L'édito de Philippe Bailly

Vous souhaitez recevoir l’Insight NPA ?

Quand la publicité renonce elle-même à se valoriser

La disparition de Culture pub, l’annulation des Cannes Lions 2020 et le rayonnement déclinant de La Nuit des Publivores ou La Semaine de la Publicité, questionnent le secteur de la publicité et la volonté des publicitaires à se valoriser eux-mêmes.

Des événements publicitaires en déclin

Le festival des Cannes Lions consacré à la publicité réunit moins d’adeptes. Annulé en 2020, le festival a vu des acteurs majeurs se retirer lors de l’édition 2018 comme le groupe Publicis[1]. Au global, en 2018, les inscriptions auraient chuté de 20 à 25%[2]. De plus entre 2016 et 2019, le nombre de campagnes soumises par les agences aux différentes compétitions a baissé de 28%[3]. Le déclin concerne tant les envois français (-23,84%) qu’étrangers : Royaume-Uni (-29,43%), l’Allemagne (-40,18%) et Japon (-43,43%)[4].

Autres rendez-vous phares du secteur, La Nuit des Publivores créée en 1981 pour offrir un panorama de la création publicitaire à travers le monde et La semaine de la pub, créée en 1996 par l’Association des agences de conseil en communication (AACC) pour une semaine d’échanges et d’ateliers sur le sujet, montrent un rayonnement en déclin. Les deux rencontres publicitaires n’ont pas eu lieu en 2020 pour les raisons sanitaires dues au Covid mais déjà, les dernières éditions, qui remontent à 2018, ne connaissent plus le même attrait qu’à leur début. La Nuit des publivores, dont la diffusion à la télévision a cessé en 2012, n’a pas encore de date certaine pour sa prochaine édition, par manque de financements.

Disparition de Culture pub et d’émissions consacrées aux médias

L’émission devenue culte Culture pub (CBTV) consacrée à l’histoire et à l’analyse de la publicité à la télévision a duré 28 ans. Lancée sur Paris Première en 1987, puis diffusée avec succès sur M6 jusqu’en 2005, elle revient plus discrètement sur NT1 entre 2008 et 2012. Enfin, la chaîne de la TNT, BFM Business, fait brièvement renaître le programme en 2015, pour une saison. La chaîne lance à la place, en septembre 2017, une nouvelle émission hebdomadaire conçue par CB News, l’Hebdo Com (26’) de décryptage de l’actualité de la pub et de la communication.

Culture pub présentée par Christian Blachas

De manière plus large, les émissions TV portant sur l’actualité des médias disparaissent également des grilles de programmes. Ainsi, Médias, Le Mag (Jara Prod) lancée en 2008 sur France 5, s’est éteint en 2016 après 8 ans d’antenne. De même, le magazine Le Tube (Flab Prod) sur le décodage de l’univers des médias diffusée sur Canal+ a connu 5 saisons, de 2013 à 2018. C’est que de la TV, présenté par Julien Courbet puis Valérie Bénaïm sur C8 a également pris fin en 2018, tout comme La Médiasphère sur LCI.

Aujourd’hui, l’actualité et l’analyse des médias sont davantage traitées en rubrique à la TV ou comme un sujet quotidien à la radio. En TV par exemple, lors de la saison 2019-2020, Quotidien (Bangumi) proposait sur TMC une rubrique le 20h30 Médias, présentée par Julien Bellver. A la radio, l’émission de Sonia Devillers (L’Instant M) consacrée aux médias est un rendez-vous phare de la grille de France Inter. Europe 1 propose également une émission quotidienne présentée par Philippe Vandel. A noter enfin, France Culture consacre une émission hebdomadaire sur les médias le samedi matin de 7h45 à 8h (La Fabrique médiatique).

Le nombre de publiphiles semble donc en recul, d’autant plus que les publicités digitales prennent le pas en termes de volume et de personnalisation de manière souvent très intrusive. Les autres mécanismes, plus « discrets », qui viennent se substituer à la publicité « classique » sont les fondements du phénomène de « dépublicitarisation », théorisée en 2005 par la chercheuse Caroline Marti : « Nous nommons dépublicitarisation la tactique des annonceurs qui vise à se démarquer des formes les plus reconnaissables de la publicité pour lui substituer des formes de communication censées être plus discrètes »[5] (parrainage, placements de produits, réseaux sociaux, cocréation, etc.).  Faut-il pour autant y voir la fin du spot de pub ?

[1]Le groupe avait quitté tous les festivals et concours récompensant le travail publicitaire afin de financer Marcel, sa nouvelle plateforme collaborative.

[2]Le résultat 2018 des Cannes Lions impacté par l’absence de Publicis

[3] Passant de 43 101 à 30 953 campagnes.

[4] Le debrief des Cannes Lions en 5 points

[5] « Entre dépublicitarisation et hyperpublicitarisation,une théorie des métamorphoses du publicitaire » : Karine Berthelot-Guiet, Caroline Marti de Montety et Valérie Patrin-Leclère

Vous êtes abonnés à l’Insight NPA ? Merci de renseigner vos identifiants pour accéder à l’ensemble de cet article.

Pas encore inscrit à l'Insight NPA ?