L'édito de Philippe Bailly

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Et si on régulait le numérique avec souplesse et pragmatisme

Le gouvernement britannique a dessiné les contours d’une nouvelle régulation de l’audiovisuel et des plateformes de VoD dans un livre blanc Up Next, The Government’s vision for the broadcasting sector publié le 28 avril (lire notre article). Brexit ou pas la nécessité de protéger les acteurs traditionnels de la TV linéaire, de préserver la place d’un service public audiovisuel, de contrôler des plateformes toutes puissantes et de limiter leurs dérives en termes de contenus, finit donc par s’imposer outre-Manche, comme dans le reste de l’Europe qui vient d’adopter deux règlements majeurs le DSA et le DMA.

Certes l’approche britannique préconisée par le gouvernement Johnson est celle d’un droit souple, d’une soft law, plus pragmatique et moins contraignante que les règles de l’Union européenne. Mais la démarche démontre, s’il en était encore besoin, que dans l’univers numérique le laisser-faire n’est plus acceptable ni accepté.

Il n’a jamais eu cours en France, championne de la régulation. Au contraire, la sophistication de la chronologie des médias, dont la révision dans la douleur, en février 2022, a tenté de faire rentrer les plateformes de streaming dans un cadre qui préserve les salles de cinéma, en est un exemple.

On constate pourtant que le pragmatisme des studios américains aboutit à un résultat proche. Tentés durant la pandémie de sortir leurs films simultanément en ligne et en salles, ceux-ci ont appris que l’expérience était perdante. Ils sont revenus à des fenêtres d’exclusivité pour les salles. Et prônent, pour certains, des fenêtres adaptables selon le type de films.

Jérôme Seydoux, le patron de Pathé, producteur du film oscarisé Coda, diffusé sur Apple+, tient le même discours, agacé du « dogmatisme » français qui exclut les films produits par les plateformes du Festival de Cannes, qui ouvre le 17 mai.

L’opposition salles vs plateformes a vécu, ont affirmé les professionnels américains du cinéma réunis fin avril au CinemaCon à Las Vegas. Echanges et partenariats entre les deux mondes se multiplient (lire l’article dans notre dossier : « Le cinéma tiraillé entre Grand et petits écrans »)

Alors que le public n’a pas repris massivement le chemin des salles de cinéma après la période d’abstinence imposée par les confinements successifs, assouplir les fenêtres d’exploitation pourrait être un moyen de l’inciter à revenir et de donner à chaque film sa chance.