L'édito de Philippe Bailly

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Marché audiovisuel chinois : la conquête de l’Ouest

La Chine est le 3ème pays le plus grand du monde, composé de plus de 22 provinces qui ont chacune leur groupe audiovisuel. La télévision a atteint une puissance incomparable pour un pays comme la France : sans jouer sur l’adaptation de la programmation selon les fuseaux horaires comme le font les Etats-Unis, les programmes chinois peuvent réunir une audience colossale. La dernière finale de The Voice of China a ainsi réuni 450 millions de spectateurs chinois (TV+web)[1]. Par ailleurs, leur convergence numérique est aujourd’hui considérée comme complète. Les quatre supports sont aujourd’hui systématiquement reliés d’un point de vue éditorial. Le nombre de services associés interactifs sont très nombreux et variés avec des « know-how » narratifs qui pourraient inspirer les producteurs français.   

 NPA revient sur les forces et les ambitions de ce marché, et sur le discours du Directeur des programmes du groupe Shanghai Media, M. Zhu Tao, présent au débat du MediaClub le 31 mars sur le thème : « La Chine, un marché TV méconnu : quelles nouvelles opportunités ? ».

[1] Source : Chloé G. Culture

Un marché du divertissement en profonde mutation

Depuis 5 ans, le gouvernement chinois est dans une dynamique d’investissements dont l’objectif est de favoriser le développement économique de 10 secteurs, dont celui de l’entertainment :

  • Le développement des parcs d’attraction : le conglomérat chinois Wanda a ouvert en mai 2016 en Chine son premier parc d’attractions, un mois avant l’ouverture du 1er parc Disney.
  • Le développement de coproductions avec Hollywood : par exemple, La Grande Muraille, du réalisateur chinois Zhang Yimou, avec Matt Damon, le film le plus cher jamais tourné en Chine (150 millions de dollars) est une coproduction sino-américaine. L’intérêt des coproductions pour les réalisateurs étrangers est de pouvoir contourner les quotas. En effet, la Chine protège son marché audiovisuel de manière drastique. Il est compliqué aujourd’hui de voir son film distribué en Chine. Autre exemple récent de coproduction, Le dernier Loup, un film de Jean-Jacques Annaud qui a signé plusieurs accords avec un studio chinois.
  • Le développement des salles de cinéma : la Chine compte aujourd’hui 42 000 écrans de cinéma dépassant  les Etats-Unis depuis peu. Selon les données du cabinet chinois Chloé G. Culture, 85 % de ces écrans seront équipés cette année en 3D. Ces salles sont en majorité de grands multiplexes intégrés au sein des centres commerciaux chinois,qui ont vu leur fréquentation grimper en même temps que les classes moyennes chinoises ont émergé. En 2016, le nombre d’entrées en salles s’est porté à 1,370 milliard soit une entrée par Chinois. Pour autant, la croissance des revenus tirés du box-office place le marché du cinéma chinois en 2ème position (hausse de 4,5 % en 2016 vs 48 % en 2015), derrière les Américains.
  • Le développement de la vidéo en ligne : le marché continue son essor avec un nombre d’uitilisateurs encore inégalé. Les chiffres officiels montrent que les usages du streaming vidéo continuent en effet de croître en Chine. Dans son dernier rapport statistique, le CNNIC[1] estime qu’il y a désormais 461 millions de Chinois qui utilisent régulièrement la vidéo en ligne, soit 69,1% de la population internaute. Parmi eux, 354 millions consomment la vidéo depuis leur smartphone qui reste donc de très loin le terminal le plus utilisé. Surtout, si la vidéo en ligne ne représente que le sixième usage de l’Internet dans le pays, elle continue de progresser (+28,2M d’usagers par rapport à décembre 2014). Le secteur de la vidéo en ligne a longtemps été épargné par la régulation. Les plates-formes vidéo ont donc pu se tourner précocement vers l’autre rive du pacifique pour nouer des accords avec Hollywood. Face à l’impossibilité de pénétrer le marché de la télévision chinoise, et face aux quotas imposés pour les sorties en salles, les studios ont vendu leurs contenus à des prix défiant toute concurrence pour trouver des débouchés alternatifs assurant leur présence dans le pays. TV.Sohu, Youku, Tudou ou iQiYi ont ainsi pu acheter massivement des contenus américains dès 2010.
  • Le développement de coproduction TV et de la distribution « vers l’Ouest » : en 2016, le marché chinois de la télévision représente 1,3 milliard de téléspectateurs, 1 600 chaînes TV et plus de 4 000 chaînes sur le numérique[2]. Toujours en 2016, plus de 400 nouveaux programmes de divertissement ont été diffusés en prime time, soit deux fois plus qu’en 2015. Représentée actuellement au MIPTV, la société Star China a présenté le format musical chinois Sing My Song, qui, en 3 ans de diffusion totalise une audience de 750 millions de téléspectateurs en Chine.

La télévision est un secteur extrêmement régulé avec des restrictions draconiennes sur la diffusion de programmes étrangers afin de protéger les industries de contenus chinoises. Mais à travers différentes initiatives, le marché chinois montre sa volonté de développer sa croissance sur le marché international. En effet, en 2016, 3 accords de coproduction ont été passés avec des sociétés de production australiennes, néo-zélandaises et singapourienne. Et la présence de la Chine dans les marchés de programmes européens montre sa détermination à collaborer davantage avec l’Ouest mais également à prouver sa capacité à développer des programmes internationaux.

Amour, humour, horreur, frayeurs : les contenus chinois jouent sur les émotions

Au cinéma comme en télévision, l’émotion est le garant du succès des séries et films chinois. Ainsi, au box-office chinois en 2015, les spectateurs chinois ont plébiscité Go Away Mr Tumor (70 millions d’euros au box-office), une comédie émouvante et pleine de légèreté sur un sujet qui l’est moins : une jeune femme de 29 ans apprend qu’elle a un cancer. Mais très optimiste, elle continue de faire passer sa joie de vivre et son humour (trailer). Un autre film sorti en décembre 2015, cette fois-ci coproduit avec Fox international Channels, Go Lala go 2, a également été un énorme succès chinois. Le film raconte l’histoire de Lala alors qu’elle commence un nouveau travail. Mais elle doit faire face à un gros dilemme en devant choisir entre sa carrière et son histoire d’amour (trailer).

En télévision, M. Zhu Tao, Directeur des programmes de Shanghai Media Group, insiste également sur l’importance des émotions dans les programmes chinois. Il évoque 4 tendances actuelles : « plus d’amour, plus d’horreur, moins d’action et moins de fantastique ». Ainsi, une grande place est accordée à la fiction et les succès d’audience sont récurrents : dans le top 10 des programmes les plus regardés en Chine, la fiction occupe 6 places sur 10 avec des performances dépassant 60 millions de téléspectateurs pour certaines séries[3]. Le reste des programmes les plus performants sont les grands événements propres à la Chine retransmis à la TV : fête du Printemps, fête de la Lanterne et en tête du classement la retransmission de l’anniversaire de la victoire sur le Japon.

         Source : Eurodata TV / Hors Evénements sportifs / Chine Nationale

Pour les acteurs étrangers, les opportunités liées à la taille du marché sont donc considérables. La soif des consommateurs chinois pour des contenus de qualité doivent permettre à l’Europe de défendre ses positions pour promouvoir ses contenus. La législation ne permettant pas aux acteurs étrangers de se développer seuls en Chine, la voie du partenariat et de la coproduction avec les acteurs locaux sont donc les seules issues. Les studios d’Hollywood ont intégré efficacement cette dimension qui devrait être rapidement suivie par l’Europe.

De leur côté, les acteurs chinois n’ignorent pas la puissance de leur marché audiovisuel. Leur volonté de s’ouvrir au marché international semble une évidence. Ainsi, pour les contenus actuellement créés, une prise de conscience de la part des producteurs et diffuseurs les incite à développer leur storytelling en vue d’une distribution hors de Chine.

Focus : Shanghai Media Group

SMG est le 2ème groupe audiovisuel en Chine, composé de 15 chaînes de TV, 13 radios, 15 chaînes payantes, 8 journaux, de l’affichage métro et bus, une plateforme en ligne, des applications mobiles. En Juin 2015, SMG a plus de 10 Milliards de dollars en actifs et environ 17 200 salariés.

Les succès du groupe :

  • Top funny Comedian: émission très populaire en Chine dans laquelle s’affrontent des humoristes
  • The Next: compétition de chanteurs amateurs qui affrontent des chanteurs célèbres
  • Jin Xing Show : le talk show chinois le plus regardé présenté par Jin Xing, danseuse transgenre renommée qui était colonel de l’armée chinoise
  • Tonight 80’s talkshow
  • Go Fighting : défis physiques et mentaux
  • Lolita Garden : talent show

Le groupe SMG vient par ailleurs de mettre en place un plateforme en ligne de recherche de formats chinois et asiatiques (programmes TV, OTT et Mobile). « iFormats » propose ainsi plusieurs services : une database sur les programmes, des rapports d’analyse, des conseils juridiques et économiques, un service de distribution, etc.

 

[1] China Internet Network Information Center : rapport de juillet 2015

[2] Source : Chloé G. Culture

[3] Source : Eurodata TV / One TV year in the World (2016)

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