L'édito de Philippe Bailly

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Paramount+ et la revanche de la tortue numérique

Paramount n’est pas, loin de là, le plus gros des studios américains. Son chiffre d’affaires ne pèse par exemple qu’un gros tiers de celui du groupe Walt Disney. Et par sa stratégie prudente, il parait à l’opposé de la nature impulsive du héros maison, le capitaine Maverick. Mais, à voir les virages sur l’aile opérés par certains de ses concurrents, le patron de Paramount Robert Bakish n’a pas à regretter d’avoir refusé de mettre tous ses œufs dans le panier du streaming payant.

Version époque numérique de la maxime « ne pas lâcher la proie pour l’ombre », Paramount n’a jamais donné de signal d’arrêt de ses chaînes payantes ni de mise en sourdine de ses activités de vente de droits à des acteurs tiers. S’agissant de la France, il a resigné avec Canal+ un accord de distribution de MTV, Nickelodeon, Comedy Central… Et est le plus gros fournisseur de programmes de Prime Video parmi les studios américains.

Alors que ses pairs étaient focalisés sur le marché de la SVoD, Paramount a été aussi le premier à croire dans le développement de l’AVoD et des chaînes FAST, en rachetant Pluto TV en 2019, et en s’employant depuis à son développement partout dans le monde. Ces efforts ont doublement payé : en septembre, Pluto a franchi la barre symbolique du 1 % de part d’audience aux Etats-Unis (chaînes de TV et plateformes numériques confondues). Et ses recettes devraient excéder cette année le milliard de dollars.

En ne lançant Paramount+ qu’au printemps 2021, dans la suite de CBS All Access, Paramount+ a aussi laissé à ses concurrents un (grand) temps d’avance sur le terrain de la SVoD, et le développement à l’international de la plateforme s’est d’abord fait à petites foulées. Mais alors que certains semblent à l’heure de la temporisation, voire du jet de l’éponge pour les plus petits (LionsGate par exemple), l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse prolongeront bientôt le lancement effectué ce 1er décembre, en France, et s’ajouteront, sur le vieux continent, à l’Italie, à la Scandinavie et à une vingtaine de pays d’Europe centrale.

Il est trop tôt, évidemment, pour garantir à Paramount+ le succès, d’autant que la bataille du streaming n’en est encore qu’à ses débuts. Mais il y a dans les développements que sa maison mère a conduit ces dernières années quelques idées simples : capitaliser sur ses actifs et ne pas les sacrifier pour se lancer à la conquête d’un nouveau territoire, même jugé prometteur, agir à contrecycle, en évitant les terrains sur lesquels la concurrence est la plus féroce et sur lesquels on risque de s’épuiser pour travailler sur des opportunités alternatives…Des idées susceptibles de nourrir plus d’un cas dans les écoles de marketing.