L'édito de Philippe Bailly

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Quelle part du pactole CTV pour les acteurs français ?

La CTV fait figure depuis plusieurs mois déjà de nouvelle poule aux œufs d’or pour les professionnels de l’audiovisuel. Les estimations que publie cette semaine l’INSIGHT NPA, réalisées à partir des données du SRI, confirment qu’elle représente déjà 1,5 fois le cumul de la publicité segmentée (TVS) et du replay sur les box, et qu’elle bénéficie d’une impressionnante dynamique (plus de 30 % de progression en 2022).

Mais du nouveau gisement, les groupes audiovisuels français ne tirent aujourd’hui que de – petites – pépites (moins de 10 % du total). Les pièces sont pour les FAST et les lingots pour YouTube. On comprend mieux, à le lire, l’enthousiasme de la filiale d’Alphabet pour la nouvelle mesure unifiée, qui lui permettra de mieux valoriser encore dans les plans médias l’audience qu’elle réalise sur le téléviseur.

Et l’espoir d’un rééquilibrage spontané paraît bien aléatoire.

La smart TV représente la pierre angulaire du développement de la CTV. A la fin décembre 2022, le Baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive indique que plus d’un foyer français sur deux en est équipé. La courbe devrait encore sensiblement progresser si l’on observe les niveaux atteints par nos principaux voisins, et le fait que les téléviseurs connectés représentent la presque totalité des ventes.

La fabrication en est principalement assurée en Chine, en Corée du Sud ou au Japon. Jamais en Europe.

Ils « tournent » sur des OS coréens (Tizen, WebOS), américains (Android TV, Xumo), japonais (My Home Screen), chinois (Hisense Vidaa), mais pas européens.

Les principales plateformes de partage de vidéo sont américaines (YouTube, Twitch), mais aucun des leaders de l’AVoD ou des FAST (LG Channels, Plex, Pluto TV, Rakuten TV, Samsung TV Plus…) n’est européen, après que Molotov a été racheté par Fubo.

Seuls les contenus sont – pour partie – français ou européens. Mais leurs propriétaires (producteurs / distributeurs surtout, particulièrement en France, compte tenu des règles sur la production indépendante) ne semblent pas en capacité, à eux seuls, de structurer le nouveau paysage.

Au temps du broadcast (satellitaire ou terrestre) triomphant, les gouvernements ont longtemps cru pouvoir contrôler par la loi ou le décret, l’évolution de l’offre ou celle des usages. Ce jeudi matin, encore, la ministre de la Culture se félicitait sur France Inter d’avoir pu imposer aux plateformes de SVoD de contribuer à la création à hauteur de 20 % de leur chiffre d’affaires (mais sans un mot, concernant l’arrêt imminent de Salto, et sans d’ailleurs être interrogée à ce sujet…).

Mais ce qui a valu pour les éditeurs semble infiniment plus difficile à atteindre demain, concernant les « distributeurs virtuels » (sans box et sans réseau propriétaire) de l’ère numérique. Qu’ils aient pour noms Apple TV, Amazon Channels, Samsung TV Plus, Pluto TV, LG Channels ou encore Rakuten TV.

Difficulté à aboutir dans l’établissement de la liste des « services d’intérêt général » supposés bénéficier dans leurs interfaces d’une visibilité renforcée par la grâce de la Directive SMA.

Difficulté – relevée par l’Arcom – à la leur faire appliquer, dès lors que leurs sièges européens sont établis ailleurs qu’en France (et qu’ils ne sont donc juridiquement pas considérés comme des distributeurs).

Tentation de certains de nos voisins européens de réviser vers le bas le dispositif de la Directive…