L'édito de Philippe Bailly

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Streaming, AVoD : bataille pour le gâteau publicitaire par temps de crise

Dans un contexte économique qui ne cesse de se dégrader, le paysage du streaming se brouille : les frontières entre gratuit et payant deviennent poreuses, tout comme celles entre acteurs de la télévision traditionnelle et streamers. Et tous convoitent un marché publicitaire que les prévisions n’annoncent pourtant pas florissant.

Certains streamers cherchent à atteindre ou améliorer leur rentabilité en augmentant le prix de leur offre payante : Amazon Prime Vidéo (lire notre article sur les hausses de prix d’Amazon) a augmenté de +25 % le prix de son forfait mensuel et de +42 % son abonnement annuel entre septembre 2020 et septembre 2022. NPA Conseil fait par ailleurs l’hypothèse qu’Amazon devrait intégrer à Prime Video son service gratuit Freeview, comme moyen d’optimisation de ses investissements dans les contenus, passerelle vers l’offre sur abonnement et levier de développement de ses revenus publicitaires (Lire notre article « Freevee bientôt intégré à Prime Video).

Dans un contexte de tensions sur le pouvoir d’achat des consommateurs, d’autres parient sur des modèles hybrides associant abonnement et publicité. Ce sera dès le 3 novembre le cas de Netflix, avec son offre Essentiel avec Pub dès le 1er novembre, qui, grâce à son positionnement tarifaire agressif, pourrait d’abord  – surtout ? – aider le leader mondial de la SVoD à relancer la croissance des abonnements à sa plateforme.

Ce sera aussi, début décembre, le cas de Disney+, aux Etats-Unis seulement dans un premier temps, avec une proposition à l’abonné différente : conserver un prix inchangé mais accepter l’arrivée de la publicité (donc, pour le groupe, disposer dès le premier jour d’une très large population publicitairement adressable), ou payer 3$ de plus par mois (et augmenter ainsi l’ARPU).

Le récent MIPCOM a confirmé par ailleurs la détermination des groupes de production internationaux à prendre grâce à l’AVoD et aux chaînes FAST une part du gâteau publicitaire « total vidéo », en partenariat avec les industriels de l’électronique Samsung ou LG, de filiales dédiées de leaders de l’entertainment (Pluto TV / Paramount, Tubi / Fox Corp…) et/ou de nouveaux entrants (Rakuten TV, Xumo…).

Mais les chaînes de télévision aussi mettent le cap sur le streaming. C’est l’ambition de M6 après l’échec de sa fusion avec TF1, a indiqué son président Nicolas de Tavernost en présentant ses résultats du 3e trimestre (Lire M6, un groupe dans l’expectative).

Ces stratégies peuvent-elles être payantes quand les nuages s’accumulent sur l’économie mondiale ? Quand l’inflation rogne le pouvoir d’achat des consommateurs, ils vont arbitrer dans leurs dépenses et entre les plateformes SVoD auxquels ils souscrivent.

Alors que le baromètre OTT / NPA note une certaine lassitude pour les usages de la SVoD, augmenter ses prix risque de faire monter le niveau du churn.

Et si la récession guette, les annonceurs seront frileux. Jusqu’ici la publicité vidéo digitale a conservé un fort dynamisme. Mais YouTube lui-même, première destination mondiale pour le visionnage de vidéo, a accusé au 3e trimestre une baisse de 2 % de ses revenus publicitaires, une première dans l’histoire de la filiale d’Alphabet (Google). Et la croissance des recettes publicitaire d’Amazon est loin de conserver les taux de croissance observés jusqu’à la fin 2021.

Les prévisions d’évolution du marché publicitaire restent, à ce stade, orientées à la hausse. En France, la vidéo digitale devrait connaître une croissance de +10 % en 2023, a prédit Magna, mais la structure du groupe Interbrand a révisé à la baisse ses prévisions pour le prochain exercice (à lire dans notre édition précédente). Et il prévoit que la publicité télévisée traditionnelle progresse à un rythme ralenti (+ 3%).

Dans ce contexte, l’industrie des programmes devrait elle aussi être atteinte. Déjà Netflix et les autres, réduisent leur niveau de dépenses dans les contenus pour amortir les milliards de dollars qu’ils ont déversés sans compter jusqu’ici.

Et du côté des acteurs traditionnels, M6 comme France Télévisions ont déjà annoncé des économies sur leurs investissements dans les programmes.

Augmenter (ou maintenir) le nombre des abonnés, en faisant payer plus cher pour des catalogues dont le renouvellement diminue, d’une part ; conserver le même niveau de « temps de cerveau disponible »  (d’audience) avec des grilles qui moins ambitieuses, de l’autre, et alors que de nouvelles sollicitations continuent à se développer, de l’autre.

Résoudre ces équations relève du tour de force.

Vivement le retour de croissance !