L'édito de Philippe Bailly

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La transformation des outils et usages dans la distribution audiovisuelle (3/4)

Le Flash NPA propose durant 4 semaines d’analyser les évolutions actuelles de la transformation dans la distribution audiovisuelle, en France et à l’étranger, tout en s’inspirant de la trentaine d’entretiens réalisés cet été auprès des professionnels du secteur. Le Flash du 20 septembre analysait les nécessaires adaptations économiques du secteur où la segmentation des acteurs et où la complexification de la gestion des droits sont des phénomènes croissants. Aujourd’hui, NPA s’intéresse aux solutions mises en place par les distributeurs audiovisuels pour gérer et développer leurs forces commerciales et leur marketing.

 Le face-à-face, un rôle essentiel pour le distributeur de contenus

Le rôle du distributeur, au-delà du financement, de l’amortissement et de la rentabilisation des productions, est celui du rayonnement de l’œuvre d’un point de vue marketing. Ainsi, parmi les missions classiques attribués aux distributeurs audiovisuels pour vendre leurs programmes, certaines sont de l’ordre de la gestion des marchés et festivals (identification des festivals, organisations logistiques de la présence sur les marchés, gestion de la relation avec TVFI, etc.), d’autres missions concernent le marketing et la promotion des programmes distribués (création d’éléments marketing et promotionnels des programmes, line up, envois aux différents partenaires tels que Nota, The Wit, TVFi, etc., mise à jour des plateformes de visionnage des programmes, etc.).

Malgré le développement de nouveaux outils de gestion et de commercialisation, le métier de distributeur continue donc de reposer principalement sur ses relations étroites avec les clients. Plus que jamais, leur présence sur les grands marchés audiovisuels, toujours plus nombreux, est indispensable : MIPCOM, MIPTV (les deux marchés les plus importants dans l’année), NATPE, LA Screenings, Showcase, Series Mania, MIFA, … Des marchés sur lesquels seuls le marketing et le relationnel comptent. Les contrats, eux, se signent en amont. Ces présences sur les différents marchés sont en effet complétées par des visites chez les clients, dans leur pays. Les rencontres « face-à-face » sont essentielles pour entretenir des relations avec les acheteurs, les distributeurs et les agents.

Or, ces déplacements coûtent chers aux distributeurs qui réclament pour beaucoup d’entre eux (parmi les 30 interviews de distributeurs réalisées pendant l’été) une aide du CNC pour leur partie marketing, une communication B2B qui est amenée à se développer encore davantage (réseaux sociaux, presse, blogs, etc.).

 De nouveaux outils pour plus d’efficacité

Les modèles traditionnels de distribution audiovisuels considérés aujourd’hui comme chers, se réinventent. Dans un contexte où la pression économique sur les diffuseurs augmente due à la baisse de leurs revenus, le marché de la vente de programmes doit être très efficace. Les modes de commercialisation sont remplacés par des algorithmes, exposés sur des sites internet, personnalisés par de la data. Avec le développement d’un grand nombre d’outils, les distributeurs pourraient être tentés d’utiliser uniquement les datas de visionnage, de marques d’intérêt ou autres, au service de leur business. Ainsi, au Royaume-Uni, BBC Worldwide utilise les datas pour sa branche distribution grâce à la société Parrot Research et Affinio. Un logiciel a ainsi été créé pour accompagner le service commercial avec des données d’audience, de visionnage, de conditions de marché, etc. D’autres utilisent les statistiques de YouTube où ils proposent le visionnage d’extraits de leurs contenus. Chez All3Media, des mailings personnalisés sont envoyés aux clients, ciblés sur tel ou tel genre de programmes qu’ils ont regardés sur le site internet du groupe (+ de 9000 heures de programmes) actualisé par le service marketing.

Pour répondre à ces problématiques d’économie et de personnalisation, et pour permettre l’ouverture à de nouveaux marchés, deux anciens de Zodiak Rights et RDF ont créé The Rights Exchange (TRX), une plate-forme de vente et de distribution de contenus audiovisuels, sorte d’intermédiaire en ligne pour les détenteurs de droits et producteurs indépendants. Sky et Channel 4 ont pris en juillet 2017 une participation dans la société qui édite la plate-forme[1]. Interviewé cet été, le Directeur du Développement explique les raisons de ce projet de marketplace : « Les actifs des producteurs et distributeurs deviennent rapidement du back catalogue car les contenus neufs se vendent en priorité. Les actifs vieillissent donc très rapidement. 10 à 20% des actifs génèrent 80% des revenus dans un catalogue ».  En effet, la rentabilité des commerciaux s’appuie sur des contenus à fort potentiel sur lesquels ils peuvent passer du temps à négocier. La plate-forme a donc pour objectif de pousser les 80% restant, c’est-à-dire le « back catalogue ».

TRX permet ainsi de dérouler le processus de vente en ligne : les vendeurs listent leurs programmes, les acheteurs les visionnent, tout en regardant les disponibilités territoriales. L’acheteur peut faire une offre qui sera envoyée au vendeur avec une phase de négociation gérée sur la plate-forme. TRX créé des notices de transaction, avec les spécificités de l’accord (langues, types de droits cédés, etc.). L’acheteur et le vendeur peuvent ensuite se joindre en dehors de la plateforme TRX pour finaliser le contrat, ou rester sur la plateforme TRX pour négocier et signer électroniquement, sur conseil de leurs avocats. Une fois la vente effectuée, le vendeur livre les programmes et TRX touche une commission.

Pour James Duffen, Directeur du développement de TRX, « le marché est aujourd’hui davantage qualitatif. En utilisant toute la data disponible pour informer les acheteurs et vendeurs, la distribution audiovisuelle deviendra une industrie quantitative ».

Pour suivre à la fois le nouveau rythme, financier et technologique, les acteurs traditionnels de la distribution audiovisuelle vont être amenés, quand ce n’est pas déjà fait, à se réinventer. Les festivals devraient se transformer, multiplier les conférences sur Skype, accueillir des boutiques virtuelles, … Les distributeurs devraient suivre la même voie et permettre de mener des campagnes ciblées et mesurables, tout en maintenant un relationnel performant pour donner une bonne image de leur société. Une nouvelle manière de faire des affaires en ligne qui n’est pas sans rappeler la transformation de la vente et de l’achat d’espaces publicitaires avec le marketing programmatique.

 

Flash du 4 octobre :

L’impact des évolutions législatives et réglementaires en France pour les distributeurs

 

[1] Source : The Hollywood Reporter

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