L'édito de Philippe Bailly

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Apple conteste la taxe allemande sur les services de VOD établis à l’étranger

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Apple Distribution a contesté la décision de la Commission européenne avalisant l’extension par l’Allemagne d’une taxe dédiée au financement de la production et de la distribution cinématographique aux services de VàD établis en-dehors de l’Allemagne. Un recours qui intervient alors que la Commission examine la compatibilité avec le droit de l’Union de l’extension, en France, du champ de la taxe sur les opérateurs de vidéo aux acteurs établis à l’étranger.

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L’agrément par la Commission de la taxe allemande pour l’aide à la production et la distribution cinématographique

Le 4 mars 2014, l’Allemagne a notifié à la Commission européenne une modification du régime d’aides en faveur de la production et de la distribution d’œuvres cinématographiques. Le régime d’aides existant était financé par le biais d’une taxe spéciale à verser par des entreprises du secteur du cinéma et de la vidéo et des télédiffuseurs. La modification notifiée visait à étendre la taxe dédiée à ce fonds aux services de vidéos à la demande établis en-dehors de l’Allemagne. Jusqu’alors, seuls les services de vidéos à la demande établis en Allemagne étaient concernés par cette taxe.

La Commission a rendu sa décision sur la notification le 1er septembre 2016, après avoir recueilli les observations de plusieurs parties intéressées. Les questionnements sur la validité de cette taxe concernaient surtout sa conformité à l’article 110 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et à la directive « services de médias audiovisuels » du 10 mars 2010 (directive SMA).

L’article 110 du TFUE interdit aux Etats membres d’imposer aux produits et services issus d’autres Etats membres une taxation supérieure aux produits et services nationaux similaires. La Commission a jugé la taxe compatible avec l’article 110 aux motifs que les services de vidéo à la demande implantés à l’étranger et visés par cette taxe pouvaient également bénéficier de l’aide alimentée par cette taxe. De plus, notant que l’assiette de la taxe considérée repose sur les bénéfices réalisés en Allemagne, la Commission conclut que cette taxe n’est pas discriminante pour les services établis à l’étranger.

Une question concernait également l’application de la directive SMA à la taxe en question. En effet, l’article 13 § 1 de cette directive impose aux Etats membres d’assurer que les services de médias audiovisuels à la demande relevant de leur compétence promeuvent, dans la mesure du possible, la production et l’accès à des œuvres européennes. Or, l’article 2, paragraphe 1 et 2 dispose que les services de médias audiovisuels à la demande relèvent de la compétence de l’Etat membre dans lequel ils sont établis, conformément au principe du pays d’origine. L’article 3 interdit quant à lui aux Etats membres d’entraver la retransmission sur leur territoire de services de médias audiovisuels en provenance d’autres États membres.

Le problème était ainsi de savoir si ces articles, et notamment le principe du pays d’origine, interdisaient à l’Allemagne de mettre en place des mesures de promotion telles que prévues par l’article 13 à des services qui ne relevaient pas de sa compétence au sens de l’article 2 de la directive, c’est-à-dire des services de médias audiovisuels établis à l’étranger. C’est d’ailleurs, ce que soutenait l’EDiMA (Association européenne des médias et du numérique), à laquelle adhèrent notamment Google, Facebook, Microsoft, Amazon et Apple.

La Commission a jugé que l’extension notifiée n’était pas contraire à la directive SMA, estimant que « le libellé de l’article [13] n’est ni catégorique ni sans restriction » et ne s’oppose donc pas à ce qu’un Etat membre impose la promotion d’œuvres européennes à des services ne relevant pas de sa compétence. Elle se réfère également à la proposition de révision de la directive SMA actuellement en examen au Parlement européen et au Conseil de l’Union. Cette proposition amende notamment l’article 13 de façon à pouvoir assujettir les services de médias audiovisuels à la demande situés à l’étranger à des contributions à l’aide à la production et à la diffusion d’œuvres européennes. La Commission juge que cette proposition ne fait que confirmer une interprétation déjà applicable dans la directive de 2010. Elle conclut qu’une interprétation inverse conduirait à imposer des obligations différentes à des acteurs présents sur un même marché.

Le recours d’Apple Distribution

Le 18 avril dernier, le recours formé par Apple Distribution International contre la décision de la Commission européenne avalisant la taxe allemande pour l’aide à la production et à la diffusion de films était publié au Journal officiel de l’Union. Apple soutient d’une part que la Commission a violé les articles 2 et 3 de la directive SMA en jugeant que le principe du pays d’origine ne s’applique pas au prélèvement de soutien à la production cinématographique. La société américaine soulève également une violation de l’article 13 §1, qui selon elle ne permet pas en l’état aux États membres d’imposer aux fournisseurs de services de vidéo à la demande établis dans d’autres États membres des contributions financières pour la promotion des œuvres européennes. Elle invoque par ailleurs une violation de l’article 110 du TFUE caractérisée par l’affirmation que l’imposition d’un prélèvement de soutien à la production cinématographique aux fournisseurs de services de vidéo à la demande établis dans d’autres États membres n’est pas discriminatoire.

De plus, elle soutient que la Commission n’a pas examiné si l’extension de la taxe contrevenait à l’article 56 du TFUE, qui interdit aux Etats de restreindre la libre prestation de services à l’égard des ressortissants européens établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. Apple impute en dernier lieu à la Commission d’avoir omis d’étudier si la taxe nécessitait une notification en vertu de la directive 98/34/CE.

Les fondements développés par Apple visent ainsi à contester l’interprétation de l’article 110 et de la directive SMA tenue par la Commission, et à remettre en cause la procédure suivie par la Commission pour l’examen de la décision.

De possibles conséquences sur l’extension de la TSV française ?

Pour rappel, la France a dans le cadre de la loi n°2013-1279 du 29 décembre 2013 fait entrer dans le champ de la taxe sur la vente, location et diffusion en ligne de vidéogrammes les diffusions en ligne payantes effectuées par des opérateurs établis à l’étranger. Les sommes perçues par cette taxe sont allouées au CNC pour être redistribuées dans l’optique de favoriser la création. Cette extension n’est toujours pas entrée en vigueur, puisqu’elle a fait l’objet d’une notification à la Commission, qui ne s’est pas encore prononcée sur sa validité.

La décision de septembre 2016 de la Commission concernant la taxe allemande peut laisser à penser que la Commission n’est pas opposée à l’extension des redevables de cette taxe aux services établis à l’étranger. L’extension française pourrait ainsi obtenir son agrément si elle présente les garanties suffisantes au regard du droit européen de la concurrence. Reste à voir si la Cour de Justice de l’Union n’invalidera pas ce raisonnement lors de l’examen du recours introduit par Apple.

En outre, la France a récemment procédé à une nouvelle extension de cette taxe. La loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a en effet étendu cette taxe aux revenus publicitaires et de parrainage des services donnant ou permettant l’accès à titre gratuit à des contenus audiovisuels. Cette disposition a également fait l’objet d’une notification à la Commission, qui n’a pas encore rendu de décision à ce sujet.

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