Les résultats affichés par les régies françaises des plateformes digitales mondiales sont très loin de refléter l’intégralité des revenus publicitaires de ces dernières dans l’hexagone, comme en atteste l’étude réalisée par NPA Conseil : alors que les comptes des huit structures[1] prises en compte totalisaient 3,7 Mds€ de chiffre d’affaires en 2023, une première analyse s’appuyant sur les résultats de l’Observatoire de l’ePub[2] permet de l’évaluer à 6,8 Mds€ ; une deuxième approche, conduite à partir des revenus mondiaux de ces groupes, amène à un total supérieur à 10,2 Mds€ pour la même année. Et les études de cas individuels confirment l’importance de ces écarts : Google France, par exemple, qui assure la régie de Google et de YouTube, a déclaré 1,7 Md€ de chiffre d’affaires en 2023, alors que le marché du search,dont Google pèse au moins 90 %, était évalué à 3,335 Mds€ par Oliver Wyman (hors retail search) et qu’on situait les recettes de YouTube pour la même année à près de 500 M€…
La différence – 3 à 6,5 Mds€ – est facturée par d’autres filiales européennes (Google Ireland Limited, Meta Platforms Ireland Limited, TikTok Information Technologies UK Limited…), ce qui permet d’échapper à la TVA et IS sur les montants concernés. Passer par l’étranger permet aussi de contourner l’interdiction de versement de rétrocommissions aux agences médias, qui représente un élément central de la loi Sapin, contribuant ainsi à creuser les asymétries subies par les médias français.
En 2023, les comptes déposés par les filiales françaises des plateformes digitales leader (Amazon, Facebook, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snap, TikTok, X, YouTube) affichaient 3,7 Mds€ de chiffre d’affaires. A titre de comparaison, les revenus publicitaires de la télévision dans son ensemble étaient inférieurs à 3,4 Mds€ pour la même année. Le chiffre est donc significatif, et la recette est très dynamique : en hausse de 70% par rapport à 2021.
6,8 à 10,2 Mds€ de revenus publicitaires en 2023 en France pour Alphabet, Amazon, Meta, LinkedIn, Pinterest, Snap, Tik Tok et X
Mais la réalité du chiffre d’affaires des plateformes est bien supérieure : en 2023, l’Observatoire de l’ePublicité, réalisé par oliver Wyman pour le SRI et l’Udecam, évaluait à 72 % la part d’Alphabet (Google, YouTube), Amazon, Meta (Facebook, Instagram), LinkedIn, Pinterest, Snap, Tik Tok et X, dans le marché de la publicité numérique en France, soit 5,6 Mds€ en 2021, 6,1 Mds€ en 2022 et 6,8 Mds€ en 2023 pour les huit acteurs étudiés, et un écart supérieur à 3 Mds€ par rapport aux revenus enregistrés dans les comptes des filiales françaises.
Et une deuxième projection, qui croise le poids de la France dans le marché publicitaire mondial (2,2 % en 2021 et 2022, et 2,1 % en 2023) et l’applique au chiffre d’affaires mondial de ces groupes (394,7 Mds€ en 2021, 425,9 Mds€ en 2022 et 477,6 Mds€ en 2023), permet d’estimer leur revenu tiré du marché français à 8,5 Mds€ en 2021, 9,2 Mds€ en 2022 et 10,2 Mds€ en 2023.
Au final, l’écart par rapport aux revenus déclarés atteint 6,5 Mds€ dans la deuxième projection réalisée par NPA Conseil.
| Contrastant avec les écarts constatés s’agissant des plateformes digitales globales, l’agrégation des chiffres d’affaires déclarés par les huit principales régies de télévision, d’une part, des données de l’étude BUMP sur le marché de la publicité télévisée, de l’autre, fait apparaître un écart limité à quelques dizaines de millions d’euros, correspondant aux acteurs non pris en compte dans ce cumul (chaînes thématiques, chaînes locales…). |
Le cas Alphabet : 3,5 Mds€ de revenus estimés pour 1,7 Md€ déclarés
Compte tenu d’une part des usages supérieure à 90 % parmi les différents moteurs de recherche, on peut évaluer les revenus de Google dans le marché du search à au moins 3 Mds€ (90 % d’un total de 3,335 Mds€ en 2023, hors retail search, d’après l’Observatoire de l’ePub).
Deux approches permettent par ailleurs de situer les revenus publicitaires de YouTube dans une fourchette comprise entre 460 et 510 M€ en 2023, en tenant compte du marché de l’AVoD (535 M€ en 2023) et de celui du segment « streaming vidéo et musical » (624 M€).
Au total, on peut évaluer à 3,5 Mds€, au moins, le chiffre d’affaires publicitaire généré par les deux activités principales d’Alphabet, contre 1,7 Md€ en 2023 dans les comptes déposés par Google France.
[1] Amazon Online France SAS pour Amazon ; Google France EURL pour Google et YouTube ; Facebook France EURL pour Facebook et Instagram ; TikTok SASU pour TikTok, Linkedin France SAS pour Linkedin ; Snap Group SAS pour Snap, Pinterest France SAS pour Pinterest et Twitter France SAS pour X (2021 seuement)
[2] Réalisé par Oliver Wyman pour le SRI et l’Udecam
