L'édito de Philippe Bailly

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La technologie 4DX, l’avenir pour les salles de cinéma ?

Après l’IMAX, le HFR, l’ICE et la 3D, la technologie 4DX est le nouveau format à sensations fortes proposé dans les salles de cinéma. Censée apporter une expérience complètement immersive pour le spectateur, la technologie se développe de plus en plus en Europe et a pour but de transformer de manière générale l’expérience du cinéma.

Une source de divertissement supplémentaire pour le spectateur

La technologie 4DX propose au spectateur de vivre une expérience sensorielle lorsqu’il se rend au cinéma. Les sièges vibrent et bougent sur trois axes pour pouvoir suivre les péripéties du héros. Pesant 360 kilos ces sièges sont capables  d’imprimer une forte sensation de mouvement afin d’immerger le spectateur dans l’

aventure présentée à l’écran[1]. Ils sont également équipés de brumisateurs permettant de générer de la brume ou des jets d’eau mais également de diffuseurs de parfum à l’arrière du siège. La salle elle-même est équipée d’un système de soufflerie ainsi que des spots permettant de créer de puissants effets lumineux.

Tous ces effets visent à proposer au spectateur une expérience plus immersive et plus dynamique. Par exemple, durant le film Alien : Covenant, le vaisseau spatial connaît des turbulences et à ce moment du film, la salle de cinéma déclenche des lumières rouges pour simuler une alerte rouge et les sièges bougent pour simuler les turbulences. Il est également possible de simuler différentes conditions météorologiques des premières gouttes d’une pluie au gros coup de vent.

Il y a actuellement 370 salles de ce type dans le monde, principalement en Corée du Sud et en Chine, mais qu’une seule en France : le Pathé de La Villette dans le XIXème arrondissement de Paris qui compte 104 sièges. A la fin de l’année 2017, suite à un accord passé entre Gaumont Pathé et la société coréenne CJ 4DPLEX qui fournit la technologie, il devrait y avoir sept salles compatibles en France. Cet accord prévoit l’ouverture de 30 nouvelles salles 4DX en Europe (Pays-Bas, Suisse, Belgique et France). Gaumont Pathé compte ainsi profiter de son statut de premier circuit de cinémas en France pour populariser la technologie auprès du public.

Les tarifs pour un ticket 4DX au Pathé de La Villette à Paris sont de 20€ pour un ticket normal, 16.5€ pour le tarif étudiant et de 17€ pour les séniors (65 ans et plus). La société n’a pas souhaité communiquer les investissements consentis pour cette salle, mais elle nécessite au minimum une régie spécifique dédiée en sous-sol ainsi que des serveurs informatiques propres. D’après l’APCQ[2], l’investissement nécessaire pour une sal

le pourrait s’élever à plus de 1.3 millions d’euros[3]. La première utilisation de la technologie a eu lieu en 2009 à Séoul et depuis, plus de 420 titres ont été diffusés en 4DX à travers le monde. Le premier film diffusé en France fut Kong : Skull Island le 15 mars 2017, au cinéma de La Villette. De nouvelles sensations pourraient être ajoutées dans les salles à l’avenir comme de la neige ou de la chaleur.

Une opportunité pour les exploitants : ramener le public jeune dans les salles

La manière de consommer des films a bien évolué ces dernières années avec l’arrivée de nouveaux acteurs, comme Netflix, ainsi que la multiplication des écrans. Les exploitants de salles de cinéma cherchent donc de nouveaux moyens d’attirer le public, notamment en essayant de transformer chaque visite au cinéma en une expérience inoubliable. C’est là qu’entrent en jeu les diverses technologies mises en place pour changer le cinéma tel que nous le connaissons. Ces solutions ont un double avantage : elles proposent au spectateur quelque chose qu’il ne pourra pas obtenir depuis chez lui et permettent de justifier le coût du ticket. En moyenne par exemple, les cinémas diffusant Wonder Woman en 4DX génèrent trois fois plus de revenus que les salles de cinéma classiques jouant le même film.

L’innovation semble rencontrer un certain succès aux Etats-Unis, qui compte 9 salles compatibles, malgré le surplus tarifaire allant de 6$ à 8$. The Fate of the Furious, dernier film de la saga Fast and Furious, a enregistré 1.5 millions d’entrées en 4DX. Le record d’entrées pour la 4DX outre-Atlantique est  tenu par Star Wars : The Force Awakens avec 1.8 millions d’entrées.

Mais l’enjeu de la 4DX est également de permettre un renouvellement de l’audience. Pour Arnaud Surel, Directeur exploitation cinématographique pour les cinémas Gaumont Pathé : « en réalité, le cinéma en France se porte plutôt bien en termes de fréquentation. Le problème c’est plutôt que le public vieillit. Il faut donc avoir des attentions particulières pour les jeunes. C’est ce que la 4DX nous apporte ». Le cinéma Pathé La Villette a proposé en 4DX dès son ouverture les films Logan et Kong : Skull Island, puis par la suite La Belle et la Bête ainsi que Ghost in the Shell, Fast & Furious 8, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 et Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar. Tous sont des films visant un public relativement jeune, promettant des sensations fortes en utilisant la 4DX.

La salle de La Villette fait office de laboratoire de nouveautés pour Gaumont Pathé. Pour le moment, l’expérience semble réussir puisque le cinéma de La Villette, victime de son succès, demande désormais aux personnes intéressées de réserver plusieurs jours à l’avance. Cependant, si l’expérience vise les jeunes, seront-ils prêts eux à payer 20€ pour aller au cinéma, au-delà de la première fois « pour essayer » ?

Des films pas forcément compatibles

Quelques critiques de la technologie commencent cependant à émerger des Etats-Unis, où elle est utilisée depuis juin 2014. Outre les désavantages inhérents à la 4DX, comme des mouvements du siège qui peuvent être trop violent et faire mal au dos, certains se plaignent du manque de cohérence dans l’utilisation de la technologie. Certaines diffusions n’offriraient pas d’expérience unifiée pour le spectateur mais plutôt une collection d’effets superposés les uns aux autres, ce qui rendrait l’expérience confuse par rapport au film. Ceci peut être expliqué par le fait qu’il y a deux personnes différentes qui gèrent l’expérience, une pour les mouvements des sièges et l’autre pour l’environnement, et que l’objectif pour elles semble être de maximiser l’usage des effets pour marquer le spectateur, plutôt que d’étudier leur utilité réelle par rapport à un scénario.

L’écueil à éviter semble être celui que connaît la 3D : l’utilisation à outrance de la technologie, sans considération pour l’œuvre cinématographique. Tout n’est pas sujet à sensations fortes dans un film et tous les films ne seront pas adaptés à ce genre d’expérience. Les sièges restent par exemple immobiles lors de scènes de dialogues ou ne font que tourner lors de scènes panoramiques. L’intérêt semble donc limité pour des films ne contenant pas de scènes d’actions. De plus, il reste la problématique du choix du personnage à suivre lors de scènes d’actions ou de combats. Tout ceci nécessite de la réflexion en amont, peut-être même dès la conception du film comme cela a été fait pour certaines scènes du dernier film de Tom Cruise, La Momie.

[1] Les séances de films en 4DX sont d’ailleurs déconseillées aux femmes enceintes, aux personnes âgées à mobilité réduite et aux personnes épileptiques ou ayant des problèmes cardiovasculaires. Les enfants entre 4 et 7 ans ou faisant moins de 1,20 mètres doivent par ailleurs être accompagnés.

[2] Association des Propriétaires de Cinémas du Québec

[3] L’association avançait en juillet 2016 qu’une salle 4DX coûte 2 millions de dollars canadiens, l’équivalent de 1 350 497€ http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/792412/cinema-4dx-salles-ecran-effets

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