L'édito de Philippe Bailly

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Les webséries se professionnalisent

La websérie devient un phénomène de plus en plus important auprès du public. A titre d’exemple, le festival de Luchon dédié aux fictions francophones, consacre deux prix à ce genre. Avec l’avènement de YouTube et des réseaux sociaux facilitant le partage, la série diffusée uniquement en ligne prend son envol pour devenir un genre à part entière. NPA Conseil revient sur le phénomène des webséries et la façon dont elles se sont émancipées.

En premier lieu réalisées par des amateurs avec des moyens limités mais en totale liberté artistique, la websérie s’est progressivement professionnalisée pour devenir un genre à part entière. Le monde de la télévision s’en est emparé, apportant notamment une plus-value aux séries diffusées en linéaire. Avec des moyens beaucoup plus développés, la websérie développée par la télévision ne garde ce nom qu’en raison de sa diffusion uniquement en ligne. Aux Etats-Unis, Fear the Walking Dead par exemple, spin-off de la série The Walking Dead, a utilisé ce format pour faire patienter les téléspectateurs entre chaque intersaison depuis 2011. Diffusée en amont de la diffusion de la nouvelle saison, la websérie permet de satisfaire l’attente des téléspectateurs  en présentant des personnages inconnus évoluant dans le monde de la série originale. De plus, les webisodes étant disponibles uniquement sur le site Internet d’AMC, cela permet d’augmenter significativement le trafic du site sur cette période. Au mois de janvier 2018, c’est ABC qui a dévoilé sur son site Internet uniquement, 6 épisodes d’une websérie tirée de l’univers de Grey’s anatomy où le spectateur suit les aventures de 6 internes du Grey Sloane Memorial que l’on

a déjà vus dans la saison 14. De plus, pour attirer davantage les fans de la série, des personnages incarnants de la série originelle sont également présents au casting comme Miranda, Alex ou Owen. La même logique a été employée avec la série Fais pas ci fais pas ça par France 2 en proposant des webisodes en ligne en attente de la diffusion de la nouvelle saison en 2013, avec les jeunes acteurs de la série.

En France, les webséries développées par certaines chaînes de télévision n’ont pas forcément le rôle d’apporter un complément à la diffusion linéaire, mais de proposer une offre nouvelle ouvrant une fenêtre de visibilité à de nouveaux talents. Moins dépendantes de la pression de l’audimat, les webséries peuvent ainsi être beaucoup plus audacieuses. Malgré les différents sujets pouvant être abordés, les codes éditoriaux employés sont généralement les mêmes : des personnages jeunes (adolescents, jeunes adultes ou trentenaire) confrontés à des problèmes et questionnements propres à leur génération, souvent traités de façon humoristique. Cependant, les genres se diversifient de plus en plus allant du gore jusqu’au road trip.

Arte propose ainsi sur son site Internet une sélection de webséries exclusives, destinées uniquement à une consultation en ligne. Certaines d’entre elles, comme Loulou¸ ont d’ailleurs connu un relatif succès auprès de la presse. Même constat pour France Télévisions et sa plateforme web Studio 4 consacrée aux nouveaux talents des webséries. En complément de son offre, le groupe public vient de lancer sa plateforme vidéo Slash dédiée aux millennials avec en fer de lance l’adaptation de la série norvégienne Skam[1]. En plus, des vidéos de divertissement sont proposées telles que des tests, de courts webdocumentaires, ou des animes. La tendance s’est également développée dans les autres pays francophones, spécifiquement auprès des groupes audiovisuels publics comme la Suisse où la chaîne RTS propose des productions originales depuis 2013, la Belgique avec la RTBF ou encore Radio-Canada sur sa plateforme Ici.tou.tv.

Par la mise en avant des webséries par les chaînes TV ainsi que leur participation progressive dans leur production, la websérie connaît aujourd’hui une professionnalisation croissante. Bien sûr, les webséries amateures continuent de fleurir un peu partout sur Internet, mais de grands groupes médias, autres que les chaînes de télévision, se sont investis dans ce genre afin de créer une nouvelle offre vidéo destinée à un public jeune. Pourquoi cibler ce public ? Selon les dernières statistiques dévoilées par YouTube[2], la plateforme en ligne est plus consultée par les 18-34 ans américains sur smartphone que n’importe quelle chaîne de télévision outre-Atlantique. Ce sont ainsi près de 1 milliard d’heures visionnées chaque jour sur YouTube, tout support confondu. De plus, avec le développement de la qualité des réseaux et des smartphones, le trafic vidéo via appareil mobile est en constante augmentation depuis des années.

Ainsi, Studio+ sous la houlette de Vivendi, ou Blackpills créé par Daniel Marhely (cofondateur de Deezer) et Patrick Holzman (cofondateur d’Allociné), se sont lancés dans l’aventure des séries dites digitales c’est-à-dire développées dans un format plus court (10 x 10 minutes pour une saison), consultables uniquement l’application dédiée d’une plateforme par abonnement sur smartphone. Derrière ces séries, l’on trouve de grands noms de la production comme Europa Corp. sur Blackpills ou de la production-maison pour Studio+. Aux Etats-Unis également, Verizon a investi 200 millions de dollars dans la production de contenus pour cette plateforme consacrée aux séries digitales à destination des millennials, qui peine cependant à recruter des abonnés. Afin de redresser sa courbe de fréquentation, la plateforme a décidé de développer davantage de contenus vidéos plus longs… quittant le carcan formaté de la série digitale courte.

[1] Pour plus d’informations, cf Flash #863 « Le transmédia dans les séries »

[2] https://www.youtube.com/intl/fr/yt/about/press/

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