L'édito de Philippe Bailly

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Fête de la radio : beaucoup de mots, mais peu de preuves d’amour.

La radio a cent ans. Ce 1er juin, les médias ont largement célébré cet anniversaire, et le rôle clé de la radio dans la circulation de l’information et dans l’animation du débat démocratique ont été maintes fois souligné. Mais si la radio devait prendre forme humaine, elle méditerait peut-être cette formule du poète Pierre Reverdy : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour »… pour constater sans doute que les preuves sont cruellement manquantes.

La constante est hélas, de ce point de vue, la règle. Pour avoir officié comme conseiller technique en charge du secteur au cabinet de la ministre de la Culture Catherine Trautmann, j’ai pu constater la difficulté à faire discuter les sujets qui la concernaient lors des réunions interministérielles (RIM en langage d’initiés) consacrées à la préparation de la grande réforme audiovisuelle d’août 2000 ; vingt ans plus tard, et même un peu plus, c’est la radio qui est ressortie sacrifiée du « resserrement » conduisant du projet Riester (2019) au projet de loi Bachelot (2021).

Il apparaît plus que probable aujourd’hui que la radio sortira du quinquennat 2017/2022 comme elle y était entrée… et dans un cadre légal dont les points clé n’ont plus bougé depuis le début des années 1990.

C’est vrai notamment des seuils de couverture dits « anticoncentration » : l’ensemble des réseaux détenus par un même éditeur ne peut couvrir une population cumulée supérieure à 150 millions de Français… En oubliant que la population française a augmenté depuis, et quitte à bloquer aujourd’hui toute opération de consolidation du secteur.

Mais cette inertie s’étend à des sujets qui ne sont pas du domaine législatif et pourraient donc, en principe, être plus facilement réformés.

Celui des mentions légales par exemple, et de la logorrhée, le plus souvent incompréhensible, que se doivent d’intégrer de nombreux spots publicitaires. Quitte à exaspérer l’auditeur et à gravement handicaper la mémorisation du message.

Celui des quotas de chansons francophones, aussi, qui à force de rester imperméables à l’évolution des usages finit par confiner à l’absurde. Une définition des « jeunes talents » qui permet à Brigitte Fontaine (81 ans), de continuer à bénéficier de ce statut, faute d’avoir engrangé suffisamment de disques d’or. Une définition qui a permis au duo Sting / Maître Gims de 2019 de bénéficier du même statut, dès lors qu’ils n’avaient pas de passé discographique commun. Une définition qui a encore permis au 2e album d’Angèle de rester considéré comme une nouvelle création… puisqu’il est présenté comme un complément au premier.

Celui, finalement, de la modernisation du média et du passage à la Radio Numérique Terrestre (DAB+). Alors qu’il semblait promis à l’oubli, le dossier a été porté avec une énergie remarquable par le CSA, depuis plus de cinq ans. La réglementation européenne a posé le cadre permettant la montée en puissance progressive de l’équipement des ménages avec, notamment, l’obligation pour les constructeurs automobiles d’intégrer un tuner DAB+ aux autoradios ; en plus des procédures conduites pour des radios régionales, le CSA a mené les appels à candidature permettant de sélectionner 25 réseaux radiophoniques numériques nationaux. Déjà retardé par la crise sanitaire, leur lancement avait été programmé pour le début de l’été 2021… Par une forme de paradoxe, la Fête de la radio a été l’occasion d’annoncer son report au mois d’octobre.