L'édito de Philippe Bailly

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Le double strike de l’Autorité de la concurrence

Dans les textes, au moins, l’Autorité de la concurrence est chargée de veiller à ce que la compétition économique se déroule dans des conditions loyales. Pas de faire de la politique industrielle. De Salto au projet de fusion de TF1 et M6, soit à peine quatre ans, ses décisions auront pesé sur l’évolution du paysage audiovisuel bien davantage que celles des ministres de la Culture et présidents du CSA puis de l’Arcom qui se sont succédés.

Sur la place que les Français auront – ou risquent de ne pas avoir – dans le streaming payant, d’abord. Mettre en regard la courbe du nombre d’abonnés ou celle du volume d’utilisation de Salto, d’une part, la décision de ses actionnaires de cesser son activité, de l’autre, suscite spéculations et vraies/fausses informations, autrement dits rumeurs sur les motivations qui auraient amené TF1, M6 et France Télévisions à interrompre cette montée en puissance.

On peut au moins avancer deux explications… qui conduisent l’une comme l’autre à la rue de l’Echelle (siège de l’AdlC).

Concernant les conditions de lancement de Salto, d’abord.

Il s’est écoulé près de 30 mois entre l’annonce du projet en juin 2018 et le lancement de la plateforme en octobre 2020. Au moment de la première, Netflix n’avait pas encore soufflé sa quatrième bougie, Prime Video commençait tout juste à structurer son offre après des débuts cafouilleux, fin 2016, Disney+ n’était encore qu’un projet… En d’autres termes, le marché de la SVoD était encore à conquérir. Il en allait tout autrement lors de l’ouverture effective de Salto, et d’autres acteurs ont continué depuis à entrer dans le marché (Paramount+ pas plus tard qu’en décembre dernier). En d’autres termes, l’AdlC a privé Salto d’une des clés essentielles de réussite dans le business : le time to market

Mais elle ne s’est pas arrêtée là.

A force d’interdire toute synergie entre Salto et ses actionnaires, elle a privé le projet de son rationnel, donnant à peu près autant de chance de réussite à TF1, M6 et France Télévisions qu’à la réunion d’un buraliste, d’un pêcheur à la mouche et d’un étudiant en philosophie…

Avec constance, l’Autorité de la concurrence a poursuivi sur le terrain des offres gratuites ce qu’elle avait entrepris du côté de la SVoD, en rendant de facto impossible la réalisation de fusion entre TF1 et M6… au moment où le front s’est déplacé vers l’AVoD et les chaînes FAST.

Ainsi que le relève cette semaine l’Insight NPA, en s’appuyant sur les résultats du Baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive, un Français sur dix a à ce jour adopté ces dernières, soit trois fois plus qu’à la fin mars.

On comprend, dès lors, que le patron de TF1 Rodolphe Belmer ait évoqué devant les syndicats de TF1 son ambition de bâtir une « grande plateforme gratuite ». Mais tandis que montent en puissance l’américain Pluto TV (groupe Paramount, 70 millions d’utilisateurs dans le monde), Samsung TV Plus et LG Channels (plus de 40 % des téléviseurs vendus en France en cumul des deux constructeurs coréens) ou Rakuten TV (du géant japonais du e-commerce éponyme), c’est isolés que les deux champions tricolores partent à la bataille.

Bon courage !