L'édito de Philippe Bailly

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Arte, Canal+, France Télévisions, FMM, Radio France, M6, TF1 : un été en apnée pour les dirigeants du PAF

Vacances studieuses à prévoir pour les dirigeants de l’audiovisuel français ! Quelle que soit la distance qui les séparera de Paris pendant leur pause estivale, il leur sera sans doute difficile de ne pas y revenir, par l’esprit, tant les dossiers qu’ils retrouveront à leur retour sont structurants pour l’avenir de leurs groupes respectifs.

Au jeu des incertitudes, Gilles Pélisson et Nicolas de Tavernost ont au moins l’avantage de la visibilité sur le calendrier. Comme son président Benoît Coeuré l’a confirmé, l’Autorité de la concurrence rendra début octobre sa décision concernant la fusion prévue entre TF1 et M6. Mais si personne n’anticipe que le projet soit purement et simplement retoqué, l’incertitude est complète, en revanche, concernant les « remèdes » auxquels un feu vert pourrait être subordonné. La partie de poker menteur va donc se poursuivre encore pendant plusieurs semaines, pour évaluer le niveau au-delà duquel l’opération deviendrait inacceptable pour les deux partenaires.

En supposant cette étape franchie, TF1 et M6 entameront un long tête-à-tête avec l’Arcom : au titre de l’article 42-3, d’abord, et de la capacité de l’Autorité à révoquer les autorisations de diffusion en TNT de M6, W9, Gulli et 6ter, ce qui reviendrait à rendre la fusion impossible ; en vertu du même article, concernant les deux chaînes dont la cession à Altice est programmée (TFX et 6ter) ; dans le cadre du renouvellement de l’autorisation de diffusion – sans possibilité de prolongation hors appel à candidatures – de M6, enfin. La course contre la montre ne s’arrêtera donc sans doute pas avant le 6 mai 2023, échéance de l’autorisation actuellement en vigueur.

Le calendrier devrait être un peu plus étiré pour Canal+, puisque le terme de l’autorisation en cours se situe le 5 décembre 2023. Autant de mois qui pourront être mis à profit pour négocier les points soulevés par les dirigeants du groupe le 30 juin, lors de leur audition publique devant le collège de l’Arcom : durée de l’engagement à rester présent en TNT, niveau de la couverture à maintenir, souplesse dans la programmation de Canal+ et de ses déclinaisons, aménagement des heures de grande écoute, renforcement de la lutte contre le piratage… (lire dans cet INSIGHT NPA : Canal + pose ses conditions pour rester sur une TNT en « décroissance ») mais aussi, voire surtout, confirmation de la décision du ministère de l’Economie de soumettre désormais Canal+ au même taux de TVA que les services de SVoD (20 %), au lieu des 10 % dont il s’acquitte. L’enjeu financier est majeur – près de 10 % des recettes du groupe – avec à la clé, d’après son patron Maxime Saada, le risque pour ce dernier de se réenfoncer dans le rouge, alors qu’il était en train de s’en éloigner. De quoi ruminer…

Ce sont aussi des histoires d’argent qui risquent de polluer les vacances de Delphine Ernotte. Celui que son groupe n’a plus – les 160 M€ de réductions de ses recettes annuelles, subies depuis 2018 au titre de la « trajectoire financière » définie par l’Etat ; le montant dont il disposera en 2023, qui sera arrêté pendant l’été, avec au moins la garantie de ne pas subir de régulation budgétaire au cours de l’année (lire par ailleurs) ; mais plus encore celui dont France Télévisions disposera en 2024 et les années suivantes, dans le cadre du financement destiné à « garantir son indépendance et des moyens pérennes », comme Elisabeth Borne l’a répété devant l’Assemblée Nationale. Pour se changer les idées, Delphine Ernotte pourra aussi réfléchir aux scénarios d’évolution de l’organisation du service public. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’option d’un rapprochement de ses différentes entités, telle qu’elle en a exprimé le souhait lors de la conférence de rentrée du 6 juillet, est loin de rejoindre la vision exposée dans Le Figaro par sa collègue de Radio France Sibyle Veil…

Les dirigeants français y trouveront-ils matière à se rassurer ? A observer le plongeon qu’ont subi en bourses les géants américains du streaming, à observer la façon dont la colle des fusions récentes semble avoir du mal à prendre chez certains (Warner et Discovery particulièrement) ou à imaginer la tension dans laquelle les responsables de la communication financière de Netflix préparent la prochaine communication du 19 juillet, ils peuvent au moins se dire que le vent est tout aussi violent à l’Ouest.

Suffisant pour passer un bel été ?

NPA Conseil a au moins trouvé dans ces rappels le souhait qu’il formule pour chacune et chacun d’entre vous : Sérénité !