Au-delà de Canal+ Cinéma, elle-même, l’audition qui lui était consacrée ce 11 juillet devant l’Arcom a été l’occasion pour les dirigeants de Canal+ d’évoquer plus largement la stratégie du groupe dans le cinéma (le « triptyque télévision payante, télévision gratuite et Studio Canal », un volume d’investissement annuel de 500 M€ et le travail de segmentation et d’éditorialisation des offres). Canal+ a également confirmé qu’il avait dénoncé au mois de mai les accords en cours qui concernent Canal+ et OCS « qui courent jusqu’au 31 décembre 2024, afin de nous permettre de renégocier sereinement ». Si Maxime Saada a répété sa proposition de porter à cinq ans son engagement avec le cinéma français, pour un investissement total supérieur à un milliard d’euros, au lieu de trois aujourd’hui, cet allongement, et les possibilités d’exposition du cinéma en clair (sur les plateformes des chaînes gratuites, notamment France Télévisions) sont les deux principaux points de friction mentionnés pendant l’audition. « Je pense que c’est une chance et qu’il faut la saisir, et que d’autres n’ont pas saisi cette chance, a mis en garde le Président du directoire de Canal+. Dans le foot français, par exemple, on voit la situation dans laquelle ils sont aujourd’hui, et je fais l’analogie parce qu’elle est de même nature pour moi ».
Alors que Maxime Saada avait évoqué le redressement économique, la digitalisation et l’internationalisation comme les clés de la stratégie de Canal+, c’est sur le « triptyque télévision payante, télévision gratuite et Studio Canal » qu’il s’est appuyé ce jeudi 11 juillet, en introduction de l’audition consacrée à Canal+ Cinéma devant l’Arcom, pour résumer « la place unique du Groupe Canal+ dans l’écosystème du cinéma » : « Notre groupe est présent sur toute la chaîne de valeur du cinéma. Nous produisons et nous distribuons des films via notre filiale Studio Canal (et 21 structures de production), et nous sommes régulièrement premiers distributeurs français. Les films poursuivent ensuite leur chemin sur nos antennes, en VOD tout d’abord, puis sur nos chaînes premium Canal+, et Canal+ Cinéma en première exclusivité, puis sur Ciné+, devenu Ciné+ OCS récemment, et enfin sur nos chaînes gratuites C8 et C-Star ».
Davantage que sur les détails du projet Canal+ Cinéma, l’audition a porté plus largement sur la stratégie de Canal+ dans le cinéma, et sur sa relation avec l’écosystème : accord avec le cinéma français et chronologie des médias.
Maxime Saada a également confirmé lors de l’audition que son groupe se portait bien candidat à des autorisations de dix ans pour ses différentes chaînes TNT soumises à renouvellement. « Nous pensons qu’il est absolument essentiel aujourd’hui de favoriser la stabilité », ce qui motive par ailleurs sa demande de renouvellement pour une durée de cinq ans de son accord avec le cinéma français (voir plus bas).
Un investissement annuel de plus de 500 M€ dans le cinéma
Au global, le président du directoire de Canal+ évoque un investissement annuel de « plus de 500 M€ dans le cinéma, dont 200 M€ uniquement liés à l’accord historique » avec le cinéma français. « Le groupe contribue davantage que tous les autres acteurs réunis, chaînes gratuites et plateformes internationales. Et ces dernières ont fait le choix de flécher 80% de leurs obligations d’investissement dans l’audiovisuel plutôt que dans le cinéma, alors qu’un montant supérieur dans le cinéma leur aurait pourtant permis d’accéder à la première fenêtre de diffusion ».
« 46 des films d’expression originale française préfinancés par Canal+, sont des films dits de la diversité, c’est-à-dire avec un budget inférieur à 4 millions d’euros, a par ailleurs pointé le dirigeant. Cela représente 25% de nos investissements alors que notre obligation se situe à 17% ». Et « 32% des préachats EOF étaient ont été consacrés en 2023 à des premiers films».
Il a également fait valoir le premier bilan du « fonds d’aide pour soutenir le développement des projets cinématographiques dirigés par des réalisatrices », mis en place pour deux ans et doté d’un million d’euros, et qui a déjà soutenu « 10 projets portés notamment par Maïmouna Doucouré, Sophie Le Tourneur, Axel Laffont ou encore Victoria Bedos ».
S’agissant des antennes, l’équipe de Canal+ a décrit un dispositif à quatre niveaux pour son offre de cinéma :
- « Deux cases éditorialisées qui sont le vendredi Box Office et le mardi Coup de cœur » sur Canal+, présentant « le cinéma événementiel, indispensable, incontournable, qui a eu les plus grands prix »,
- La chaîne Canal+ Box Office, avec pour promesse « de proposer les films qui ont fait le plus d’entrées en salles »,
- La chaîne Canal+ Grand écran, qui « propose le meilleur du cinéma de catalogue, les films à avoir vu dans une vie »,
- Canal+ Cinéma qui est « la chaîne de la cinéphilie, de l’expertise pour les amoureux du 7e art ».
Par ailleurs, « le bouquet Ciné+ OCS qui est issu du rapprochement de l’ancien bouquet Ciné+ avec OCS est composé de 6 chaînes avec une distribution qui, contrairement à Canal+ Cinéma, n’est pas exclusive ».
Ces différentes offres partagent, d’après les dirigeants de Canal+ :
- La possibilité de regarder « la totalité des 100 premiers films du box-office 2023, la totalité des films primés au César, des accords avec l’ensemble des Majors américains, Disney, Warner, Universal, Paramount et Sony ».
- Une forte valeur d’éditorialisation qui se retrouve notamment, au-delà de la programmation des films, dans la programmation de quatre émissions consacrées au cinéma,
- Une « prescription éditoriale pointue et non algorithmique, qui permet de mettre en avant sur myCanal des œuvres cinématographiques et d’événementialiser leurs découvertes ou redécouvertes »,
- La capacité
Les accords cinéma d’OCS et de Canal+ dénoncés en mai pour éviter leur tacite reconduction
Lors de son introduction, Maxime Saada a répété que le groupe « avait proposé (aux organisations professionnelles) de renouveler pour une durée de 5 ans et pour un montant total supérieur à un milliard d’euros (l’accord signé le 2 décembre 2021) pour permettre au cinéma français et à nos abonnés de se projeter dans le long terme».
Dans l’immédiat, le groupe a dénoncé au mois de mai l’accord concernant Canal+ et celui qui concerne OCS « qui courent jusqu’au 31 décembre 2024, afin de nous permettre de renégocier sereinement », a précisé la secrétaire générale Laetitia Ménasé.
Comme pour l’accord en cours, les négociations portent sur « le financement de la création par l’ensemble des chaînes payantes de Canal+ », avec l’objectif de « définir une enveloppe globale ».
« Les sujets qui posent des difficultés, c’est d’abord la durée, expose Maxime Saada. On nous dit oui mais 5 ans c’est compliqué (parce que l’arrêté d’extension de l’accord sur la chronologie des médias qui peut être pris par la ministre ne peut l’être pour plus de trois ans), alors que je veux donner de la visibilité au groupe et à nos abonnés, et surtout j’aimerais éviter de tous les 18 mois me retrouver à négocier pendant un an. Le deuxième qui est très important pour nous, c’est l’exposition en gratuit. On a eu d’ailleurs des difficultés avec France Télévisions qui défend une politique visant notamment à favoriser l’émergence et le développement du délinéarisé. Mais on pense qu’on ne pourra pas motiver éternellement des abonnés à payer pour du cinéma s’il y a une offre trop pléthorique de cinéma gratuit qui s’ajoute au problème de piratage ».
Sur l’approvisionnement en film du groupe Canal+, pour les différentes fenêtres, Maxime Saada a également évoqué sa difficulté à « acheter pour nos chaînes gratuites (des films) qui sont financés par TF1, M6 ou France Télévisions qui les préemptent d’année en année et qui nous interdisent donc de les diffuser », et le risque d’assèchement des films disponibles en deuxième fenêtre pour alimenter les antennes de Cine+ et OCS : l’accord sur la chronologie des médias de 2022 « a permis aux plateformes de se positionner sur les premières fenêtres, ce qu’elles ont choisi de ne pas faire, et sur les deuxièmes fenêtres, ce qu’elles ont choisi de faire. (Si Cine+ et OCS) ne parviennent plus à acheter du cinéma en deuxième fenêtre face aux plateformes américaines on ne tiendra pas nos engagements, et même on devra arrêter les chaînes ».
Répondant finalement à une question sur les conséquences, en cas d’absence de signature avant la fin de l’année, Laetitia Ménasé indique que « ça voudrait dire que la chronologie applicable à Canal+ repasserait de 6 à 9 mois mais aussi que les obligations de financement du groupe, qui sont aujourd’hui signées sur une base forfaitaire, redescendraient au niveau des obligations réglementaires ».
« Je pense que c’est une chance et qu’il faut la saisir, et que d’autres n’ont pas saisi cette chance, a mis en garde le Président du directoire de Canal+. Dans le foot français, par exemple, on voit la situation dans laquelle ils sont aujourd’hui, et je fais l’analogie parce qu’elle est de même nature pour moi ».
A retenir concernant Canal+ Cinéma
Positionnement :
« Jouant à plein la possibilité de diffuser la limite fixée par la législation d’un tiers de programmes propres, pour proposer une onde de cinéma enrichie avec des films diffusés uniquement et exclusivement sur cette antenne et jamais sur Canal+ » mais aussi « un travail d’éditorialisation pointu ».
Programmation :
« Plus de 500 films par an, dont 280 en première fenêtre et 180 qui ne sont diffusés que sur cette chaîne ».
Quatre émissions consacrées au cinéma : + de courts (« seul programme TV consacré au court métrage »), Tchi Tcha (Laurie Cholewa), Le Cercle (Lily Bloom) et Faut voir (Antoine de Caunes).
Engagement à porter de 60% à 100% la part des films sous-titrés à l’attention des mal entendants.
Audience :
« Plus de 6 millions de françaises et de français regardent chaque mois Canal+ Cinéma ».
« On était au-dessus de 60 ans il y a 5 ans en termes de moyenne d’âge du public. Aujourd’hui on est à peu près à 52 ans, avec une répartition qui se fait 10% sur les 15-34, 40% sur les plus de 35 ans et 25% sur les plus de 65-70 ans, et 50% d’hommes, 50% de femmes ».
Modèle économique :
Contribution à la création :
Un « investissement en programmes de 90 M€ par an ».