L'édito de Philippe Bailly

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L’audiovisuel européen a amorti le choc de 2020 mais l’avenir risque d’être mouvementé

Année horribilis pour l’économie mondiale, 2020 a finalement fait moins de dégâts qu’on aurait pu le craindre chez les principaux groupes audiovisuels européens. Certes, la chute brutale des revenus publicitaires a fortement impacté les revenus des principaux groupes de télévision commerciale. Dans l’échantillon étudié par NPA – TF1, M6, ITV, Mediengruppe RTL Deutschland, ProSiebenSat.1, NENT Atresmedia et Mediaset Espana (en l’attente des résultats de Mediaset Italie)– la chute moyenne des recette publicitaires s’est établie à 12 %. Mais entre le vif rebond constaté au second semestre, une sévère maîtrise des coûts, et dans certains cas des diversifications porteuses, les groupes ont fait preuve d’une certaine résilience. M6 a même réussi à améliorer sa marge. Finalement, ce sont les groupes audiovisuels publics qui ont le plus souffert, en dépit de leur moindre dépendance au marché publicitaire – la BBC accuse un déficit record-  du fait de politiques budgétaires restrictives des Etats actionnaires , engagées avant même l’année 2020. Quant aux groupes de télévision à péage, menacés par l’accélération du cord-cutting, l’année 2020 ne s’est pas traduite par une fuite massive des abonnés, ni pour Canal+ qui au contraire en a regagné, ni pour Sky.

Pour autant, l’année pandémique a accéléré les bouleversements à l’œuvre et la montée en puissance des plateformes américaines : Netflix, Amazon- Disney… La recomposition du paysage est en cours : la vente imminente de M6, annoncée par Bertelsmann, en sera une étape importante en France. Mais face au poids croissant des plateformes américaines, et bientôt peut être chinoises, le futur poids lourd européen est encore dans les limbes. Les bisbilles entre Vivendi et Mediaset  (Berlusconi) bloquent le rapprochement Mediaset/ ProSiebenSat 1. Celui de M6 et de TF1, qui de l’avis même de Bertelsmann aurait le plus de sens pour la consolidation du marché, devrait franchir une course d’obstacles réglementaire avant d’aboutir. Pendant ce temps, Netflix et Amazon annoncent des line up de productions originales fournis qui vont débarquer cette année en France. Et la contribution obligatoire de ces géants à la production, en vertu du décret SMAD, pourrait se retourner contre les acteurs locaux  : « ça veut dire que les plateformes vont financer, et donc contrôler, les meilleurs programmes français de demain » prévient Julien Roch, analyste chez Barclays Capital.

Dès lors, outre un rebond du marché publicitaire à court terme, la voie est étroite pour le développement, voire la survie des groupes de télévision gratuite en Europe. Développer le streaming payant ? A condition de se différencier avec des positionnements de niches, face au mainstream américain, croit l’analyste Julien Roch (Oddo).  Ou plutôt basculer vers des plateformes numériques gratuites (AVod), mêlent publicité classique et ciblée ? Les nouveaux modèles restent à inventer. L’année 2020 pourrait avoir été celle du calme avant la tempête.