titans ou Naruto. En outre, une des spécificités de Crunchyroll est de proposer un nombre importants de contenus une heure seulement après leur diffusion au Japon. Cette offre est particulièrement attractive pour les passionnés habitués à la consommation illégale pour pouvoir bénéficier de leurs contenus le plus rapidement possible. Pourtant le catalogue ne peut expliquer à lui seul le succès du service. En effet, les séries d’animation japonaise sont très largement distibuées tant de façon légale qu’illégale. Un grand nombre de services légaux généralistes proposent une offre conséquente de mangas. Netflix et Amazon Prime Vidéo proposent notamment plusieurs dizaines de séries de ce type. En outre, l’animation japonaise est historiquement largement distribuée de façon illégale via les communautés spécialisées qui ont émergé grâce à leur sous-titrage rapide et bénévole des contenus tout juste diffusés[2]. Si Crunchyroll a pû se développer malgré un marché d’abondance c’est notamment grâce à la solidité de la communauté qui anime le service. Le site propose un grand nombre de forums bien animés qui ont su rassembler très tôt une part importante de la communauté des passionnés d’anime et de culture japonaise[3]. En outre, le site dispose d’une partie éditorialisée avec une équipe de rédacteurs qui proposent un suivi régulier de l’actualité du secteur. Le site dispose également d’une communauté très étendue et engagée sur les réseaux sociaux sur laquelle il s’appuie largement. Enfin, Crunchyroll s’associe régulièrement aux nombreux évènements qui attirent les passionés de mangas. Autant d’éléments qui ont permis de faciliter le développement de son offre payante. D’ailleurs, Crunchyroll continue de lancer de nouveaux outils pour renforcer sa communauté ; à partir du mois d’avril il va ainsi organiser des nuits de l’animation japonaise dans plusieurs grandes villes américaines.
Le succès de Crunchyroll démontre que le modèle de la SVoD de niche est viable et que les services spécialisés constituent une alternative intéressante pour la SVoD dans un contexte de concurrence très forte sur le segment généraliste. Certaines communautés ou publics de niche sont disposés à passer au payant pour bénéficier de contenus très pointus. Pourtant, il n’est pas certains que le modèle de Crunchyroll puisse être généralisé à l’ensemble des secteurs de niche. La communauté des passionés de mangas et d’anime est en effet très spécifique et marquée par la très grande implication de ses membres.
L’essor des services de niche
Le succès d
Au-delà de ces services très populaire
Le développement des services de SVoD spécialisés constitue en outre une opportunité pour certains acteurs. En effet, le marché de la SVoD généraliste nécessite désormais des investissements très lourds. Les grands services sont désormais lancés dans une course coûteuse aux contenus exclusifs qui peut rendre hasardeuse l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs. D’ailleurs, la compétition est rude pour les acteurs déjà existants et un nombre croissant de services généralistes jettent l’éponge. En France, Jook a dû fermer son service en 2015, Watchever le sien en Allemagne en 2016 et tout récemment au Canada le service Shomi (Roger Communication/Shaw Communications) a baissé le rideau. Au contraire, il existe encore des opportunités sur le segment des services plus spécialisés. En effet, le coût croissant des productions originales et des acquisitions peut conduire les services généralistes à se concentrer sur un plus petit nombre de contenus attractifs et donc à terme à délaisser les contenus plus spécialisés. Le développement de services de niches devra donc s’effectuer en complémentarité avec les services généralistes et non pas en concurrence frontale. En outre, la dimension spécialisée des services ne laisse pas de place pour le développement d’un grand nombre d’acteurs par niche. Il y aura sans doute un avantage aux primo-entrants.
Le potentiel n’a d’ailleurs pas échappé aux acteurs majeurs de l’industrie culturelle qui ont multiplié les investissements en 2016 dans des services spécialisés recouvrant des thématiques très variées. Ainsi, en janvier 2016, NBC-Universal a lancé Seeso, un service spécialisé dans la comédie. En février 2016, Comcast a lancé Yoga Channel un service dédié aux vidéos d’exercices de yoga et de fitness. En mars 2016, Warner Bros. a racheté le service spécialisé dans la fiction coréenne Drama Fever. En mars toujours, NBC-Universal a lancé Hayu, un autre nouveau service SVoD, cette fois dédié à la télé-réalité. En octobre, Sony a investi dans le service spécialisé sur la jeunesse Hopster. En novembre, Turner a lancé FilmStruck son service dédié aux films classiques et rares. Enfin en janvier 2017, Amazon Prime a lancé Anime Strike, son service stand-alone dédié à l’animation japonaise.
Principaux lancements de service SVoD de niche au cours des 12 derniers mois
[1] Il s’agit du volume d’épisodes disponibles aux Etats-Unis, sur les autres territoires y compris la France, ce volume est plus faible
[2] Si en France le rôle du sous-titrage bénévole dans la structuration du piratage touche à peu près tout type de contenus, il est plus spécifique à l’animation japonaise aux Etats-Unis puisqu’elle constitue un des rares types de contenus en langue étrangère consommée massivement par des anglophones.
[3] Ce cas est spécifique aux Etats-Unis où le site est plus ancien et a pu se développer en même temps que l’émergence d’un certain engouement pour les productions japonaises. En France, si le site est populaire, il ne bénéficie pas de la même aura puisque le phénomène des mangas en France est bien antérieur au lancement du site et il existe de nombreuses autres plateformes spécialisées dans la culture japonaise.
				
															
